Conditions de l´enquête
Le canton de Noyon a fait l´objet d´une étude d´inventaire, dit topographique, réalisée en 1986, par le service régional de l´Inventaire du patrimoine culturel. Il a donné lieu à trois publications intitulées Le canton de Noyon (coll. Images du Patrimoine, n°207) parue en 1986, La ville de Noyon (coll. Cahiers de l'Inventaire, n°10), parue en 1987 et La cathédrale Notre-Dame de Noyon (coll. Itinéraires du Patrimoine, n°141), parue en 1997.
Des compléments d´information ont été intégrés en 2009, pour répondre aux normes d´archivages en vigueur résultant du passage au dossier électronique.
L´ensemble présenté ici se compose de 317 dossiers architecture, 332 dossiers objets et plus de 2100 illustrations. Il comprend, notamment, des dossiers de présentation de chaque commune de l´aire d´étude (23) et des dossiers, dits collectifs (3), présentant une synthèse sur l´habitat (Les maisons et les fermes du canton de Noyon), sur les demeures urbaines et sur l'architecture religieuse et hospitalière de la ville.
I GEOGRAPHIE PHYSIQUE ET HUMAINE
1) Situation géographique
Le canton de Noyon, composé de 23 communes, se situe à l´extrémité nord-est du département de l´Oise. Fruit du découpage administratif, il ne forme pas une entité géographique mais présente un paysage animé, caractéristique du relief étagé qui oppose les plateaux tertiaires, calcaires et tabulaires, à la plaine picarde, crayeuse et ondulée. L'ample ruban alluvial marécageux de la vallée de l´Oise se trouve à l´articulation des deux, dominée au sud-est par le plateau soissonnais et au nord-ouest par les « montagnes » ou buttes témoins de Porquéricourt, du mont Saint-Siméon et de Béhéricourt, formant des reliquats d´érosion. Le contact se fait par les versants dissymétriques, relativement abrupts dans les calcaires, plus doux dans les grès et les sables. Si les sous-sols offrent des possibilités d´extraction de matériaux (sables, grès, calcaires) expliquant en partie l´habitat, les sols proposent des terroirs attractifs : campagnes riches sur les plateaux limoneux, vergers succédant aux vignes sur les versants constitués par des éboulis, et bien exposés au sud-est, prairies dans la vallée argileuse, et des terroirs ingrats : forêt sur les montagnes, chènevières et linières dans les fonds marécageux (aujourd´hui disparues).
2) Les voies de communication
Les lignes de force de ce relief sont dominées par la vallée de l´Oise orientée nord est/sud-ouest, laissant quelques passages transversaux, dont la trouée préférentielle entre deux séries de buttes fut utilisée par la voie romaine, reliant l´Italie à l´Angleterre. Cette dernière venant de Reims et Soissons, franchissait l´Oise à Pontoise et se dirigeait vers Roye et Amiens. La route de Paris à Saint-Quentin, quant à elle, reprend à quelques centaines de mètres près une route ancienne de piemont, la voie Pallée (que suivent plusieurs limites communales nord : Salency, Grandrû). La voie d´eau naturelle fut doublée en 1831 par une voie d´eau artificielle, le canal latéral, complétée par celui du Nord, en 1966. La voie ferrée Paris-Bruxelles, primitivement Creil-Saint-Quentin, construite à partir de 1848, emprunte également la vallée de l´Oise et traverse le canton de Noyon. Les axes facilitant les échanges ont créé un pôle de contact et ont favorisé l´installation de Noyon et des communes périphériques, à la limite de petites régions.
3) La population
La population du canton de Noyon augmente sensiblement dans toutes les communes jusque vers 1830, ce qui n´est pas sans rapport avec la chronologie du bâti. Un mouvement de dépeuplement s´annonce à partir de 1850 allant en s´amplifiant après la Seconde Guerre mondiale ; la ville de Noyon, où se concentre l´essentiel des emplois, attire évidemment la population active en faisant profiter les communes périphériques (Morlincourt, Pont-l´Evêque, Sempigny).
