Origines
"Crossiacum" apparait pour la première fois dans un document de 851 (É. Lambert, 1982). Il se situe dans le "pagus Ambienensi" (l'Amiénois). Ce toponyme serait composé du nom gaulois "Crossius" et du suffixe "-acum" (désignant un domaine). Croissy était donc à l'origine le siège d'un domaine agricole d'origine gauloise.
Le chapitre d'Amiens était le principal seigneur de Croissy. La maison dite "du chapitre", inscrite au titre des Monuments Historiques en 2013, en conserve le souvenir (https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA60000085). Avec la grange aux dîmes attenante, elle formait un ensemble permettant aux seigneurs de mieux gérer et contrôler leurs domaines. C'est probablement à leur initiative qu'est créé une maladrerie (hôpital pour lépreux) à l'ouest du village. Sous le nom de Malmaison, la ferme qui s'y trouve pourrait être l'ancien domaine associé à l'établissement. Comme à Fontaine-Bonneleau, les chanoines ont certainement été intéressés par la possibilité d'aménager des moulins. Au 18e siècle, les chanoines acquièrent le moulin dit du Roy qui devient alors le moulin des Moines. Ils achètent également la seigneurie et le domaine de Jean-Baptiste de Calonne dont le logis est toujours visible au n°11 rue d'Amiens (le premier niveau date du 16e siècle). Au 19e siècle, son propriétaire fait construire une chapelle Notre-Dame-de-Clémence en mémoire de sa fille décédée de la tuberculose.
En outre, Croissy compte d'importantes carrières, exploitées notamment pour la construction de la cathédrale d'Amiens. Le chapitre cathédral a octroyé le droit aux habitants de s'en servir librement, ce qui explique en partie pourquoi le village compte de nombreuses maisons en pierre. Une église s'est ensuite implantée dans le village. D'origine romane, elle est reconstruite en brique dans les années 1860. Le presbytère originel se trouvait au n°12 rue d'Amiens, en fond de cour. Comme l'illustre une carte postale, la maison dite du chapitre (qualifié d'ancienne abbaye) a ensuite servi de presbytère.
Croissy se développe donc en profitant de la force motrice de l'eau et de son implantation le long de la route Amiens-Beauvais, un axe très fréquenté dès le Moyen Âge. L'hôtel dite "du Dauphin" implantée au n°7 rue d'Amiens et la maison dite "de l'Image saint Louis" (n°20 rue d'Amiens) ont accueilli des voyageurs probablement dès l'époque médiévale.
De grosses demeures, souvent en lien avec une exploitation agricole, s'implantent aux sorties du village aux 18e et 19e siècles comme la maison d'Henriette Lévêque, veuve Pigeon dite "la dame des pauvres" portant la date de 1729 (n°34 rue d'Amiens) ou encore la ferme rue de Beauvais.
Comme Fontaine-Bonneleau, Croissy joue un rôle important dans le ravitaillement des troupes au cours de la Première Guerre mondiale : le chemin de fer permet la circulation de vivres et marchandises sur les fronts situés plus à l'est.
Si la graphie actuelle "-sur-Celle" est employée, c'est en raison d'un décret ministériel émis en 1899 afin de ne pas confondre Croissy-sur-Selle avec Croissy-sur-Seine : dans les deux cas, "Croissy-sur-S." était la plupart du temps indiqué sur les cartes postales, entrainant de nombreuses erreurs de destination.
Morphologie et parcellaire
Implanté dans le fond de la vallée de la Selle, Croissy a une forme irrégulière, due au tracé sinueux des rues, contraintes de se faufiler entre les cours d’eau et les zones trop marécageuses pour être constructibles. Le village est fermé à l’est par la rue d’Amiens qui se divise en deux branches (rue du Général Leclerc et rue de Beauvais). Ces voies sont des routes départementales constituant l’axe principal de la vallée de la Selle et mènent à Fontaine-Bonneleau (D106) et Cormeilles/Le Crocq (D11).
