Pour une raison de clarté, les hameaux relevant actuellement de la commune de Sainte-Eusoye (Noirvaux, Sauveleux, La Borde Longuet) sont traités dans ce dossier et ne font pas l’objet d’une notice spécifique. Troussures, ancienne grange cistercienne, est traitée dans ce dossier.
Chronologie générale
Moyen-Âge
Eusoye est la forme populaire d’Eusébie, ancienne abbesse d’Hamage ayant vécu au 7e siècle. Le village est mentionné pour la première fois en 1030 dans les titres de l’évêché de Beauvais (É. Lambert, 1982). D’après une brochure communale (qui reprend un écrit de 1886), une chapelle dédiée à Eusébie aurait été implantée sur des terres que l’abbaye de Marchiennes dans le Nord (fondée par les parents d’Eusébie) possédait près de Breteuil. Un village se serait ainsi développé au Moyen-Âge autour de l’édifice.
D’autre part, l’exploitation de domaines agricoles importants a motivé l’occupation des sols. Si des fermes se sont certainement implantées au cœur même du village, de grosses fermes seigneuriales se sont installées sur le finage. Ainsi, l’abbaye cistercienne de Chaalis construit une grange à Troussures au 12e siècle, après les défrichements du bois de Noirvaux, à l’origine du hameau actuel. Son nom est issu de Nigra Vallis, la "vallée noire" et pourrait renvoyer à la présence des bois défrichés par les moines blancs (L. Graves, 1832).
Le hameau de Sauveleux, juste au sud-est du village est cité dès 1239 dans le cartulaire de l’abbaye de Saint-Wandrille située en Seine-Maritime (É. Lambert, 1982) et a pu se structurer autour d’un domaine agricole.
Époque moderne
Peu d’éléments sont établis sur cette période. Ce sont surtout des plans du 18e siècle et le cadastre napoléonien (1809) qui permettent d’appréhender l’histoire du chef-lieu et des écarts qui l’entourent.
Une importante ferme organisée autour d’une vaste cour carrée avec un porche imposant se trouvait dans la partie sud du village. Visible sur le cadastre de 1809, elle devait être déjà bien structurée au 18e siècle. Elle était construite en grande partie en pierre. Il ne reste aujourd’hui que le bâtiment à gauche du porche. Ce domaine a pu appartenir à un seigneur local et constituer le pôle agricole autour duquel s’est développé le village.
Un plan terrier du fief de Noirvaux daté du 18e siècle (AD Oise) comprend huit maisons. Il est levé par l’abbaye de Saint-Lucien de Beauvais, seigneur du lieu à cette période. Cette agglomération était donc déjà structurée à cette période.
Visible sur la carte de Cassini (1757), le lieu-dit La Borde comprenait un domaine agricole important qui se développe au 19e siècle et est complété par « Longuet », du nom des propriétaires (É. Lambert, 1982).
Enfin, les plans anciens sont constellés de moulins à vent dont il ne reste plus aucune trace aujourd’hui : trois sur la carte de Cassini et deux sur le cadastre de 1809. En bois, ils étaient facilement détruits et déplacés (sur le cadastre de 1809, les lieux-dits Le Moulin Brûlé au sud de Sainte-Eusoye et Le Moulin à Sauveleux témoignent de la présence passée de ces constructions).
Époque contemporaine
Le 19e siècle constitue l’âge d’or démographique des villages ruraux. Le nombre d’habitants est à son optimum (324 dans le seul chef-lieu en 1831), les activités sont diversifiées (artisanat, commerces) mais reposent essentiellement sur l’agriculture.
La période qui suit la 2e guerre mondiale accélère l’exode rural initié à la fin du 19e siècle. Les prairies qui ceinturaient le village de Sainte-Eusoye laissent place à des pavillons modernes à partir des années 1970. Ce type de logement s'implante également dans l'écart de Noirveaux à partir des années 1980. Il faut attendre cette dernière période pour que la démographie de Sainte-Eusoye remonte (202 habitants en 1982 et 332 en 2019).
Évolution de la morphologie et du parcellaire
Le village semble ainsi s’être développé autour de deux pôles : l’église, et un domaine agricole dont la ferme visible au sud du village est peut-être à l’origine. Enfin, une seconde ferme dont les maçonneries en brique et pierre attestent de l’ancienneté est toujours visible dans la partie occidentale du village. L'église et les deux fermes forment ainsi un triangle dont les côtés constituent les rues principales. L’attraction de la route de Breteuil à Amiens (D1001) a comme étiré le village vers l’ouest et vers cette ferme plus isolée à l’ouest. Si les quartiers constitués autour de l’église et du domaine au sud du village sont les plus anciens, celui de la place publique s’est formé en dernier. En effet, la faible densité du bâti sur le cadastre de 1809 semble attester de la structuration plus tardive de cette zone.
Les mutations importantes dans la morphologie de Sainte-Eusoye interviennent ensuite après la Seconde Guerre mondiale. Le cadastre de 1965 montre que de nombreux pavillons sont construits dans la Grande Rue, lotissant d’anciennes prairies. À partir des années 1970, d’autres habitations de ce type s’implantent dans la partie nord de la place des tilleuls. Enfin, de nouveaux logements sont construits au lieu-dit Le Clos des Vignes.