Dans son Précis statistique sur le canton de Noyon (1851, p. 39) Louis Graves décrit la population du canton en 1851 :
« Moeurs, instruction, etc. La population du canton de Noyon, presque entièrement agricole, comprenant un grand nombre de petits tenanciers et de jardiniers maraîchers, est remarquable par l´amour de l´ordre, l´esprit de travail, d´économie, le respect des fois et des habitudes. Les biens communaux partagés dans la plupart des communes sous le régime de 1791, y ont développé les qualités qui résultent partout de l´état de propriétaire et notamment les habitudes laborieuses inséparables de la petite culture ».
4) Activités économiques
L´agriculture est traditionnellement l´activité économique essentielle dans le canton de Noyon. Cette activité est présente avec des facettes très variées, aussi variées que le paysage du canton.
a) Les propriétés
Au milieu du 19e siècle (d´après Graves), la région était un pays de petites propriétés, la plupart des exploitations ne dépassant pas 10 ha. La division des terres était cependant très variable selon la nature du sol, ou encore selon le rapport surface-population. Les grandes propriétés occupaient les terres argileuses (Beaurains, Genvry, parties hautes des terroirs de Mondescourt, Appilly, Baboeuf, Larbroye, Ville, Passel, rive gauche de l´Oise), les petites propriétés des terres sablonneuses (Porquéricourt, Vauchelles, Béhéricourt, Grandrû, Morlincourt, Salency, parties basses de toutes les communes de la rive droite de l´Oise. Quelques grandes fermes liées à des défrichements récents (début du 19e siècle) se distinguaient par leurs dimensions : ferme de Parvilliers (commune de Sempigny), ferme de Courcelles (Pontoise-lès-Noyon), ferme Neuve (Varesnes).
Cette situation a évidemment beaucoup évolué depuis le milieu du19e siècle, avec le dépeuplement des communes, dans le sens d´un agrandissement des exploitations.
b) Les cultures
Le canton de Noyon est une région céréalière, ce qu´il était déjà au milieu du 19e siècle (moitié des terres cultivées). Les cultures étaient cependant variées : développement timide de la betterave et de la pomme de terre ; lin et chanvre sur la rive gauche de l´Oise destinés aux industries domestiques (Cuts) ; jardinage très important, surtout dans la périphérie de Noyon ; disparition de la vigne sur les coteaux de la rive droite de l´Oise au profit des arbres fruitiers (cidre). Les près, en bordure de l´Oise, occupaient vers 1850 1/7 de la surface du canton, et les bois en constante régression 1/5 de cette même surface.
c) Autres activités économiques vers 1850
Outre l´agriculture, les autres activités économiques étaient très limitées au milieu du 19e siècle. On remarque cependant l´importance des carrières (Béhéricourt, Salency, Noyon, Mont Saint-Siméon, Cuts, Caisne et Ville), d´où l´on extrayait un calcaire propre à la construction.
Doivent encore être signalées pour leurs conséquences sur le bâti les industries domestiques de tissage du lin et du chanvre et l´existence en 1850 de 28 moulins à eau et 30 pressoirs à cidre. En fait, il n´existe pas véritablement d´usine dans le canton de Noyon avant la seconde moitié du 19e siècle. Naissent alors en 1871-1872 la manufacture de chaussures de Baboeuf, les briquetteries de Noyon et de Pont-l´Evêque, puis en 1899 la fonderie de Noyon (Jacob Delafon), toujours en activité au moment de l'enquête. De ces usines est issu un habitat ouvrier fait d´ensembles de petites maisons de briques, semblables à bien d´autres dans le nord de la France.
II CADRE HISTORIQUE
Etape sur une importante voie romaine, Noyon alors appelée Noviomagus, est au Bas-Empire une petite civitas rattachée à la Belgique Seconde et résidence d´un préfet. Elle passe ensuite entre les mains de divers rois francs, subissant les nombreux partages des royaumes mérovingiens. A la mort de Pépin en 768, Noyon échoit à Charlemagne avec le royaume d´Austrasie et une partie de la Neustrie. La ville et sa région, dans l´empire carolingien, sont administrées par un comte.
