Dossier d’œuvre architecture IA62005198 | Réalisé par
Girard Karine (Rédacteur)
Girard Karine

Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France.

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  • patrimoine de la Reconstruction
  • enquête thématique régionale, La première Reconstruction
Ancienne maison à trois unités d'habitation et commerce, propriété de Mme Legay-Carpentier, puis maison à trois unités d'habitation
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Communauté de communes du Sud-Artois - Bapaume
  • Commune Bapaume
  • Adresse 48-50-52 rue faubourg de Péronne
  • Cadastre 2017 000 AD 01 54  ; 2017 000 AD 01 55  ; 2017 000 AD 01 56
  • Destinations
    maison
  • Parties constituantes non étudiées
    garage, jardin

Cet immeuble est intéressant à plus d'un titre.

Tout d'abord, l'association maison à plusieurs unités d'habitation - commerce n'apparait que cinq fois dans l'ensemble des 408 dossiers de dommages de guerre de la ville de Bapaume conservés aux AD du Pas-de-Calais.

Son aspect, avec ses pignons couverts par une toiture débordante est également peu fréquente. Cette forme est plutôt réservée à des maisons particulières et le plus souvent, le pignon est couvert par une demi-croupe. Enfin, la façade du pan coupé est agrémentée d'un petit bow-window. Si ces derniers sont fréquents dans les maisons individuelles, c'est en revanche le seul exemple repéré pour des maisons à plusieurs unités d'habitation. De plus, ce bow-window est situé au second niveau, ce qui est très original, ces derniers étant plutôt au rez-de-chaussée. Cette "signature" se retrouve cependant dans d'autres constructions de Decaux - Crevel à Bapaume comme la maison de M. Peugniez rue du Faubourg de Péronne, la brasserie de M. Peugniez rue du Maréchal Leclerc ou l'hôtel Sheffield. Enfin, la façade de la maison à plusieurs unités d'habitation ne laisse pas de briques apparente sauf pour des éléments apportant une plus-value esthétique (trumeaux des baies, oculus). Les façades des autres maisons construites pour Mme Legay-Carpentier sont en briques apparentes, y compris la maison rue Gambetta aujourd'hui entièrement enduite (AD Pas-de-Calais, fonds Decaux, 45J104).

Mme Legay-Carpentier est la propriétaire la plus importante de Bapaume avec six ensembles immobiliers reconstruits : maison d’habitation personnelle rue de la République ("Chalet Legay"), maison à boutique rue de Péronne, maison individuelle rue du maréchal Leclerc (dossier dommages de guerre 10 R 9/98, dossier n°1474, non identifiée) construite en 1925 pour 30 000 francs, maison à deux unités d’habitation Impasse de la Clef d’Or (dossier dommages de guerre 10 R 9/51, dossier n°745, non identifiée) édifiée en 1922 pour 112 000 francs, maison et 3 garages rue Gambetta (dossier dommages de guerre 10 R 9/109, dossier n°1745 ; fonds Decaux 45J104 et 45J551) construite en 1928 pour 121 000 francs et enfin, ensemble maison à trois unité d'habitation - commerce rue du Faubourg de Péronne. Pour toutes ces constructions, elle fait appel à Paul Decaux. A elle seule, Mme Legay-Carpentier représente 40% des constructions réalisées à Bapaume par Decaux (6 sur 15).

