Photographe au service régional de l'Inventaire général du patrimoine culturel.
- patrimoine de la Reconstruction
- enquête thématique régionale, La première Reconstruction
- (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Dossier non géolocalisé
-
Aire d'étude et canton
Communauté de communes du Sud-Artois - Bapaume
-
Commune
Bapaume
-
Adresse
51 rue de Péronne
-
Cadastre
2017
000 AE 01
56
-
Parties constituantes non étudiéeslogement
Il est à noter que de manière exceptionnelle "les anciennes fondations sont conservées ainsi que les murs de cave". Cette précision, qui figure dans le devis descriptif, montre bien à quel point les propriétaires ont réinvesti très précisément les emplacements où les maisons étaient construites avant-guerre.
Le plan reprend celui classique d’une maison à boutique, avec le magasin sur rue et les parties d’habitation en enfilade sur l’arrière. À l’intérieur, il s’agit d’une maison modeste : trois chambres, pas de salon ni d’espaces de réception privés mais tout de même une salle à manger. La quasi-totalité de l’espace est consacrée à l’activité commerciale. Cependant les pièces dédiées à la vie domestique sont plus nombreuses et plus vastes que dans le bâtiment d'avant-guerre, et surtout certaines sont passées du dehors au dedans comme la cuisine et les sanitaires. La comparaison avec ce qui existait avant-guerre met en lumière l'amélioration du confort et de l'hygiène apportée par la reconstruction.
Les décors sont peu présents et l’essentiel des efforts porte sur les espaces de vente (magasin et salles de confection) : parquet en chêne, belle cheminée... La modestie se voit également dans le peu de précisions apportées dans le devis sur les matériaux et leur mise en œuvre… à la différence du chalet Legay.
Si, comme les autres maisons de la rue, la maison à boutique présente trois niveaux de façade, elle s’en distingue radicalement grâce à son imposant pignon pas de moineaux encadré par deux cheminées monumentales. Cette marque caractéristique de l’architecture flamande est rare à Bapaume : le PAAE (Plan d'Aménagement, d’Agrandissement et d’Embellissement imposé par la loi Cornudet) précisait en effet qu’il ne devait pas y en avoir plus d’une par rue…
Une autre particularité est la présence de décors portés dans les tympans qui surmontent les baies du second niveau et du pignon, d’autant que ces derniers manifestent, dans leur apparence (traitement des fleurs et forme des corbeilles) si ce n’est dans leur thème, une influence art-déco.
Mme Legay-Carpentier est la propriétaire la plus importante de Bapaume avec six ensembles immobiliers reconstruits : maison d’habitation personnelle rue de la République ("Chalet Legay"), maison à boutique rue de Péronne, maison individuelle rue du maréchal Leclerc (dossier dommages de guerre, 10 R 9/98, dossier n°1474, non identifiée) construite en 1925 pour 30 000 francs, maison à deux unités d’habitation Impasse de la Clef d’Or (dossier dommages de guerre 10 R 9/51, dossier n°745, non identifiée) édifiée en 1922 pour 112 000 francs, maison et 3 garages rue Gambetta (dossier dommages de guerre 10 R 9/109, dossier n°1745 ; fonds Decaux 45J104 et 45J551) construite en 1928 pour 121 000 francs et enfin, ensemble maison à trois unités d'habitation-commerce rue du Faubourg de Péronne. Pour toutes ces constructions, elle fait appel à Paul Decaux. A elle seule, Mme Legay-Carpentier représente 40% des constructions réalisées à Bapaume par Decaux (6 sur 15).