Depuis le déplacement du siège épiscopal de Vermand par saint Médard au 6e siècle, Noyon est, jusqu´à la fin de l´Ancien Régime, le siège d´un important évêché, dont les limites sont fixées au concile de Noyon en 814. Au temps de l´écroulement de l´empire carolingien, l´essentiel des pouvoirs du comte passe à l´évêque.
Prévôté dans le grand bailliage de Vermandois, mis en place en 1190, Noyon devient siège d´un bailliage et d´une élection en 1595, comprenant 4 villes, Noyon, Chauny, Ham et Nesle. A la même date, l´élection de Noyon est détachée de la généralité d´Amiens pour entrer dans celle de Soissons. Noyon et sa région appartiennent depuis le début du 16e siècle et jusqu´à la Révolution française au gouvernement d´Ile-de-France.
Les nouvelles administrations mises en place en 1790 bouleversent les limites anciennes du territoire. Noyon devient chef-lieu de canton dans l´arrondissement de Compiègne, département de l´Oise ; l´évêché est supprimé, de même que celui de Senlis, au profit de Beauvais.
III LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL
L´ensemble du patrimoine architectural du canton de Noyon, et tout particulièrement le patrimoine religieux, a beaucoup souffert pendant la Révolution française. A Noyon même, où l´on pouvait compter en 1789 dix églises paroissiales, aucune n´a été épargnée. Actuellement, seules subsistent l´église Sainte-Madeleine et les ruines modestes des églises Saint-Hilaire et Saint-Germain. Les établissements conventuels, tous sécularisés, ont plus souffert encore : il ne reste rien de l´abbaye Saint-Eloi et les quelques vestiges conservés de la chartreuse du Mont-Renaud ont disparu pendant la Première Guerre mondiale.
La guerre de 1914-1918 fut un immense désastre pour la région de Noyon. L´offensive allemande de mars 1918, en particulier, et les bombardements français de Pâques, provoquent la disparition de l´essentiel du bâti ancien. La ville de Noyon est très gravement touchée : des 1800 maisons que comptait la ville en 1914, 805 sont rasées, les autres, pour la plupart endommagées.
Dans le canton, le pourcentage des destructions apparaît variable selon les communes. Des villages entiers ont été pratiquement anéantis, comme Suzoy, Larbroye, Porquéricourt. En revanche, certaines communes un peu à l´écart du front, comme Cuts ou Caisnes, ont été relativement épargnées. Les points stratégiques, tels le Mont-Renaud et les châteaux, ont été systématiquement pilonnés. Les églises n´ont pas échappé au désastre : 19 d´entre elles ont fait l´objet d´une restauration systématique, ou ont été purement et simplement reconstruites.
Le canton de Noyon conserve malgré tout quelques édifices majeurs.
Dans le domaine de l´architecture religieuse, il n´est rien d´antérieur au 12e siècle, l´édifice le plus ancien étant la cathédrale de Noyon, commencée vers 1145. A Caisnes, l´église Saint-Lucien date pour l´essentiel de la fin du 12e siècle. Bien que très transformée, la nef de l´église de Grandrû peut être située au 13e siècle, de même à Brétigny le choeur de l´ancien prieuré clunisien Saint-Hubert, malheureusement très restauré entre 1919 et 1937. Du 16e siècle, époque où l´on construit ou reconstruit beaucoup, datent l´église de Vauchelles, le choeur des églises de Baboeuf et de Grandrû. A Noyon, la bibliothèque du chapitre est commencée en 1506. Citons enfin l´hôtel-Dieu de Noyon, dont le cloître du 17e siècle est seul conservé et l´église Saint-Etienne de Morlincourt construite après 1757.
L´architecture civile est surtout illustrée à Noyon par l´hôtel de ville, édifié au début du 16e siècle, mais très altéré lors de sa restauration après 1918.