Si l’on compare les différents éléments de cet ensemble, étant entendu que le chalet Legay est vraiment "incomparable" (au sens étymologique), elles ne se ressemblent pas. En effet, à chaque fois, les architectes ont adapté l’élévation, la largeur de la façade, la distribution aux fonctions que devaient remplir ces constructions et les ont insérées dans leur environnement bâti. Ainsi, les maisons à trois unités d’habitation de la rue du faubourg de Péronne n’ont que deux niveaux de façade alors que la maison à boutique en a trois, cette dernière a pignon sur rue alors que la maison de la rue Gambetta et de l’Impasse de la Clef d’Or présentent leur mur gouttereau, le chalet Legay est isolé et situé en retrait de parcelle et non à front de rue… Cependant, quelques points communs émergent comme la prédominance de la pierre bleue pour les soubassements et de la brique de Fouquereuil (usine près de Béthune) pour le parement des façades, ardoises d’Angers en couverture et, hormis pour le chalet Legay, utilisation du béton armé pour les structures des baies et du ciment en enduit. Il faut surtout noter l’attention portée à l’apparence des façades, qu’il s’agisse du parement (brique pour le chalet Legay ou la boutique rue de Péronne, mais enduit tyrolien pour la maison à trois unités d’habitation de la rue du faubourg de Péronne) d’éléments de structure, comme les pignons et des lucarnes (maisons et commerce rue du faubourg de Péronne, maison à boutique rue de Péronne), ou des décors comme les jeux de calepinage de briques (maisons Impasse de la Clef d’or, maison à boutique rue de Péronne), le choix des matériaux luxueux comme la pierre bleue (chalet Legay, maison à boutique rue de Péronne) ou les décors portés au-dessus des baies ou sur les corniches et les tables (maison à boutique rue de Péronne, maisons jumelles Impasse de la Clef d’Or, maison de la rue Gambetta).

La typologie et la chronologie des constructions est représentative de la reconstruction à Bapaume : maison d’habitation personnelle pour commencer puis commerce qui contribue à la reprise économique (ici la maison à boutique de la rue de Péronne) qui sont construits dès 1921. Ils sont complétés un peu plus tard par des immeubles de rapport édifiés en deux étapes : maison à deux unités d'habitation de l'Impasse de la clef d'or et maison rue du Maréchal Leclerc en 1923 puis en 1927-28, ce qui correspond à la fin de la reconstruction, la maison individuelle de la rue Gambetta et l'ensemble de la rue du faubourg de Péronne.

La chronologie du projet de reconstruction

L'ensemble immobilier est commandé à Paul Decaux et Edouard Crevel par Madame Legay-Carpentier en août 1927, pour un budget de 189 000 francs. Le projet se fait hors coopérative. Il est reconstruit sur l'emplacement d'un immeuble détruit, ainsi que le précise le devis descriptif.

L'échelonnement des paiements (10% à l'achèvement des fondations, 15% à celui des planchers hauts du rez-de-chaussée puis de nouveau 15% pour ceux du premier étage, 14% lors de la mise hors-d'eau, 14% à l'achèvement de la plâtrerie, 20% à la réception et le solde à celle définitive) permet de voir à quelle vitesse l'ensemble immobilier s'est construit. En décembre 1927, les fondations et le rez-de-chaussée sont construits, en juin 1928 c'est au tour du 1er étage et de la mise hors-d'eau, enfin de la plâtrerie en avril 1929. La réception définitive a lieu en décembre 1929.

Les matériaux préconisés dans le devis descriptif

Le devis descriptif indique que les anciennes fondations sont arasées et remplacées par des fondations neuves en béton et les caves anciennes sont comblées et remplacées par des sous-sols dallés en béton. Les briques qui peuvent être récupérées dans les décombres servent au briquaillon des fondations ou à la construction des murs de cave lorsqu'elles sont en suffisamment bon état. La maçonnerie des murs est en brique cuite au four continu. Sur cour, les soubassements sont enduits en béton imitant la pierre de Soignies, la hauteur du rez-de-chaussée est enduite avec un "enduit lissé unie avec joints et badigeon ton pierre" tandis que le reste de la façade est recouvert de "crépi tyrolien 3 couches uni teinté". Côté cour, la brique reste apparente sur la totalité de la façade. La charpente est en sapin avec une couverture en ardoise de Fumay (carrière belge) posées au clou pour les parties principales et l'appentis du bow-window, mais en tuiles mécaniques pour les annexes. La "fausse plate bande" prévue pour les linteaux, les "appuis moulurés ton pierre" et "la console support du bow-window" sont en béton armé. Tous sont peints au Silexore. Les marches et les seuils sont en revanche en véritable pierre de Soignies.

