Origines
Cormeilles est certainement à identifier avec le village de Curmiliaca, mentionné au 3e siècle dans l’Itinéraire d’Antonin. Ce toponyme est d’origine gallo-romaine et signifie "le domaine de Curmilius" ("villa" étant sous-entendu). Ce lieu se serait situé à un peu plus d’un kilomètre au nord-est de l’emplacement actuel, le long d’une ancienne voie romaine reliant Amiens à Beauvais, au lieu-dit La Neuville (mentionné sur le cadastre de 1955). Cette station marquait alors la limite entre les tribus gauloises des Ambiani et des Bellovaci.
Au 19e siècle, des vestiges d'aménagements médiévaux sont mis au jour. En 1834 lors de l'affaissement d'une maison, un souterrain-refuge est découvert rue d'En-Haut (partie sud de la Grande Rue). Comme pour d'autres souterrains découverts dans les villages environnants, il permettait à la population de se protéger en cas de guerres. Des caves et restes de maçonneries sont également exhumés au lieu-dit Les Fosses, juste à l'ouest du village. D'après Louis Graves, ces constructions pourraient être une ancienne maison de Templiers.
Sous l'Ancien Régime, deux seigneuries se partageaient autrefois les droits sur village et il est possible de retrouver les limites de l’emprise de chaque seigneur sur le plan actuel : la rue d’En-Haut (partie sud de la Grande Rue) et la rue Neuve appartenaient à l’abbaye de Froidmont, à la suite d’une donation d’Amicie de Breteuil en 1221 ; tandis que la rue d’En-Bas (actuelle rue de l’Église et partie nord de la Grande Rue) ainsi que la partie nord de la rue du Sac dépendaient de Blancfossé (plus tard de la seigneurie de Cormeilles). L’actuelle rue de Breteuil séparait le territoire de ces deux seigneuries. Le plan de la seigneurie de Cormeilles, réalisé au 18e siècle, montre bien cette séparation du village en deux quartiers : au sud du "Chemin de Breteuil", l’abbaye de Froidmont détenait les terres et biens, tandis que la partie nord du territoire relevait de la seigneurie de Cormeilles. Ces deux seigneuries n'étaient pas les seules à avoir des droits sur le village et l’abbaye Notre-Dame de Breteuil y possédait des dîmes et redevances.
Le village connaît une croissance importante au 19e siècle, en lien avec le développement de la sergetterie à domicile. Dans son Précis Statistique (1836), Louis Graves mentionne à Cormeilles un jeu de tamis (variante picarde du jeu de paume) et une place plantés d’arbres fruitiers de haute-tige, deux pompes à incendie et une compagnie de pompiers. Il note également l'existence d'une argilière au sud du village (lieu-dit "L’Argilière" sous la rue Neuve) et une briqueterie. Un souterrain a été découvert en 1834. Le "Fort", mentionné sur une carte postale du début du 20e siècle pourrait renvoyer à son emplacement.
Le plan d’état-major du milieu du 19e siècle figure un moulin à vent, au sud du village, le long de la route menant au Crocq. Un lieu-dit "Le Moulin" apparait dans le recensement de population de 1831. Un meunier y habite jusqu’en 1866. Le Moulin disparait dans le recensement de 1891, indiquant certainement sa destruction.
Évolution de la morphologie et du parcellaire du village
Une copie du cadastre napoléonien, datée du 2e tiers du 19e siècle permet d'appréhender l'ancienne morphologie de Cormeilles. Le village a connu des transformations notables entre le milieu du 19e siècle et le milieu du 20e siècle, avec le percement de nouvelles rues (rue de Breteuil et rue des Jardins) et le prolongement de la rue du Sac. Cette évolution est due à la croissance démographique qu'a connu le village à partir du milieu du 19e siècle. La rue des Jardins tire son origine du fait qu'elle passe derrière les parcelles des habitations de la Grande Rue.
