Sources
Documents figurés
La plus ancienne représentation du château apparaît sur une aquarelle du début du 19e siècle portant les armes d'alliance de Jean-Baptiste Marie de Mons, chevalier et dernier seigneur d'Havernas, et de Marie-Charlotte Aimée de Guizelin (1746-1838). La demeure est figurée en partie inférieure du document, qui porte l'inscription manuscrite plus tardive « Havernas avant 1842 ». Elle est formée d'un logis à cinq travées, sous un haut toit à longs pans et pignons découverts, et accompagnée à gauche d'un bâtiment plus modeste à deux niveaux sous toit à croupes. Au premier plan apparaît un portail à deux montants, à gauche duquel une porte piétonne est ouverte dans le mur de clôture.
Cet état se retrouve sur le plan cadastral de 1832. La propriété appartient alors à Jean-Baptiste Marie François-Xavier de Mons, fils des précédents. Le logis est situé au fond d'une cour quadrangulaire bordée par la plupart des bâtiments que l'on voit encore aujourd'hui (parcelle B1 253). Sur le tableau d'assemblage, on peut voir, au sud du logis, la représentation schématique d'un jardin paysager avec parterres et allées sinueuses, qui se prolongent dans le bois d'Havernas (parcelle B2 695).
Une autre aquarelle, signée et datée A. Baril 1854, montre le logis surélevé d'un étage carré et couvert d'un toit à croupes. On distingue également le second bâtiment, qui ne semble pas avoir été modifié, un puits entre ces deux bâtiments ainsi que la grille qui forme la clôture arrière de la cour.
Un plan-masse de la propriété, probablement inachevé, montre les principaux bâtiments existants vers 1870. On les retrouve sur un plan aquarellé du château et de son parc en perspective cavalière, signé par les jardiniers-paysagistes Quehen et fils, de Boulogne-sur-Mer, vers 1870. Ce projet de jardin paysager aménagé autour des bâtiments, avec pelouses, allées irrégulières et groupes d'arbres, rejoint le bois d'Havernas au sud. Il intègre le réaménagement récent de l'entrée du château, exposé par un projet montrant la nouvelle demi-lune qui précède et remplace l'ancien portail droit. Les projets d'agrandissement du château en 1875 sont signés et datés Delefortrie et fils, 8 juillet 1875.
Archives
La matrice des propriétés foncières indique que la maison située sur la parcelle B1 253 est reconstruite en 1844 pour Jean-Baptiste-Marie François-Xavier de Mons. Elle mentionne également en 1860 une construction nouvelle pour Édouard Marie Augustin de Brandt. En 1870, la parcelle B 252 est amputée par l'alignement de la route de Vignacourt, tandis qu'une partie de la place publique contiguë est acquise par échange de terrains avec la commune (parcelle B 890). La démolition partielle d'une maison de la parcelle B1 253 est mentionnée en 1875. Ces travaux sont liés à l'agrandissement du château réalisé pour Charles Marie René de Brandt, d'après les plans des architectes Victor et Paul Delefortrie, et qui se traduit par l'adjonction de deux ailes de part et d'autre du logis initial, harmonisé à ces nouveaux éléments. Les différents mémoires de travaux, contresignés par le maître d’œuvre, permettent de connaître le nom des entrepreneurs amiénois intervenant sur le chantier entre 1875 et 1882 : le maçon Guénard (1875-1878), les plâtriers E. Colas frères (1875), le charpentier Félix Jourdain (1875-1878), le menuisier Labbé (1879), le serrurier Darras 1879) et surtout le sculpteur Hesse (1876-1882).
Historique
Le manoir du 17e siècle
Le premier seigneur d'Havernas résidant sur sa terre est Antoine de Saint-Delis, également seigneur d'Heucourt, Allery et Bernapré, lieutenant général au bailliage et maïeur d'Amiens en 1524. Robert de Saint-Delis, gouverneur d'Abbeville, converti au protestantisme, est tué avec son fils en 1562 par les Abbevillois révoltés. À partir de 1569, sa veuve Suzanne de Suzanne accueille en sa demeure d'Havernas un lieu de culte protestant. La famille de Saint-Delis est contrainte d'émigrer après la révocation de l'édit de Nantes en 1688.
L'histoire architecturale du château n'est pas connue pour l'époque moderne, mais l'aspect révélé par l'aquarelle du début du 19e siècle, par analogie avec certains manoirs en brique de la région, permet de dater le logis probablement du milieu du 17e siècle, comme peut-être les anciens communs et le bûcher, également construits en pierre de taille, qui bordent toujours le tracé de l'ancienne cour. Ils seraient donc dus à la famille de Saint-Delis, peut-être à Madeleine Arnault, veuve de Robert de Saint-Delis. L'étable et la remise agricole en brique, quant à eux, sont sans doute antérieurs de peu au tracé du plan cadastral de 1832, sur lequel ils apparaissent comme les précédents bâtiments.
Le château néoclassique
La demeure est surélevée d'un étage carré et couverte d'un toit à croupes avant 1844.
Après la mort de son épouse, Clémence de Calonne d'Avesnes, en 1851, le vicomte Édouard Marie Augustin de Brandt, neveu de Jean-Baptiste Marie François-Xavier de Mons, fait élever à l'ouest du château une chapelle funéraire de style néo-gothique.
Les travaux les plus importants sont réalisés à l'initiative du vicomte Charles Marie René de Brandt, également maire de la commune d'Havernas. En 1870, la rectification du tracé de la route de Vignacourt et l'acquisition d'une partie de la place publique se traduisent par la suppression de l'ancienne clôture de la cour et l'avancée du portail sur la place de l'église, dans une demi-lune. À cette époque, le jardin et le parc du château sont aménagés sur les plans des jardiniers et paysagistes boulonnais Quéhen et fils.
Le château des Delefortrie
Le corps de logis à l'est de la demeure est détruit afin de permettre l'agrandissement et le remaniement de cette dernière entre 1875 et 1882, en style néo Louis XIII, d'après les plans des architectes Victor et Paul Delefortrie, qui ont déjà donné les plans de reconstruction de l'église en 1872.
La distribution du corps central du logis, non corrigée sur les plans des projets d'agrandissement, est harmonisée. La maçonnerie est exécutée par Guénard (1875-1878), la plâtrerie par E. Colas frères (1875), la charpente par Félix Jourdain (1875-1878) et la serrurerie par Darras (1879). En 1879, le menuisier Labbé réalise notamment le lambris de la salle à manger. Le sculpteur Hesse réalise, entre 1876 et 1882, le décor extérieur en pierre (notamment fronton et lucarne), la sculpture du lambris de la salle à manger, et les ornements de plâtre et de carton-pierre du vestibule, de l'escalier (console du trumeau, rosace du plafond), de la salle à manger et du petit salon.
La ferme du château a été construite au nord de la propriété d'après le projet de Paul Delefortrie daté de 1899.
Déserté par ses propriétaires durant l'exode de 1940, le château est réquisitionné par l'occupant allemand qui y installe un central téléphonique et un hôpital militaire. Il est actuellement toujours habité par les descendants d'Édouard de Brandt qui exploitent également la ferme.
Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France.