Le domaine doit son origine, comme les territoires des alentours, à la formation de bancs de galets, terrains surélevés émergeant des marécages. Les habitations se regroupèrent alors le long des chemins au sommet de la plaine.
"Suivant l´ancienne rive gauche de la Maye contre lesquels se sont amassés des dépôts de galets, on parvient au débouché de la petite vallée de Neuville. Sur la rive gauche de ce débouché, le rivage suit le chemin sur lequel sont bâties toutes les habitations du hameau de Romaine, formant rive droite d´une petite anse. Ce chemin, qui longeait autrefois le bord de mer, se poursuit jusqu´au château de Romiotte sur la rive gauche de l´anse".
L´emplacement de cet écart tient donc à la topographie du lieu.
D´après le site internet de la commune, Romiotte doit l´origine de son nom à celle de Romaine, accompagné du diminutif ICOS : "petit Romaine".
Agache indique la présence de vestiges à la ferme de Romiotte : "en juillet 76, les céréales jaunissantes révèlent une belle ferme indigène, sans doute tardive, à fossés rectilignes multiples et entrée en touche de palmer. Fosses nombreuses, en palimpseste, apparaissent de grands enclos curviligne d´une autre époque". Roger Rodière répertorie la ferme de Romiotte comme "ferme près de Ponthoile, sur le marais ; fief tenu de la seigneurie de Ponthoile". Cet écart a toujours été occupé par une ferme unique. L'auteur mentionne également "un fief à Romiotte à Antoine de Polhoy en 1575" puis "aux ayants-droits du sieur Lyver d'Infré en 1700". Dans une source notariale, il est également fait mention d'un dénommé "Jehan Hauwine, laboureur à Romignote", paroisse de Forestmontier (en 1581) qui, associé à d'autres membres de sa famille, vend "à François des Essars, chevalier, seigneur de Maigneulx, gouverneur de Montreuil "ung fief noble scitué aud. village de Romignotte, tenu en plain hommage de l'abbaye de Forestmontier par plaids de quinzaine, relief de 60 sol parisis, etc.", le chef-lieu dudit fief contenant 7 journaux tenus par ledit J. Hauwine" (Min. not. Montreuil). "Romiotte" figure bien sur la carte de Cassini (1758) sous la forme d'une maison (isolée) selon la légende, située contre la falaise morte. On remarquera, immédiatement à l'est de cette " justice maison", la présence d'un moulin. La "Ferme de Romotte" apparaît également sur une carte du Marquenterre du 18e siècle (A.D. 80 : RL 343) selon un plan en U orienté. Totalement entourée de marais, elle est flanquée au sud d'un verger. Au nord, se situe un logis nommé "Petites Romottes". Sur le cadastre napoléonien, Romiotte est toujours isolée, comme aujourd’hui.
La ferme fut exploitée dès les années 1860 par le sénateur Froment, maire de Ponthoile, jusqu'au début du 20e siècle (il fut enterré dans la chapelle Froment dans le cimetière de Ponthoile). En 1876, elle ne comptait que des domestiques et le propriétaire cultivateur. Le sénateur reconstruisit une partie des bâtiments ainsi que la maison de maître à l´entrée de la propriété (vers 1880). Sa vie politique prit le pas sur sa vie agricole. Il loua sa ferme à un agriculteur et vint s´installer non loin de là dans sa villa de Ponthoile (dans les années 1880). La ferme fut ensuite vendue à la famille Poupart mais 80 hectares appartenaient encore aux Froment qu'ils louaient à des exploitants.
La ferme devint ensuite (au début du 20e siècle) propriété des frères Caudron qui utilisèrent les champs de ce domaine comme terrain d'expériences pour leurs recherches aéronautiques (juin 1908 : construction du premier grand appareil, biplan de 60 m²). Un obélisque de pierre surmonté de deux ailes dit « Stèle des frères Caudron » fut d´ailleurs édifié en souvenir de leur premier vol sur l´avion la Luciole en mai 1938.
Au début du 20e siècle, l'exploitation comptait 180 hectares de terres. On y comptait vingt employés (qui habitaient Romaine ou Favières) avant la Première Guerre mondiale et onze habitants en 1915. Dans les années 1960, l'exploitation employait quatre permanents et sept saisonniers (aujourd'hui une personne et une seconde à mi-temps). Ils étaient parfois logés sous les combles (qui comportaient quatre petites chambres), accessibles depuis un escalier différent de celui qui desservait la partie habitable des propriétaires. Les employés avaient parfois une exploitation (en moyenne d'une superficie de 10 hectares avec une vache) dont la femme s'occupait. Ils empruntaient le matériel de la ferme afin de s'occuper de la leur.
Les saisonniers polonais et belges (et parfois des journaliers du village) étaient nombreux pour la récolte des betteraves. On y cultivait également le blé, la chicorée, le foin. L´exploitation pratiquait l´élevage de chevaux de travail (25) et de vaches (une centaine). Les bovins, de race mixte, étaient élevés pour le lait et la viande. Les pâtures entouraient alors la propriété à l'est (35 hectares, sans compter celles situées dans les molières). A l´origine, les moutons occupaient une part importante du cheptel de la ferme. Leur élevage complétait celui des chevaux puisqu'ils mangeaient ce que les bovidés ne voulaient pas. Mais les ovins de la baie étaient souvent malades (estongue, ver) : on pratiqua donc davantage l´élevage du mouton de plaine. Une cinquantaine de cochons étaient également engraissés.
D'après le propriétaire, le fournil servait de pièce pour le repas de midi des ouvriers. L'écrémeuse était située dans une pièce à part, servant également de cave et de garde-manger.
Les produits de la ferme (essentiellement betterave et chicorée, le blé servait à l'exploitation) étaient exportés à Rue (vers la cossetterie et la sucrerie) par le chemin de fer via la gare de Romaine.
Le fumier occupait le nord de la cour, devant les étables. Le jardin potager, situé à l'est de l'habitation, d'une superficie de 40 ares, était clos d'un mur. Les légumes étaient utilisés pour nourrir les employés. Une carte postale indique la forme du pigeonnier au début du 20e siècle, qui semble donc avoir été reconstruit à une date inconnue (nous ignorons également la cause de sa destruction) : il était de section octogonale, composé d'une maçonnerie mixte de blocage de galets dans une structure en briques. Les propriétaires du 17e siècle étaient la famille Tingry. Au 19e siècle, le moulin de Ponthoile occupait l'emplacement exact du monument des frères Caudron.
Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France.