Au milieu du 19e siècle, le parcellaire de Cormeilles est constitué de fines lanières juxtaposées, disposées perpendiculairement à la rue. Si à cette époque le bâti est dense et aggloméré, la baisse démographique intervenue à partir du dernier quart du 19e siècle entraîne une diminution du nombre de maisons, une dispersion de l'habitat et un élargissement de certaines parcelles à la suite de remembrements.
La Grande Rue, ancienne artère commerçante de Cormeilles, est celle qui a connu la baisse la plus importante du nombre d'habitations, accentuée par les bombardements de 1940 qui ont détruit plusieurs maisons, surtout dans la partie sud. Aujourd'hui, la zone la plus densément lotie du village se situe autour de l'église et de l'ancienne mairie-école. Dans la seconde moitié du 20e siècle, quelques pavillons résidentiels se sont implantés de manière éparse le long de la rue des Jardins et du prolongement de la rue du Sac, tandis que d'autres ont été construits rue du Crocq. Les rues créées ou prolongées dans le second tiers du 19e siècle ne seront néanmoins jamais abondamment loties de nouvelles habitations, la croissance démographique ayant été stoppée dès le dernier quart du 19e siècle.
Lieux partagés et structurants
Les limites du village : croix de chemin et tour de ville
À Cormeilles, six croix (dont un calvaire) ont pu être recensées. Le calvaire, implanté sur la place de l’église est déjà représenté sur le plan terrier du 18e siècle. Il a cependant été remanié et les éléments remplacés (niches avec les statues de la Vierge et de saint Jean et croix), au 19e et 20e siècles. La croix actuelle est signée "LUPARD" à Amiens.
Les croix de chemin sont souvent placées à des intersections avec des sentiers anciens, comme le tour de ville pour la croix située à l'intersection de la rue de Breteuil et du chemin du Tour de Ville. Une ancienne croix en fer et fonte était installée sur la route menant à la chapelle du Planton. Elle a été remplacée en 2000 par une croix en bois plantée dans un nouveau socle.
La croix érigée au bord de la route de Blancfossé a été installée par la famille Tallon et restaurée à deux reprises. Le Christ est toutefois d'origine.
Sur la route du Crocq une première croix a été érigée en 1892 par Florentin Sellier en souvenir de son épouse décédée. Depuis, il a été restauré deux fois : en 1972 par ses descendants, puis au début des années 2000 par la commune qui a remplacé le Christ.
Le tour de ville est une ceinture de sentiers séparant la zone habitée (maisons et leur parcelle) de la zone de grandes cultures. Il est particulièrement bien conservé à Cormeilles puisque le circuit visible sur le plan d’état-major du milieu du 19e siècle est toujours complet et praticable aujourd’hui.
Collecter et partager l’eau
La Statistique du département de l’Oise de 1902 inventorie à Cormeilles 30 citernes (construites chez les particuliers pour récupérer l'eau de pluie), 5 puits et 10 mares. Ces lieux de collectes sont précieux dans une région aux sols calcaires où il faut forer très profondément pour accéder à l’eau (80 à 90 mètres en moyenne). Actuellement, une mare est encore en place, rue de l’Église. Elle servait principalement à abreuver les bêtes et à disposer d’eau en cas d’incendie. Les citernes stockent l’eau de pluie.
Quant aux puits, 4 sont visibles dont un est d’apparat. Deux d’entre eux, d’origine, ont conservé leur toit à deux pans et leurs maçonneries en pierre de taille calcaire. Ils se trouvent dans la Grande Rue : le premier dans la partie nord, le second, juste au sud de la rue de Breteuil.
Aménagements et édifices publics
S’il ne reste plus de traces du jeu de tamis mentionné par Louis Graves, l’ancienne mairie-école est toujours en place. Elle a été construite dans les années 1860 (AD Oise, série O). Seule sa fonction d’école a été conservée aujourd'hui. La mairie actuelle, située en face, est un édifice contemporain.
Le monument aux morts a été érigé en 1920 (AD Oise, série O).
Photographe au service de l'Inventaire du patrimoine culturel de la région Hauts-de-France (2023).