Vers 1831, le cadastre napoléonien désigne l'actuel écart de Brighton sous le nom de 'Galeries d'Amont', situé en section F1 [fig. 1], témoignant de la présence de galets. Le phare qui figure sur ce plan a disparu depuis longtemps. Il s'agit d'un édifice mis en service le 1er décembre 1835, puis reconstruit en 1886. Haut de 28 mètres il était entouré, au rez-de-chaussée, par un corps de bâtiment rectangulaire abritant le logement du gardien [fig. 21]. Cet édifice est accompagné d'un poste sémaphorique, ouvert à la télégraphie publique [fig. 22]. Détruit au cours de la Seconde Guerre mondiale par l'armée d'occupation allemande, il est reconstruit en 1950. A la fin du 19e siècle, une plage longeait encore les actuelles rue du Général-Leclerc et route Blanche. Progressivement envahie par les galets, elle s'ensable depuis les années 1910 et fait reculer le trait de côte, de façon que le phare se trouve progressivement éloigné de celle-ci. A la fin du 19e siècle, face au succès de la station de Cayeux, un groupe d'investisseurs se lance dans l'aménagement de ces Galeries-d'Amont, attirés par la présence d'un bois de pins planté par l'Etat depuis les années 1850, très rare sur cette côte balayée par les vents où le galet et le sable ne permettent pas les plantations. Par ailleurs, la présence du phare, souvent dessiné par les artistes de passage, est un symbole fort du site. Une partie des terrains occupés par le lotissement était à l'origine propriété d'un certain Flandrin, avoué à Abbeville, puis vers 1878 (déclaration cadastrale) passent dans les mains de Gellé-Flandrin, notaire à Abbeville. Vers 1882 (imposition cadastrale en 1885), une partie des terres est rachetée par la Société du New-Brighton, dont le siège social est à Londres (source : matrices cadastrales des propriétés non bâties). Cette Société est créée vers 1882, par des fondateurs d'origine anglaise. Parmi ceux-si, John William Willis Bund demeurant à Londres (15 Old Square, Lincoln´s Inn), est président de la cour criminelle dans le Worcestershire et président du 'Conseil Général'. La société mise en place est composée de 5000 actions de 500 francs (source : A. Huguet dans un guide touristique de 1929), afin de lotir 130 hectares de terrains (70 sont à bâtir et 60 sont destinés à la promenade dans le bois). Le prix minimum des lots serait de 2 francs le mètre carré (source : H. Moisand). En référence à la station anglaise, le site est baptisé « Nouveau Brighton ». Une seconde société, française, dont les statuts sont signés en 1883 (source : registres des assemblées générales), est concomitamment fondée à Paris (boulevard des Capucines) : parmi les membres, monsieur Le Comte de la Chapelle est commun aux deux sociétés,
Le bois de pins en place est le principal atout de Brighton : en cette fin de 19e siècle, l´exposition au soleil n´est pas encore à la mode. Au contraire, les baigneurs se protègent de ses rayons, les femmes se cachent sous des ombrelles et des voilettes. La présence d´un bois ne peut que les satisfaire, d´autant plus qu´il est presque providentiel sur ce coin de littoral battu par les vents. De même, on attribue des qualités médicinales à ce bois, qui dégage des effluves balsamiques, combinées à l´air iodé venant du large. A tel point que les promoteurs du site surnomment Brighton 'l'Arcachon du Nord'. Une partie du bois est dédiée à la vente, l'autre est destinée à la promenade. Les spéculateurs comptent sur un arrêt de la voie ferrée arrivée à Cayeux en 1887, près de Brighton, au niveau du bois de pins. Selon Moisand, l'architecte parisien Colibert a été chargé des travaux pour la société du lotissement, et est à la disposition des acheteurs pour leur construire des villas à partir de 7000 francs. En 1883, la Société demande une aide financière à la commune afin de participer aux travaux de réparation qu'elle envisage de faire sur la rue du Phare (actuelle rue du Général-Leclerc), reliant le lotissement au village de Cayeux, entre le Bout-d'Amont et le phare (source : délibération du Conseil municipal, 8 octobre 1883). En 1890, John William Willis Bund demande à la municipalité la possibilité d'établir un chemin de fer Decauville entre la gare et Brighton, sur l'assiette de l'Avenue de la Gare et de la rue du Phare (source : délibération du Conseil municipal, 16 novembre 1890). La demande est réitérée et précisée en 1891 : Bund demande une concession de cinq ans pour l'installation d'une ligne de tramway d'un mètre de large, dont les voitures seraient tirées par des chevaux, fonctionnant uniquement en saison. La municipalité donne alors son accord de principe, sous la condition que la ligne partirait de la place Courbet et non pas de la gare (source : délibération du Conseil municipal, 18 février 1891). Rapidement, un hôtel-casino est construit afin d'héberger et de distraire les premiers visiteurs. A partir de 1898, la Société est autorisée à placer des cabines de bains sur les terrains domaniaux, à condition que celles-ci ne dépassent pas trois mètres de haut et que des espacements de quatre mètres de large soient respectés tous les 20 mètres (source : A.C. Cayeux-sur-Mer, non coté). Des villas sont élevées très rapidement. Mais le site perd peu à peu de son intérêt. Avec l'avancée du trait de côte vers le large, l'accès à la mer devient de plus en plus difficile au cours de l'entre-deux-guerres. En 1917, une forte tempête recouvre une grande partie du site le plus proche de la mer [fig. 20]. De même, l'ensablement de cette zone s'accompagne d'une incursion de plus en plus fréquente des sables dans les rues du lotissement et l'obstruction des accès aux villas. La Seconde Guerre mondiale marque une rupture importante au sein de la station. Le 31 août 1944, le phare est détruit, reconstruit en septembre 1951, sur les plans de Cahon et Barrère, architectes à Saint-Valery-sur-Somme [fig. 32 à 34]. 3600 arbres ont été coupés par les troupes d'occupation, utilisés comme bois de chauffage ou constructions militaires diverses (source : A.D. Somme, 1272 W 379). De nombreuses villas sont détruites par l'armée d'occupation allemande. Certaines sont progressivement reconstruites, mais de nombreuses parcelles demeurent vides.
Chercheur à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Picardie de 2002 à 2006, en charge du recensement du patrimoine balnéaire de la côte picarde.