Si l’on compare les différents éléments de cet ensemble, étant entendu que le chalet Legay est vraiment "incomparable" (au sens étymologique), elles ne se ressemblent pas. En effet, à chaque fois, les architectes ont adapté l’élévation, la largeur de la façade, la distribution aux fonctions que devaient remplir ces constructions et les ont insérées dans leur environnement bâti. Ainsi, les maisons à trois unités d’habitation de la rue du faubourg de Péronne n’ont que deux niveaux de façade alors que la maison à boutique en a trois, cette dernière a pignon sur rue alors que la maison de la rue Gambetta et de l’Impasse de la Clef d’Or présentent leur mur gouttereau. Le chalet Legay est isolé et situé en retrait de parcelle et non à front de rue… Cependant, quelques points communs émergent comme la prédominance de la pierre bleue pour les soubassements et de la brique de Fouquereuil (usine près de Béthune) pour le parement des façades, ardoises d’Angers en couverture et, hormis pour le chalet Legay, utilisation du béton armé pour les structures des baies et du ciment en enduit. Il faut surtout noter l’attention portée à l’apparence des façades, qu’il s’agisse du parement (brique pour le chalet Legay ou la boutique rue de Péronne mais enduit tyrolien pour la maison à trois unités d’habitation de la rue du faubourg de Péronne), d’éléments de structure comme les pignons et les lucarnes (maisons-commerce rue du faubourg de Péronne, maison à boutique rue de Péronne), ou des décors comme les jeux de calepinage de briques (maisons Impasse de la Clef d’or, maison à boutique rue de Péronne), le choix des matériaux luxueux comme la pierre bleue (chalet Legay, maison à boutique rue de Péronne) ou les décors portés au-dessus des baies ou sur les corniches et les tables (maison à boutique rue de Péronne, maisons jumelles Impasse de la Clef d’Or, maison de la rue Gambetta).
La typologie et la chronologie des constructions est représentative de la reconstruction à Bapaume : maison d’habitation personnelle pour commencer puis commerce qui contribue à la reprise économique (ici la maison à boutique de la rue de Péronne) qui sont construits dès 1921. Ils sont complétés un peu plus tard par des immeubles de rapport édifiés en deux étapes : maison à deux unités d'habitation de l'Impasse de la clef d'or et maison rue du Maréchal Leclerc en 1923 puis en 1927-28, ce qui correspond à la fin de la reconstruction, la maison individuelle de la rue Gambetta et l'ensemble de la rue du faubourg de Péronne.
La chronologie du projet de reconstruction
Le dossier de dommage de guerres conservé aux Archives du Pas-de-Calais fournit des indications sur la chronologie, le statut du propriétaire, le coût de la reconstruction, ainsi qu’un devis descriptif et des plans.
Le dossier de Mme Legay, qui agit en tant qu’"isolé", c'est-à-dire sans avoir adhéré à une coopérative de reconstruction, est déposé devant la commission cantonale en août 1922. La réception des travaux a eu lieu en juin 1923, ce qui constitue un délai de réalisation très court. Il est clôturé administrativement en octobre 1926. Le projet est confié à Decaux et Crével.
La maison-boutique a coûté 115 500 francs.
Le projet de l’architecte : les plans
C'est une maison à boutique, c'est à dire que l'accès à la partie habitation se fait par le magasin. Elle compte trois niveaux (rez-de-chaussée, premier étage et étage de combles). Tout en longueur, elle se prolonge par une courette. Le rez-de-chaussée accueille en façade une "boutique de nouveautés". Le devis n'apporte pas plus de précisions sur ce que sont les nouveautés mais les plans, où figure la destination de chaque pièce, permettent de voir qu'il s'agit d'un magasin de confection et de vente de vêtements. Depuis l'espace de vente qui ouvre sur la rue par une grande vitrine, on accède à une salle à manger, jouxtée à gauche d’une petite véranda et à droite d’une cuisine. Toutes deux donnent sur une petite cour bétonnée. L’étage est desservi par deux escaliers : un escalier en colimaçon ovale situé derrière l’espace commercial pour la partie privée et un en colimaçon rond à l'arrière du magasin. Au premier étage, se succèdent en enfilade depuis la rue deux ateliers de confection (un pour dames et un pour hommes) et une chambre. Le second étage comprend deux chambres (sur rue et sur cour) encadrant un débarras.
