Éléments de contexte
Le nom de l'hôtel est un hommage à la marraine de Bapaume, la ville de Sheffield, bien que cette dernière n'ait pas participé au financement de la construction.
Il est édifié après guerre, en face de la gare, sur une place qui accueille de nombreux estaminets par les architectes Decaux et Crével à la demande de M. Alexandre Debras, industriel amiénois où il est propriétaire d'une briquèterie. Il possède également une ferme à Beaucourt-Hamel et une maison de maitre, un magasin de graines associé à un atelier de triage et à un entrepôt à Bapaume, près de la gare. Il ne fait reconstruire ni son entreprise ni la maison, qu'il remplace par un hôtel des voyageurs (AD Pas-de-Calais, 10R19/883). M. Debras "est son propre entrepreneur en ce sens [qu'il] ne fait pas partie de la coopérative et que pour la reconstruction de son immeuble il s'adresse directement à différents corps d'état" (certificat établi par la ville de Bapaume le 18 février 1923).
La chronologie du projet de reconstruction
Un plan conservé dans le fonds Decaux (AD Pas-de-Calais, 45J103) place en 1921 de début de la reconstruction. La date précise d'achèvement n'est pas connue. Cependant, une invitation adressée aux sapeurs-pompiers de la ville pour la fête de Sainte-Barbe 1926 indique que "le banquet aura lieu à 17h30 très précises à l'hôtel Sheffield" (AD Pas-de-Calais, 10R20/54) : le bâtiment est donc achevé à cette date.
Les matériaux préconisés par l'architecte
Le compte-rendu des versements des différents acomptes ainsi que les annotations portées sur les plans permettent d'avoir quelques indications sur les matériaux employés : dalles béton sur planchers en fer et poutres en béton pour les sols entre les étages ; béton armé pour le support du bow-window et la terrasse ; murs en briques rouges recouvertes d'enduit à partir du second niveau pour les façades avant et latérales ; appuis de fenêtres en briques au rez-de-chaussée puis en bois pour les niveaux supérieurs ; couverture en "vieilles tuiles petit modèle" ; décors portés en sgraffito sur la façade principale ; cheminées en marbre ; papiers de tenture pour les trumeaux et faux-lambris sous les fenêtres pour les salles du rez-de-chaussée mais peinture pour le reste des murs ; parquets dans les chambres et carrelages dans les salles de bain, la cuisine et la laverie.
Le projet de l’architecte : les plans
Les plans montrent un bâtiment en L d'un étage carré et deux étages de comble inscrit dans un rectangle. Il est couvert d'une toiture à longs pans brisés avec pignons débordants. Elle est percée de lucarnes rampantes sur le brisis et de lucarnes-pignon sur le terrasson. La partie arrière du rectangle est occupée par une cour. Le sol étant en pente, le sous-sol est entièrement excavé sur l'arrière du bâtiment.
Le sous-sol, dont les murs sont percés de larges baies, accueille les espaces techniques comme la cuisine, la lingerie, un garage, la cave à charbon et les réserves. Le rez-de-chaussée est occupé par les espaces publics de l'hôtel : salle de restaurant et salle de café côté rue de la gare, grande salle de réception et hall à l'arrière. On y accède de plein pied depuis la rue de la gare et par un degré depuis la cour. Les étages abritent les chambres desservies par un couloir central (huit au premier et au second et cinq dans les combles) et des sanitaires partagés. L'escalier tournant sur jour qui dessert tous les étages est situé dans le hall, entre la salle de café et le bureau.
Le projet de l’architecte : les élévations
L'hôtel présente une façade principale sur trois niveaux : le premier, entièrement vitré, est orné d'une marquise ; le second est percé de quatre fenêtres en plein cintre dont le linteau est souligné par un bandeau ; et le dernier niveau, plus complexe, montre un grand pignon triangulaire avec un bow-window à trois pans qui vient interrompre la toiture à double pente et ses lucarnes. De chaque côté, la toiture repose sur une importante corniche qui fait également office de gouttière. La volumétrie est reprise dans le large bandeau qui achève le cul-de-lampe qui soutient le bow-window. La façade latérale est percée en son milieu de trois paires de baies rectangulaires qui correspondent aux étages des chambres, tandis que le rez-de-chaussée est scandé de cinq grandes baies rectangulaires qui éclairent la salle de restaurant, situées au droit des fenêtres du sous-sol. Pour toutes ces baies, qui se poursuivent sur tout le pourtour de la salle, les appuis saillants sont en trois parties de hauteurs différentes et les linteaux enduits jusque sous la corniche qui marque le bord de la terrasse. Celle-ci est bordée par un muret de brique posées pour faire un motif décoratif. Enfin, la façade arrière reprend au premier niveau la forme rectangulaire des baies de la façade latérale. La forme en plein cintre des baies du second niveau reprend celle la façade principale, tout comme la forte corniche et les lucarnes rampantes et en pavillon de l’étage de comble.
Conformément aux plans, les murs de briques sont décorés à la jonction avec la partie enduite et sous les fenêtres de motifs en frise de briques blanches et la façade principale porte sous le bow-window, sous les appuis de fenêtre et au centre du pignon des motifs de fruits et de fleurs traités dans le style art-déco. C'est également à ce style que se rattache motif de volutes en fer forgé au centre de la marquise. La façade arrière est entièrement en briques, seuls les linteaux des baies du rez-de-chaussée et le boudin soulignant le plein cintre des baies du second niveau étant enduits en blanc.
Les modifications ultérieures
Dans le numéro 67 de la revue Archéo, on trouve l'indication suivante : "Très confortable, l'hôtel avait un bel aspect, mais il dut fermer quelques années plus tard". Ainsi, si le recensement de population de 1926 signale Adrien Demarle, hôtelier, qui emploie et loge une cuisinière, la fonction d'hôtel n'apparaît plus dans le recensement de 1931. La revue précise également qu'en 1949, l'hôtel est transformé en silo par les Coopérateurs du Nord de la France.
Lors de sa transformation en silo, on adjoint à l'hôtel un long bâtiment d'un seul niveau, qui vient occuper, sur la droite, la parcelle encore disponible. Ce long vaisseau est couvert par une toiture en demi-lune. La couverture de l'hôtel est modifiée : suppression de toutes les lucarnes et remplacement de l'ardoise par des carreaux d'éternit. Les deux bâtiments sont précédés d'un haut quai de déchargement en béton, qui condamne l'accès à l'ancien hôtel dont toutes les ouvertures sont murées.
Devenu ensuite propriété de la coopérative agricole de Bapaume, l'ensemble est aujourd'hui en ruine.
Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France.