Au rez-de-chaussée le sol, posé sur une chape en béton armé, est en granito (revêtement en béton dans lequel sont insérés des gravillons de pierre et de marbre, damé puis lissé) "ordinaire sans filet ni bordure" dans les cuisines mais avec filet dans les couloirs et avec filet et motifs d'angle dans les salles à manger, les vestibules et la salle du magasin. Les salons et les chambres sont parquetés. Les cours sont pavées en brique. La plâtrerie représente un ensemble conséquent : les cloisons intérieures sont en carreaux de plâtre, les plafonds sont en plâtre sur lattis de chêne, et tous les murs sont enduits en plâtre avant d'être recouverts de "papier de tenture avec frises". Les pièces sont équipées de cheminées "à capucines" en marbre rouge ou noir. Les escaliers tournants à deux volées droites sont en orme, toutes les huisseries intérieures et extérieures sont en sapin hormis les portes d'entrée et l'auvent en chêne qui les surmonte, et la devanture du magasin.

Le projet de l’architecte : les plans

Les distributions prévues pour les deux maisons sont symétriques. Un long couloir situé à gauche ou à droite dessert le salon sur rue et la salle à manger sur cour puis débouche dans la cuisine, d'où l'on accède aux sanitaires et à la cour. Dans le magasin, situé dans le pan coupé, le salon est remplacé par l'espace commercial. Pour les trois maisons l'étage est occupé par deux chambres et les combles accueillent un grand grenier.

Le projet de l’architecte : les élévations

L'élévation est similaire pour les trois maisons. Construites sur cave, elles ont un étage carré et un étage de combles pour la partie habitation, et un unique rez-de-chaussée pour la cuisine. Le corps principal comme les pignons sont couverts d'une toiture à longs pans débordante. Le pan coupé est entièrement occupé par un grand pignon. Percé d'un oculus cerné par un rang de briques en partie haute, orné d'un bow-widow rectangulaire au premier niveau, il est entièrement occupé au rez-de-chaussée par la vitrine et la porte d'accès au magasin. On trouve un grand pignon identique au centre de façade principale. La partie entre les rampants est percée de deux petites baies rectangulaires géminées réunies sous un linteau en bâtière. Cette organisation est également visible au premier niveau de la façade mais avec un trumeau en briques plus large entre les deux baies et un linteau rectangulaire. Enfin au rez-de-chaussée, réunies sous un même auvent, se trouvent les portes d'entrée des deux maisons. Les travées latérales sont occupées par des baise rectangulaires couvertes d'un large linteau droit. Au premier niveau ces baies sont un peu moins larges et leur linteau est couvert par la toiture débordante. Les baies de la travée la plus à gauche sont celles de la maison à boutique. Elles viennent rompre la symétrie centrale matérialisée par la pointe du pignon qui préside à l'organisation de la façade de la partie "maison à deux unités d'habitation".

A l'arrière, les façades des trois maisons sont parfaitement identiques : une travée avec deux petites baies rectangulaires, une avancée pour la cuisine percée d'une porte et une petite baie horizontale accolée au conduit de cheminé de la cuisine.

Les modifications ultérieures

A une époque inconnue, le magasin a fait place à une maison d'habitation : la vitrine sur le pan coupé a été remplacée par une baie rectangulaire et la fenêtre du rez-de-chaussée sur la rue du faubourg de Péronne par une porte. La façade du pan coupé porte encore la trace de la vitrine du magasin : le linteau débordant et l'appui de la baie ont été conservés et l'enduit qui recouvre l'espace libéré par le remplacement de la vitrine n'est identique ni à celui préexistant (encore visible aux extrémités du pan coupé) ni à celui du soubassement. Comme souvent les huisseries ont été changées sans reprendre les dormants de la construction initiale, ce qui détruit une partie de l'harmonie de la façade imaginée par l'architecte. La porte de gauche de la maison à deux unités d'habitation semble en revanche avoir conservé son huisserie d'origine, avec les panneaux supérieurs en verre doublés par un décor en fonte tels qu’ils figurent sur les dessins de Decaux.

  • Période(s)
    • Principale : 1er quart 20e siècle , daté par source
  • Dates
    • 1927, daté par source
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Decaux Paul
      Decaux Paul

      Paul Decaux est né à Serqueux (Seine-Maritime) le 28 mai 1881. Après des études à Dieppe puis à l'École des Beaux-Arts de Paris où il obtient son diplôme d'architecte, il fait ses premières armes à Valenciennes, chez M. Lemaire. Il devient architecte en chef du département du Pas-de-Calais en décembre 1909 et un an et demi plus tard, architecte ordinaire des monuments historiques.