La comparaison avec le relevé de l'état du bien avant-guerre conservé dans le fonds Paul Decaux (AD Pas-de-Calais 45J104) montre que l'affectation du bâtiment n'a pas changé. Il s'agit toujours d'une maison à boutique qui vendait de la confection. Elle associait un espace de vente sur rue au rez-de-chaussée, un grand atelier de confection au premier étage, des espaces de stockage au second étage. Mais il n'y a plus ici qu'une seule petite chambre sur cour au second étage. Surtout, la maison ne possède ni sanitaires ni cuisine intérieurs : un foyer accolé à la véranda et les WC sont dans la cour. En revanche, une remise en fond de cour accessible depuis l'extérieur est accolée une écurie et à un petit fumier couvert.
Le projet de l’architecte : les élévations
L’élévation à trois niveaux est couronnée par un grand pignon à redents percé d’une baie et flanqué de deux souches de cheminée monumentales. Le premier niveau est occupé sur toute sa largeur par un triplet de baies, réunies sous un arc de décharge en accolade qui les relie aux linteaux de la baie du pignon. Le rez-de-chaussée est occupé par la vitrine et la porte d’entrée (commune au magasin et à la maison), surmontées d’une table décorée de motifs floraux.
Toutes les baies sont rectangulaires et, hormis la vitrine du rez-de-chaussée, elles sont surmontées par un tympan en plein cintre qui porte un décor de paniers de fruits. Elles sont en léger retrait par rapport au droit du mur.
Les matériaux préconisés dans le devis descriptif
Le devis descriptif, bien que succinct, permet de savoir quels matériaux l’architecte a préconisé pour la réalisation du projet. Les fondations sont en briques, de même que l’élévation pour laquelle elles doivent être "cuites au four continu". Pour le parement des façades, le "soubassement est en pierre bleue de Soignies, les murs sur rue en briques de Fouquereuil, les linteaux et arcs des fenêtres en ciment armé, redents et parties décoratives en ciment". Les cloisons intérieures sont en briques enduites en plâtre. Celles de la véranda, de la courette, de la cage d’escalier et des couloirs sont peintes à l’huile, tandis que le reste des pièces est "recouvert de papier de tenture ordinaire". Seul le plafond de la salle à manger est un peu plus travaillé et est décoré de moulures et d’une rosace en plâtre. Au sol on trouve du carrelage pour tout le rez-de-chaussée, y compris dans la courette dont le sol a au préalable été cimenté, ainsi que pour les paliers et les couloirs des étages. Mais l’architecte ne prend pas la peine de préciser quel type, quelle qualité et quel mode de pose il souhaite. La salle à manger est parquetée de chêne, de même que les espaces de confection et les chambres. Les huisseries extérieures sont en chêne et celles intérieures en sapin. L'escalier privé est en orme avec une rampe en chêne mais celui "en colimaçon entre magasin et confection est en fer [avec] marches en tôle striée". Toutes les pièces disposent d’une cheminée, celle du magasin "en marbre rouge des Flandres" étant la plus ostentatoire.
La charpente en sapin du toit à longs pans est couverte d’ardoises d’Angers.
-
Période(s)
- Principale : 1er quart 20e siècle
-
Dates
- 1922, daté par source
-
Auteur(s)
-
Auteur :
Decaux Paularchitecte attribution par sourceDecaux Paul
Paul Decaux est né à Serqueux (Seine-Maritime) le 28 mai 1881. Après des études à Dieppe puis à l'École des Beaux-Arts de Paris où il obtient son diplôme d'architecte, il fait ses premières armes à Valenciennes, chez M. Lemaire. Il devient architecte en chef du département du Pas-de-Calais en décembre 1909 et un an et demi plus tard, architecte ordinaire des monuments historiques.
