Une trame urbaine ancienne
Le quartier du Bourg-d'Ault, devenu station balnéaire à la suite de l'aménagement d'équipements spécifiques (casino, établissement de bains), a gardé sa trame viaire ancienne.
La Grande-Rue est l'artère principale, perpendiculaire à la mer, qui descend en pente douce vers celle-ci, et se prolonge vers le sud-est par l'avenue du Général-Leclerc (ancienne rue de Friaucourt). Les rues du 11 novembre 1918 (ancienne rue du Moulin), rue d'Eu (ou 'cavée verte'), rue du Hamel, rue de Quinquerue, rue de la République (ancienne rue aux Pourciaux), rue de l'Esplanade (ancienne rue de la Mare), rue des Fonts-Bénis, apparaissent sur le cadastre napoléonien de 1825 [fig. 1].
Le parcellaire est aussi celui d'origine, caractérisé par des parcelles plus profondes que larges, souvent traversantes, hérité de l´époque médiévale.
Le bâti ancien persiste le plus souvent le long de ces voies [fig. 26, 27, 28, 33, 34]. Au cours du 19e siècle, la modernisation du bâti, alors construit en torchis et couvert de chaume, a pourtant provoqué la disparition de certains édifices, reconstruits en brique, sur le même parcellaire, avec une cour en fond de parcelle, et bien souvent sur la même surface au sol. Ainsi, la Grande-Rue, qui présente le même type d'implantation de son bâti, à l'aplomb de la rue et entre mitoyens, est-elle composée d'édifices postérieurs aux années 1860 [fig. 50]. Il subsiste cependant des maisons anciennes le long de cette rue, comme la maison Landot, qui possède encore des décors sculptés en façade sur cour [fig. 19, 29 à 32], ou des maisons datées des années 1830 [fig. 53].
L'extension des réseaux
Le développement urbain s'est opéré vers les coteaux nord et sud, ainsi que vers l'est. L'extension vers le sud se fait essentiellement grâce à la création du lotissement de Bel-Air, accroché à la rue du Hamel grâce à l'avenue Sainte-Marie, créée dans ce but. Au nord, l'ancienne rue de Saint-Valery qui longe la falaise, très pentue, est doublée par la rue Charles-Bréhamet construite vers 1900, percée dans la falaise.
Les équipements structurants
Au sein d'une trame urbaine déjà très dense, l'église paroissiale garde sa position dominante au sein du bourg ancien. Les casinos et établissements de bains construits à partir du milieu du 19e siècle sur la plage même deviennent un second pôle important, focalisant l'ensemble des activités le long de la plage. Mais le front de mer, peu large entre les deux avancées de la falaise, ne connaît qu'un développement limité.
Bâti et villégiature
Dans une trame urbaine déjà très dense, le nouveau bâti s'intègre au sein des quelques dents creuses, et très rarement à l'emplacement d'une construction ancienne. En front de mer s´accolent quelques villas [fig. 37], entre le bourg ancien et la falaise : avec le recul du trait de côte, certaines se trouvent actuellement menacées (maison Daurelly), d´autres ont été détruites au cours de la Seconde Guerre mondiale, mais leur emplacement a aujourd'hui disparu [fig. 8].
L'actuelle avenue du Général-Leclerc, reliant le bourg à la gare de Bellevue, devient une ossature nouvelle pour l'édification de maisons à partir de la fin du 19e siècle. Celles-ci sont construites sur des parcelles longues et étroites qui buttent contre la déclivité du terrain. Certaines profitent de cette pente pour se surélever [fig. 43, 44].
Ces maisons sont occupées par les propriétaires eux-mêmes, voire louées à la saison, comme on peut le lire dans un guide touristique de 1895 : (...) en dehors des villas ou chalets assez nombreux dont les prix peuvent varier de 300 à 1.000 francs, les étrangers trouvent facilement à se loger chez les habitants, soit à la saison ou au mois, soit même pour quelques jours seulement et à des conditions très abordables pour les petites bourses. Le repérage sur le terrain nous a permis de constater que certaines maisons présentaient des plaques émaillées portant l'inscription eau de source analysée et autorisée, signes d'une possible location.
L'apparition du tourisme balnéaire assure l'épanouissement des commerces. Ceux-ci occupent les rez-de-chaussée des maisons anciennes établies le long de la Grande-Rue [fig. 55]. Un marché ambulant est aussi assuré deux fois par semaine, à côté de l'église paroissiale, à l'emplacement de l'ancien cimetière.
Activités touristiques et clientèle de la station
A la fin du 19e siècle et au début du 20e, comme dans beaucoup d'autres stations, le casino municipal assure les distractions tandis que l'établissement de bains chauds permet de se baigner à marée basse. Les activités de plein-air sont très prisées : pêche aux moules, jeux de plage à marée basse, promenade à pied le long de la falaise, en suivant le sentier des douaniers.
Dans un guide touristique de 1895, on peut lire : Les baigneurs du Bourg-d´Ault sont presque tous des habitués fidèles qui, chaque année, viennent là se retrouver ; tous ou presque tous sont parents ou amis et forment un noyau de relations sans façon d´où l´étiquette est bannie. En 1912 : par excellence station de famille fréquentée par des baigneurs qui recherchent la tranquillité et la simplicité (guide Joanne). En 1925, le guide touristique édité par le Syndicat d'Initiatives de la commune ajoute : On descend couramment de chez soi en toilette de bain et au retour de la baignade il n´est pas rare de voir les terrasses des cafés garnies de gracieuses ondines encore toutes ruisselantes, laisser aux rayons du soleil le soin de les sécher. C'est la tranquillité et le caractère familial qui est mis en avant dans tous les guides touristiques, loin de toutes mondanités.
Au cours de l'entre-deux-guerres, les excursions en automobile se multiplient ; le cinéma Caméo est construit.
Chercheur à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Picardie de 2002 à 2006, en charge du recensement du patrimoine balnéaire de la côte picarde.