      Au lendemain de la guerre 1914-1918, il prend une part active à la reconstruction des communes du département : bâtiments communaux et monuments historiques (restauration de nombreuses églises dévastées et de la cathédrale d’Arras, palais Saint-Vaast et places d'Arras), mais également reconstruction d’un nombre considérable de maisons particulières. Il est ainsi l’architecte attitré de 14 coopératives de reconstruction (Préfecture du Pas-de-Calais, La reconstitution des régions libérées du Pas de Calais, situation au 1er janvier 1927).Son cabinet arrageois est installé rue d'Amiens à Arras. Il compte de nombreux collaborateurs et s’est souvent associé à Edouard Crevel, architecte installé 11 rue Deperré à Paris. On leur doit la construction d'établissements comme le sanatorium d'Helfaut ou l'École d'agriculture de Tilloy-lès-Mofflaines.

      Paul Decaux quitte le poste d'architecte départemental en 1950 et Arras en 1959. Il meurt à Dieppe le 6 septembre 1968. Il a été président du Conseil de l'Ordre des architectes, membre de la Commission départementale des monuments historiques du Pas-de-Calais, et de l'Académie d'Arras.

      (source : présentation du fonds Paul Decaux - 45J - Archives départementales du Pas-de-Calais)

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      architecte attribution par source
    • Auteur : architecte attribution par source

L'ensemble de l'édifice occupe une parcelle d'angle au croisement de la rue du faubourg de Péronne et de la rue du Barbaquin. Elles ouvrent sur la rue et se poursuivent par un jardin qui vient buter sur un mur de clôture. Un mur plein en brique ferme la parcelle sur la rue du Barbaquin.

Hormis la modification de la maison à boutique en habitation, le reste des élévations est resté identique à ce qu'avait imaginé l'architecte et qui figurait sur les plans. Il n'est donc pas utile d'y revenir dans le détail, si ce n'est pour souligner les jeux de couleur induits par l’utilisation des différents matériaux et qui ne sont pas visibles sur les bleus : rouge de la brique du bow-window, de l'oculus et des trumeaux des baies géminées, couleur pierre de l'enduit du premier niveau qui conserve la trace des joints destinés à donner l’illusion d'un parement en pierre et du crépi tyrolien, gris de l'ardoise.

S’agissant d’une propriété privée, l’intérieur actuel des maisons n’a pas été étudié. Il n’est donc pas possible de savoir si la construction s’est faite conformément aux plans de l’architecte, ni si cette dernière a été modifiée par la suite.

La plus grande partie de l'espace de jardin associé au magasin est aujourd'hui occupée par des garages, tandis que les espaces a l'arrière de la maison à deux unités d'habitation sont restés des jardins.

  • Murs
    • brique
    • béton
  • Toits
    ardoise
  • Étages
    rez-de-chaussée, 1 étage carré, étage de comble
  • Couvrements
  • Couvertures
    • toit à longs pans pignon couvert
  • Statut de la propriété
    propriété d'une personne privée

Documents d'archives

  • AD Pas-de-Calais ; Série R ; 10R9/109. Dommages de guerre - secteur de Bapaume. Dossier n°1746 : habitation, commerce et dépendances. Mme Veuve Legay-Carpentier et M. Vasseur-Legay : devis descriptifs, marché, convention d'acompte, plans.

    Liste des documents figurés utilisés dans la notice :

    - Plans du sous-sol, du rez-de-chaussée, du premier étage et des combles. Signé par Paul Decaux, sans date.

    - Dessin du pignon d'angle, de la façade principale, de la façade postérieure et coupe. Signé par Paul Decaux, sans date.

    Devis descriptifs, marché, convention d'acompte, plans.

Annexes

  • Les matériaux de la reconstruction à Bapaume
  • L'habitat collectif à Bapaume à la Reconstruction
Date(s) d'enquête : 2018; Date(s) de rédaction : 2019
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Girard Karine
Girard Karine

Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France.

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Articulation des dossiers
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