La ville antique
Fondation gallo-romaine du 1er siècle, Noyon est une agglomération secondaire de la Cité des Viromanduens, dont le chef-lieu est Viromanduensis (Saint-Quentin). Elle est mentionnée, sous le nom de Noviomagus, dans l´itinéraire d´Antonin, à partir du 3e siècle.
Comme l´indique B. Desachy (1999), les fouilles réalisées dans le centre-ville en 1987 (Talon) et en 1992 (Benredjeb) permettent cependant d´affirmer que cette agglomération n´est pas un simple vicus. Elle paraît s´organiser suivant une voie principale reliant Soissons à Amiens (actuel CD 934), à la convergence d´autres voies moins bien connues. Cette situation de carrefour, à proximité de l´axe de commerce fluvial de l´Oise, et la présence d´un probable marché, suggèrent un rôle de pôle économique local. Sa situation stratégique justifie sa fortification au Bas-Empire et son élection au siège de commandement militaire, statut qui la distingue des autres agglomérations secondaires gallo-romaines. La faiblesse de la surface enclose, les indices d´abandon ou de rétraction de l´habitat hors du castrum indiquent cependant qu´il s´agit plus alors d´une citadelle, entourée de cimetières et peut-être de faubourgs habités de façon précaire, que d´une ville.
Les niveaux d´occupation dense connus par les fouilles suggèrent une morphologie de type «village-rue», de part et d´autre de la voie Soissons-Amiens, suivant les critères habituels de choix d´un site pour la fondation d´une agglomération gallo-romaine. L´agglomération se développe à la base d´un versant exposé au sud-ouest, formant l´extrémité d´un promontoire limité à l´est par la Verse et à l´ouest par son petit affluent la Goëlle.
Autour de ce noyau, quelques indices permettent d´entrevoir une zone de transition avec la campagne. Vers le nord, une zone funéraire, en bordure et à l´extérieur de l´agglomération proprement dite, au nord-ouest et en bordure de la voie Soissons-Amiens, enfin vers le sud et le sud-est où s´étend une zone basse et humide d´occupation moins dense, celle de la vallée de la Verse et de sa confluence avec la Goëlle, dont les tracés ne sont pas connus pour l´Antiquité.
Le réseau de voirie urbaine est peu connu à Noyon, à l´exception de la voie Soissons-Amiens, qui détermine la trame urbaine. Cette voie est encore perceptible comme l´un des deux axes structurants de la forme urbaine actuelle (actuel CD 934, rues d´Orroire, Saint-Éloi, de l´Evêché, Jean-Abel-Lefranc et du Faubourg d´Amiens).
Le deuxième axe perceptible dans la topographie urbaine actuelle, probablement aussi d´origine romaine, est l´actuelle rue de Paris, qui se prolonge au sud-ouest par la route de Compiègne à Paris (actuelle RN 32).
Dans la direction inverse, au-delà du croisement avec la voie Soissons-Amiens, ce deuxième axe pouvait se subdiviser en deux branches, correspondant à des voies dont l´existence est supposée par des indices toponymiques, l´une remontant la vallée de l´Oise, l´autre se dirigeant vers le nord.
Les équipements urbains identifiés par les fouilles comprennent un grand édifice à hypocauste (thermes publics ?), utilisé jusqu´au début du 4e siècle, ainsi qu´un ensemble de petites salles et de bâtiments abritant des activités artisanales (boucherie), éléments probables d´un marché (Tolon 1987, Benredjeb 1992), qui marquent vraisemblablement le centre urbain. Enfin, les sondages réalisés sous l´ancien théâtre, ont mis au jour les vestiges d´un bassin monumental.
L´organisation et l´aspect du site sont encore plus mal connus pour le Bas-Empire. L´axe Soissons-Amiens demeure, correspondant aux deux portes principales du rempart, ainsi peut-être que l´axe perpendiculaire vers le sud-ouest, correspondant probablement à une troisième porte.
La ville médiévale
Avec le transfert de l´évêché au milieu du 6e siècle, Noyon devient une cité épiscopale, dont l´importance politique s´accroit sous l´épiscopat de saint Eloi (640-659), lié au pouvoir royal. Cette importance politique et religieuse, résultant des liens étroits entre les évêques et le pouvoir royal, se traduit également par les sacres de Charlemagne (768) et d´Hugues Capet (987). La présence du pouvoir royal dans la ville semble cependant réduite à une châtellenie royale, détruite par l´évêque en 1027.