Sur le cadastre de 1809, le parcellaire est constitué de fines lanières juxtaposées, les trinquettes. L’étroitesse des parcelles impose une optimisation de l’espace et explique en grande partie la construction des granges et ateliers d’artisans sur la rue, tandis que le logis se retrouve en fond de cour. Avec les reconstructions et les disparitions de ces "fermes picardes", les parcelles ont souvent été remembrées, en particulier après la Seconde Guerre mondiale qui accélère l’exode rural et entraîne l’adoption de nouvelles formes d’habitat. Les remembrements modifient également la forme paysagère du village : haies, prairies et arbres qui formaient une ceinture verte entre les habitations et les grandes cultures disparaissent. Les limites du finage, structurées au Moyen Âge évoluent.
Lieux partagés et structurants
Les limites du village : croix de chemin et tour de ville
Ces éléments sont des aménagements typiques du plateau picard où l’intérêt pour la culture sur les sols limoneux entraîne très tôt la nécessité de délimiter clairement les zones bâties des zones cultivées. Le tour de ville était un sentier qui ceinturait le village et qui passait derrière les parcelles habitées. À Sainte-Eusoye, la section sud (visible sur le cadastre de 1809) partait de l’ancienne ferme au sud-est du village et se terminait au croisement du chemin menant au cimetière. Excepté un petit tronçon partant du sentier du cimetière, elle n’existe plus depuis les années 1960, période des grands remembrements. La partie orientale est en revanche encore praticable.
Les croix de chemin avaient une fonction liturgique en tant que stations processionnaires mais servaient également de bornes. Deux croix de chemin ont été relevées à Sainte-Eusoye. Le cadastre de 1809 situe le "chemin du Calvaire" entre l’actuelle D1001 et la place publique. Si la croix de chemin visible aujourd’hui est d’une facture plus récente (signée "LUPART"), cette mention sur un plan ancien prouve qu’une telle construction existait à cet endroit. La seconde croix se trouve à l’extrémité de la Grande Rue, à l’intersection du tour de ville. La croix semble dater du 20e siècle, mais elle se trouve certainement à l’emplacement d’une croix plus ancienne.
Gérer et partager l’eau
La nature crayeuse des sols qui les rend arides et poreux a très tôt imposé aux habitants une gestion rationnelle et partagée de l’eau. Ils ont ainsi aménagé des puits et des mares. Trois mares existaient en 1902 (Notice statistique sur le département de l’Oise, 1902) à Sainte-Eusoye et dans ses écarts. Dans le chef-lieu, les cartes postales et des témoignages d’habitants du village confirment la présence d’une mare à l’extrémité occidentale de la place des Tilleuls. Elle servait à faire boire les troupeaux d’où le nom d’abreuvoir employé sur une carte postale du premier quart du 20e siècle (ill.). Elle n’existait déjà plus en 1965 (absente du cadastre de 1965). En revanche, celle qui se trouvait à la sortie sud-est du village, au bout de la Grande Rue, s’y trouvait encore jusqu'à sa récente destruction pour y construire un bâtiment agricole. La plus ancienne des mares (déjà mentionnée sur le cadastre de 1809), la seule toujours en place, se situe contre l’ancien cimetière, juste au nord de l’église. Enfin, dans les écarts, une seule mare a été repérée à Noirvaux.
En 1902, huit puits sont recensés sur le territoire communal de Sainte-Eusoye (chef-lieu et écarts). Ces puits étaient communaux et entretenus par les habitants. À Sainte-Eusoye, le seul encore visible sous sa forme d’origine (en pierre avec son toit à deux pans) se trouve dans la Grande Rue. Un puits est également visible à Noirvaux. Est-ce le même que celui figuré sur un plan terrier du 18e siècle ?
Équipements publics
La place publique est déjà figurée sur le cadastre de 1809. Elle pourrait donc même être antérieure. Elle comprenait à l’origine trois rangées de tilleuls (carte postale, premier quart du 20e siècle). Une remise de matériel d'incendie est construite en 1865 (AD Oise ; série O).
La première mairie-école se trouvait au n°12 de la rue de la Mairie et a été construite en 1853 par l'entrepreneur Ménard-Morel en pans de bois et torchis (AD Oise ; série O). Trop étroite et n'offrant pas de logement pour l'instituteur, elle est ensuite démontée en partie et reconstruite au n°1 de la rue Prien par l'entrepreneur Henri Gorin en 1880. Reprenant une partie des matériaux de l'ancien bâtiment, elle est édifiée en torchis et pans de bois, contrairement à la majorité des mairies-écoles de cette époque qui sont construites en brique. La mairie est ensuite déplacée dans l’ancien presbytère, juste à l’ouest de l’église.
Le monument aux morts est érigé en 1929 (AD Oise ; série O).
Photographe au service de l'Inventaire du patrimoine culturel de la région Hauts-de-France (2023).