Au lendemain de la guerre 1914-1918, il prend une part active à la reconstruction des communes du département : bâtiments communaux et monuments historiques (restauration de nombreuses églises dévastées et de la cathédrale d’Arras, palais Saint-Vaast et places d'Arras), mais également reconstruction d’un nombre considérable de maisons particulières. Il est ainsi l’architecte attitré de 14 coopératives de reconstruction (Préfecture du Pas-de-Calais, La reconstitution des régions libérées du Pas de Calais, situation au 1er janvier 1927).Son cabinet arrageois est installé rue d'Amiens à Arras. Il compte de nombreux collaborateurs et s’est souvent associé à Edouard Crevel, architecte installé 11 rue Deperré à Paris. On leur doit la construction d'établissements comme le sanatorium d'Helfaut ou l'École d'agriculture de Tilloy-lès-Mofflaines.
Paul Decaux quitte le poste d'architecte départemental en 1950 et Arras en 1959. Il meurt à Dieppe le 6 septembre 1968. Il a été président du Conseil de l'Ordre des architectes, membre de la Commission départementale des monuments historiques du Pas-de-Calais, et de l'Académie d'Arras.
(source : présentation du fonds Paul Decaux - 45J - Archives départementales du Pas-de-Calais)
- Auteur : architecte attribution par source
-
Auteur :
La maison est construite sur un parcellaire en lanières qui va de la rue de Péronne à l’Impasse de la Vierge. La parcelle est traversante et ne comprend aucun découvert de jardin.
La comparaison entre le projet de l’architecte et le bâtiment réalisé montre que peu de modifications ont été apportées : la composition de la façade est identique au dessin et si les huisseries du second niveau et du pignon ont perdu leurs petits carreaux, ces derniers sont encore visibles sous le panneau portant le nom du magasin. Il n’est pas possible de savoir si la table décorée est toujours présente sous l’enseigne.
Les décors portés sont toujours là, mais les souches de cheminée ont disparu.
Enfin, s’agissant d’une propriété privée, l’intérieur actuel de la maison n’a pas été étudié. Il n’est donc pas possible de savoir si la construction s’est faite conformément aux plans de l’architecte, ni si cette dernière a été modifiée par la suite.
-
Murs
- brique
-
Étagesrez-de-chaussée, 1 étage carré, étage de comble
-
Couvertures
- toit à longs pans pignon découvert
-
Techniques
- décor stuqué
-
Représentations
- fleur
-
Statut de la propriétépropriété d'une personne privée
- (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
- (c) Département du Pas-de-Calais - Archives départementales
- (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
- (c) Département du Pas-de-Calais - Archives départementales
- (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
- (c) Département du Pas-de-Calais - Archives départementales
- (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
- (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
- (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Documents d'archives
-
AD Pas-de-Calais. Série R ; 10R9/10. Dommages de guerre. Secteur de Bapaume. Dossier 135 bis. Émilie Legay-Carpentier, veuve : commerce : Devis, marché, convention d'acompte, procès-verbaux de réception définitive, plans.
Devis, marché, convention d'acompte, procès-verbaux de réception définitive, plans. -
AD Pas-de-Calais - série J : pièces, fonds et collections d'origine privée - Archives d'architectes. 45 J : fonds Paul Decaux. Dossier 104 : projets de Mme Legay-Carpentier : rue de l'Amiral Payen, rue Gambetta, rue de la République (chalet Legay), rue de Péronne (commerce) : plans.
Liste des documents figurés utilisés dans la notice :
- Propriété de Madame Legay-Carpentier à Bapaume, sise à Bapaume - 85 rue de Péronne - État en août 1914. Plans du sous-sol, du rez-de-chaussée, du premier étage et des combles ; coupes transversale et longitudinale ; façade sur rue. Signé et daté Decaux et Crevel, 23 novembre 1920.
- Propriété de Madame Legay-Carpentier à Bapaume. Plans du sous-sol, du rez-de-chaussée, du premier étage et des combles ; coupes transversale et longitudinale ; façade sur rue. Signé et daté Decaux et Crevel, 17 décembre 1921.
- Propriété de Madame Legay-Carpentier à Bapaume. Façade sur rue ; coupe. Signé Decaux et Crevel, sans date.
Plans.
Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France.
Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France.