Plusieurs monastères sont fondés hors les murs stimulant le développement urbain vers le sud-est (Soissons) et vers le sud-ouest (Compiègne). Plusieurs moulins (moulins de Wez et d´Andeux, étudiés) sont également attestés dès le 10e siècle.
Noyon devient une ville importante, aux 12e et 13e siècles, comme le traduisent la construction d´une nouvelle cathédrale et les grands chantiers contemporains, en particulier le nouveau rempart, qui protège les faubourgs. La ville, structurée par un réseau de dix paroisses, possède des fonctions religieuses, judiciaires, économiques et militaires. Plusieurs pouvoirs s´exercent dans la ville, celui de l´évêque et des chanoines, celui du châtelain épiscopal, ceux des abbayes et celui de la commune, dont la charte est accordée par l´évêque en 1108. S´y développe une société urbaine de marchands, d´artisans et de bourgeois, qui s´épanouit jusqu´au 14e siècle mais se caractérise cependant par la faiblesse de son artisanat (essentiellement la tannerie) et de son commerce.
Dans la ville intra-muros, le quartier cathédral, dont les limites correspondent à l´enceinte du Bas-Empire, est réaménagé du milieu du 12e siècle au milieu du 13e siècle. La reconstruction de la cathédrale s´accompagne de celle du palais épiscopal.
Plusieurs places de marché, l´hôtel de ville et le beffroi se situent dans la ville haute. La ville basse est structurée par les rivières canalisées de la Verse et de la Versette, sur lesquels reposent les activités artisanales (moulins, teinturiers, foulons, boucheries et tanneries).
Plusieurs abbayes sont encore fondées dans les faubourgs de la ville (cordeliers, Saint-Barthelemy) mais aussi une maladrerie (attestée en 1188). Le faubourg d´Orroire est autorisé à faire élever une enceinte défensive en 1475.
Les menaces de la guerre de Cent Ans, au 15e siècle, entraînent le réaménagement des fortifications, relancé au milieu du 16e siècle, lors des sièges de 1552 et 1559 et s´accompagnant de la destruction des faubourgs dans la zone de non aedificandi. Plusieurs établissements monastiques sont abandonnés marquant un repli des communautés dans la ville. Ne subsiste, dans un premier temps, que le bourg fortifié d´Orroire (abritant l´abbaye Saint-Eloi), qui sera détruit en 1592 lors du siège de la ville par Henri IV.
La période moderne et contemporaine
Le 17e siècle est marqué par la fondation de nouveaux couvents et la création d´un hôpital général. La ville se dote d´une promenade, le cours Druon, aménagé au 17e siècle sur des terrains cédés par les moines de l´abbaye Saint-Eloi et planté d´ormes et de tilleuls. Cette promenade, ainsi qu'un jeu de paume, sont visibles sur les plans de la fin du 18e siècle et sur le cadastre napoléonien de 1831.
Après la Révolution, la suppression de l´évêché est compensée par la création d´un séminaire.
En 1793, Noyon compte 6033 habitants. L'évolution de la courbe de population au cours du 19e siècle montre une croissance relativement faible jusqu'au milieu du 19e siècle.
La démolition des remparts et l´aménagement de boulevards, ainsi que l´arrivée du chemin de fer en 1849, marquent une étape importante du développement urbain. On passe en effet de 846 maisons dénombrées dans la ville en 1831, à 1338 maisons en 1851 et 1517 en 1872. La ville fait également l´objet de modernisations (éclairage des voies publiques et réseau de distribution d´eau courante, vers 1865). On constate ensuite une baisse importante en 1881 : la ville compte alors 1371 maisons, chiffre relativement stable jusqu'en 1911.
La construction de la gare marque une étape importante pour la croissance urbaine.
La création d´une ligne de chemin de fer reliant Paris à Bruxelles, projetée dès 1836, sera mise à l´étude dès l´année suivante, après les nombreuses rencontres entre les délégués des villes de Compiègne, de Noyon, de Chauny, de La Fère, de Ham, de Soissons, de Cambrai et de Valenciennes, qui ont lieu à Saint-Quentin, pour établir un projet de tracé. Il faut ensuite attendre la loi du 15 juillet 1845, qui permet l´adjudication des lignes de chemin de fer de Paris à la frontière belge avec leurs embranchements vers Calais et Dunkerque. Elle échoit aux banquiers Rothschild, Hottinguer, Laffitte et Blount, qui fondent la Compagnie du Nord (ordonnance du 20 septembre 1845). Le trajet Creil-Saint-Quentin est confié à la compagnie du même nom (ordonnance du 29 décembre 1845). Les deux compagnies fusionnent en 1847 et dès le mois d´octobre, les trains circulent entre Creil et Compiègne. La révolution de 1848 ne provoquera qu´une interruption momentanée des travaux entre Compiègne et Noyon et le premier train arrivera en gare de Noyon le 30 janvier 1849.