Le canton de Noyon recèle également quelques châteaux, dont certains possèdent des éléments médiévaux. A Mondescourt, un château-fort aujourd´hui ruiné date du 14e siècle, avec des restaurations du 16e siècle. Du 14e siècle date aussi l´ouvrage d´entrée du château de Béhéricourt, avec une partie du sous-sol du logis. L´ouvrage d´entrée du château de Salency date quant à lui de 1584, ainsi qu´une partie de l´enceinte fortifiée. A Brétigny, l´essentiel du château est aussi du 16e siècle. Cuts possède un château du 17e siècle, très restauré après son incendie de 1918. Le château de Waripont, à Mondescourt, et celui de Béhéricourt datent du 18e siècle. Tout au long du 19e siècle enfin, de riches propriétaires ont fait élever de belles demeures, souvent sur le site d´anciens châteaux. Toutes ont disparu en 1918, mais nous les connaissons par les cartes postales. Il s´agit de vastes bâtiments avec corps central accosté de deux ailes en retour comme à Genvry et à Ville, ou plus modestes comme à Varesnes, Baboeuf, Beaurains-lès-Noyon et Salency. Après la guerre, quelques-unes de ces demeures ont été reconstruites, mais avec des moyens limités, comme ceux de Ville et de Baboeuf.
Comme toutes les communes de France, celles du canton de Noyon possèdent chacune un monument aux morts de la guerre 1914-1918. De qualité fort modeste, ils se présentent ordinairement sous la forme d´un obélisque posé sur un socle à degrés, comme à Grandrû, Morlincourt, Salency, Varesnes ou Vauchelles. La plupart ont été construits par le marbrier noyonnais André. Seuls Appilly et Noyon possèdent des monuments qui sont des oeuvres originales.
Le canton de Noyon est fort pauvre en croix monumentales. Huit seulement ont été sélectionnées, dont aucune n´est antérieure à 1849. L´étude rapide de ce petit corpus invite à y distinguer trois groupes. Le premier, avec les croix de fer forgé de Porquéricourt et de Beaurains-lès-Noyon, datées respectivement de 1851 et de 1866, presque semblables, sont des productions locales de petite série. En revanche, les croix de fonte de Varesnes ou de Ville par exemple, appartiennent à une production de grande série, vers 1880, issue des ateliers d´Amiens ou du Vimeu. Le troisième groupe de croix sélectionné, enfin, n´a pas été choisi pour les croix elles-mêmes, modernes, mais pour leurs bases ; à Noyon, la base de la croix Saint-Claude au faubourg d´Orroire est un chapiteau du 12e siècle utilisé en remploi, celle de la croix de Tarlefesse, un chapiteau du 13e siècle.
IV LE MOBILIER
Le patrimoine mobilier ancien du canton de Noyon nous est parvenu dans des conditions bien particulières. Sculpture monumentale, meubles religieux de grandes dimensions ou précieux, vitraux, cloches, ont évidemment disparu dans les églises détruites ou fortement endommagées en 1914-1918. Seule l´église de Morlincourt fait exception avec sa chaire, son lutrin, ses lambris de murs et son décor intérieur sculpté du 18e siècle.
Dans les églises reconstruites ou restaurées, le mobilier nouveau, peu abondant, apparaît de fort modeste qualité, mais presque toujours, quelques vestiges ou parcelles de mobilier de l´édifice précédent ont pu être sauvés et remis en place. Signalons en particulier une série de fonts baptismaux, dont le plus remarquable est celui de Beaurains-les-Noyon, daté de 1678, et un objet exceptionnel comme la cage à reliques ou à reliquaires en fer forgé du 16e siècle, conservée à Vauchelles.
Une quarantaine de statues et statuettes de bois du 14e siècle au 19e siècle forme le corps du mobilier étudié. Vierge à l´Enfant et Christ en croix sont tout naturellement fort nombreux. Plus caractéristiques sont les statues liées à des vocables particuliers et surtout à des cultes locaux, saint Médard et saint Eloi, évêques de Noyon, par exemple, saint Sébastien, patron des compagnies d´arc, très nombreuses dans la région.
A Noyon même, autrefois siège d´un évêché, le mobilier ancien a subi un sort différent. Réunis à la cathédrale et dans ses annexes, les objets mobiliers proviennent soit de la cathédrale elle-même, soit des anciennes paroisses ou des établissements religieux de la ville et du canton, sécularisés à l´époque révolutionnaire, abbaye Saint-Eloi, chartreuse du Mont Renaud à Passel, par exemple.
Chercheur du service de l'Inventaire général du patrimoine culturel de Picardie, puis des Hauts-de-France, depuis 2002.