D´après Pierre Staelen (érudit local), sous Louis XIII (1601-1643), la ferme Saint-Honoré appartenait à la Chartreuse Saint-Honoré de Thuison (Abbeville, lieu-dit « Aux Abords »). Les Chartreux cultivaient leurs terres et possédaient des vignobles à Thuison, Menchecourt et à Port. Ils étaient les seuls avant 1788 à pratiquer la culture de la betterave (mais pas pour la production de sucre, développée sous Napoléon en raison du blocus dont souffrait la France). Ils vivaient pauvrement : leurs ressources étaient destinées aux malades et aux pauvres. Il semble que l'exploitation ait été brûlée par les soldats français du régiment d´Angoulême (au 17e siècle ?). Les 378 journaux de terre, qui en dépendant, sont vendus en 1791 pour 75 000 livres.
L'édifice est visible sur le plan par masse de culture de 1802 (avec jardin et verger) et sur le cadastre napoléonien de 1832.
Le logis, qui se composait à l´origine uniquement de la tour sud, semble avoir été agrandi après 1880 (plan terrier), la toiture rénovée et le mur gouttereau oriental reconstruit. En 1832, le centre de la cour est occupé par une mare et deux bâtiments (l'un de plan en T, l'autre qui semble avoir été un pigeonnier) présents sur le plan de 1880. Ils ont été détruits après cette date.
Le bâtiment en retour d'équerre de la bouverie (au nord de la cour) porte un cartouche sur son pignon donnant la date de 1863. Les écuries portent la date de 1898, date à laquelle il semble que les vacheries et bergeries aient été également construites.
La ferme ne possédant pas de forge : le maréchal venait à l'exploitation pour ferrer les chevaux.
Après la Première Guerre mondiale, un parc à bestiaux, avec muret en brique (encore en place aujourd'hui), est installé au centre de la cour. De nombreux boeufs étaient parqués ici, comme en attestent les dimensions de la bouverie. Les bêtes paissaient tout au long de l'année dans les bas-champs et arrivaient ici en septembre-octobre pour être « finies d'engraisser ». Elles étaient nourries de pulpe de betterave, de foin, de tourteau de lin et d'orge. La viande était destinée aux bouchers de la région.
Il semble que la ferme se soit enrichie après la construction de la digue entre Saint-Valery et Noyelles en 1911, qui engendra le colmatage progressif de la baie et le développement des molières au pied de Port-le-Grand. La ferme pouvait ainsi faire paître son troupeau de bovins non loin de là afin de les engraisser (emboucheur).
La ferme disposait de quinze ouvriers permanents qui logeaient au village dans des logements loués par le propriétaire. Lors de la saison des betteraves, le chiffre des employés était multiplié par deux. Les saisonniers louaient également au propriétaire une maison ou venaient des villages voisins. Ils étaient employés "à la tâche". Il ne reste au moment de l'enquête qu'un employé à mi-temps.
Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France.