La première gare, construite à l´extrémité du cours Druon, est inaugurée par le prince-président Louis-Napoléon Bonaparte. Elle est édifiée suivant l´un des deux principaux plans-types adoptés par la Compagnie du Nord : un corps central bas, flanqué de pavillons à un étage carré et étage de combles. L´ancienne gare de Noyon était donc très semblable à celles de Pontoise, du Bourget, de Bussigny, de Jeumont ou encore d´Armentières.
Durant la Première Guerre mondiale, la gare et ses annexes sont la cible de multiples bombardements. Du 6 au 1l mars 1917, les Allemands font sauter le bâtiment des voyageurs et incendient celui des marchandises. Le simple baraquement de planches qui la remplace sera incendié par les Français l´année suivante, lors de l´offensive allemande des 24 et 25 mars 1918. Une nouvelle gare en bois couverte de tôle goudronnée lui succède. Elle se compose de deux chalets réunis par un passage couvert et d´un bâtiment annexe affecté au logement du chef de gare, qui subsistent jusqu´en 1932.
La reconstruction de la gare fait l´objet de nombreuses délibérations du conseil municipal. Un premier projet, des années 1920-1923, fixe les grandes lignes de l´édifice actuel, avec au nord les locaux réservés au personnel et un logement, et au centre la halle des voyageurs, comprenant salle d´attente, billetterie et annexes. Deux commerces (tabac et journaux), sont prévus dans les angles de la halle, côté ville.
L´état-major prévoyant de doubler les voies, le ministère de la Guerre exige la mise au point de nouveaux plans. Le jeune architecte et polytechnicien Urbain Cassan (1890-1979), assisté par Cuzin, reprend alors son premier projet. Il dessine une gare formée de trois principaux éléments : un corps central, une aile en rez-de-chaussée et un pavillon à deux étages flanqué d´une tourelle d´angle polygonale, sur laquelle est fixée l´horloge. D´après certaines sources conservées aux archives de la SNCF, la gare de Noyon aurait été conçue sur le modèle de la celle de Philadelphie aux Etats-Unis.
Comme le souligne un article paru dans la Construction Moderne, en 1932, « le plan a été conçu suivant les idées nouvelles apportées dans la construction des gares ». Dans ce hall auquel l´emploi du béton armé a permis de donner un grand volume et une hauteur exceptionnelle, l´axe de circulation est perpendiculaire aux voies, comme il est d´usage aujourd´hui ; du côté droit se trouvent guichets et salles d´attente, qui s´ouvrent sur le hall et non sur le quai ; il n´y a aucun encombrement au droit des portes donnant sur la place ni au droit de celles donnant sur le quai. Les matériaux utilisés sont le béton armé et brique pour le gros-oeuvre, l´ardoise pour les toits, le grès-cérame pour les décors intérieurs et les pavés de verre pour les marquises.
L'installation d'une caserne constituera un accroissement significatif mais ponctuel de la population.
La ville en tant que place de guerre est déclassée, mais dès avant 1849, la municipalité souhaite qu´un régiment tienne garnison à Noyon. Les négociations ne reprennent avec le ministère de la Guerre qu´en 1882, et moyennant une importante cession de terrains et une non moins importante subvention, la ville, en rivalité avec Clermont, obtient la venue d´une brigade de cavalerie. Le quartier est achevé en 1894, selon les normes de l´assiette du casernement de l´époque. Noyon conserve une garnison de cavalerie (quartier Cambronne), jusqu´au début de la Première Guerre mondiale. Le nouveau quartier, édifié entre les deux guerres, sera à nouveau rebâti en 1952 (quartier Berniquet), pour recevoir un Groupement Blindé. Il a été par la suite affecté à diverses unités tant de l´arme blindée de cavalerie que d´infanterie.
Les importants dommages de la Première Guerre
Les recensements de la population, comme ceux du nombre des maisons de la ville, traduisent une forte baisse. La population passe de 7277 habitants en 1911 à 5408 habitants en 1921. Plus de 1800 maisons sont considérées comme inhabitables, dont la moitié doit être reconstruite. On passe en effet de 1358 maisons en 1911 à 1163 maisons en 1921. La Reconstruction est importante et rapide comme en témoignent les chiffres puisqu'on compte 1771 maisons en 1926 et 1839 en 1931.
Photographe de l'Inventaire général du patrimoine culturel.