Les paysages de la Côte picarde
La Côte picarde est un découpage administratif qui répond à une certaine réalité topographique. Située entre la région Normandie au sud, département de la Seine-Maritime, dont la rivière de la Bresle signifie la limite, et la région du Nord, département du Pas-de-Calais, dont la rivière de l'Authie marque la séparation, elle correspond à la façade maritime de la région Picardie et du département de la Somme. Elle tend à devenir une entité touristique, entre la Côte d'Opale au nord, et la Côte d'Albâtre au sud. La côte étudiée s'étend sur près de 65 kilomètres de long.
La Côte picarde recouvre plusieurs entités territoriales et paysagères : la plaine picarde, le Marquenterre et le Vimeu. La plaine picarde occupe la zone médiane, de transition, et comprend la baie de Somme, débouché du canal de la Somme. Vaste de 3000 hectares, l'estuaire de la Baie de Somme subit un envasement progressif limitant l'activité des deux ports de Saint-Valery-sur-Somme et du Crotoy. Les endiguements successifs (nommés renclôtures), la construction d'un pont pour assurer le passage de la ligne de chemin de fer, ont contribué à cette situation. Au sein de cette baie, les mollières sont des espaces envahis par le chiendent maritime, recouverts uniquement lors de grandes marées, où paissent des moutons dits de pré-salés. Par endroits, des poches d'eau subsistent. La pointe du Hourdel limite la baie de Somme au sud, caractérisée par une accumulation de galets qui annonce le paysage du littoral vers le sud. Les bas-champs de Cayeux s'apparentent aux polders néerlandais et au blotteland belge, que l'on retrouve sur la côte flamande entre Bray-Dune et Calais. Les terres agricoles, situées en-dessous du niveau de la mer, ont gagné sur l'espace maritime par colmatage de brèches où s'engouffrait la mer. Afin d'évacuer l'eau, des canaux (ou nocs) sont creusés. Au nord de la Baie de Somme, le massif dunaire du Marquenterre résulte du même processus d'avancée sur la mer. Les premières digues sont construites à partir du XIIe siècle par les moines des abbayes environnantes (Saint-Riquier, Valloires). Contre ces renclôtures vient buter le sable qui en s'accumulant a formé des dunes en progression continue à l'intérieur des terres, et qui rattache cette partie de la côte au paysage de la côte d'Opale (Nord-Pas-de-Calais). La fixation de ces garennes a longtemps été impossible en raison de la présence de lapins, dont la colonie est décimée par la myxomatose dans les années 1950. Naturellement, les plages sont de vastes étendues de sable. Au sud de la Plaine picarde, le Vimeu occupe un plateau crayeux. Le littoral est caractérisé par des falaises de craie, à partir de Ault, jusqu'à Mers-les-Bains, au sud, qui annoncent les falaises de la Côte d'Albâtre. Les plages sont bordées d'un cordon de galets. Le sable, toujours humide, est seulement visible à marée basse. La falaise, haute de près de 40 mètres à Ault, meurt progressivement à partir d'Onival, où la route départementale 940 suit ce que l'on nomme la falaise morte.
Cette variété paysagère favorise la variété des espèces animales et végétales. Dans la Baie de Somme, les bancs de sable attirent les phoques. Dans les bas-champs, les poches d'eau attirent les oiseaux d'eau et les oiseaux migrateurs, ce qui a aussi favorisé l'activité de chasse. Dans les dunes, prolifèrent les lapins. Les pins maritimes et oyats ont été plantés depuis le 19e siècle pour fixer cette dune. Les feuillus ont beaucoup de mal à prospérer en bord de mer : le site du Bois-de-Cise est particulièrement intéressant de ce point de vue.L'ensemble des stations est desservi par la route départementale 940, tracée à l'intérieur des terres, de laquelle partent des départementales pour atteindre chaque station. Une autoroute longe cette départementale dans le Marquenterre. Noyelles-sur-Mer et Rue sont desservies par le réseau ferré national, les stations de Cayeux, Saint-Valery-sur-Somme et Le Crotoy sont desservies par un chemin de fer touristique.
Hormis les activités touristiques, les stations de la Côte picarde connaissent diverses activités industrielles. A Cayeux-sur-Mer et le Crotoy, l'industrie d'extraction des galets (dont on extrait la silice), est une activité importante.
Chronologie sommaire des débuts balnéaires de la Côte picarde
- 1809 : 1er établissement de bains à Dieppe (Seine-Maritime), situé au sud de la Côte. L'établissement était fréquenté par des 'aliénés' et par des personnes mordues par des chiens enragés.
- 1822 : 2e établissement de bains de Dieppe et venue de la Duchesse de Berry.
- 1825 : établissement de bains à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais)
- 1835, 1837 : voyages de Victor Hugo sur la Côte picarde
- 1843 : visite de la Reine Victoria d'Angleterre au roi des Français Louis-Philippe 1er, au Tréport et à Eu. Ce dernier a déjà pour habitude de perdre de bains sur la plage du Tréport.
- 1846 (vers) : bains de mer au Crotoy, installés par Jean-Baptiste Fanthomme, marchand de draps
- 1852 : bains à Cayeux-sur-Mer, installés par François Dufresne, forgeron
- 1854 : adjudication par la municipalité de Saint-Valery-sur-Somme des 'bains de la ville', avec obligation d'aménager les ruines de la Tour Harold en salon pour les baigneurs.
- 1858 : exploitation des bains de mer à Ault par Pierre-Marie Cléré, serrurier.
- 1858 : construction d'un casino au Bourg-d'Ault.
Chercheur à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Picardie de 2002 à 2006, en charge du recensement du patrimoine balnéaire de la côte picarde.