Le village se développe donc le long de cet axe parallèle à la Selle, et à l’ouest de cette rivière. L’église et son ancien cimetière (aujourd’hui disparu), ainsi que la mairie-école se trouvent au bord de la rue d’Amiens. Le cœur du village, compris entre les rues d’Amiens et du Général Leclerc à l’est et la rue du Marais à l’ouest, est formé de plusieurs mailles, petites alvéoles dessinées par les rues, dans lesquelles le bâti s’est développé. L’implantation des moulins a manifestement guidé la répartition du bâti. Le village est traversé par les cours de la Selle, ce qui a conduit à l’aménagement de plusieurs ponts (rue de Lavacquerie, rue de l’Abreuvoir, rue de la Gare).
La morphologie de Croissy n'a pas connu de grandes modifications depuis la levée du cadastre de 1834. Les plus grands aménagements concernent la déviation de la Selle au niveau de la place qui est créée à cette occasion et la construction de nouveaux ponts (seul le pont Cocu existait en 1834). La rue de l'Abreuvoir menait directement à la rivière où les animaux pouvaient boire. Le quartier de la gare, avec sa place, s'est constitué dans le dernier quart du 19e siècle. La rue du Moulin qui passait devant le moulin aux Moines et l'Église est alors renommée rue de la Gare et un pont est créé pour enjamber la Selle. Enfin, des pavillons modernes se sont implantés à la fin du 20e siècle, particulièrement aux sorties sud et ouest du village : au bout de la rue de Lavacquerie, à l’ouest, et de la rue du Général Leclerc au sud.
Le tracé sinueux des rues, induit par l’omniprésence de l’eau et le relief expliquent l’irrégularité du parcellaire. Celui-ci forme des quadrilatères plus ou moins larges. Quelques parcelles se succédant régulièrement sont visibles le long de la rue de Lavacquerie. Elles dessinent des lanières étroites à la manière des implantations traditionnelles des fermes du plateau picard. Toutefois, cette forme reste très rare dans les villages de vallée humide, comme à Croissy. Les parcelles sont souvent doublées d’une pièce de pâturage à l'arrière (exemples rue d'Amiens).
Lieux partagés et structurants
Les croix de chemin : limites et repères de Croissy
Trois croix en fer portant un Christ sont encore présentes à Croissy. Leur rôle était de borner le village ou de marquer une intersection. La première se situe au sud-est du village, à l'écart de la rue de Beauvais, à l'intersection de deux sentiers. Elle se trouvait à l'origine au cimetière de La Madeleine à Amiens et a été rapportée par le couple Legrand-Dubois dans le dernier quart du 19e siècle (Archives de l'Association pour la connaissance et la conservation des croix et calvaires du Beauvaisis). Le socle qui semble plus ancien, a dû supporter une croix avant celle qui s'y trouve aujourd'hui.
Une seconde croix se situe à l'intersection des rues d'Amiens et du Général Leclerc. La dernière est installée au croisement de la rue de Lavacquerie et du chemin de la Malmaison. Il indiquait la sortie ouest du village.
Collecter et partager l’eau
Les habitants de Croissy ont pu profiter de cette ressource, qui traversait leur village. Si la Statistique de 1902 relève 80 puits, ce nombre élevé doit être dû à la facilité avec laquelle l’eau était atteinte. Aucune mare n’est citée et il n’y en a toujours pas aujourd’hui. Après la déviation d'un bras de la Selle intervenue probablement dans le dernier quart du 19e siècle, un abreuvoir dédié aux troupeaux et chevaux a été aménagé dans le cours d’eau qui passe derrière le bâtiment des pompes à incendie, au pied du pont nouvellement construit. Il est visible sur une carte postale du début du 20e siècle.
La rue de la Fontaine était en réalité un bras de la rivière qui a été asséché dans la 2e moitié du 19e siècle pour construire la place et le pont de la rue de l'Abreuvoir. Elle a donc été créée après ces aménagements et mène directement à la rivière. Une rigole maçonnée est encore visible.
Aménagements et édifices publics
La place publique du village se trouve rue de l’Abreuvoir, à l’endroit où se rejoignaient deux anciens bras de la Selle au 19e siècle. Ses allées d’arbres, visibles sur une carte postale de 1914, ont été replantés à la fin des années 2000. Le bâtiment des pompes à incendie y est installé dans les années 1860 (AD Oise ; série O).
La mairie-école, qui fait face à l’église, est construite dans les années 1860 (AD Oise ; série O).
Le monument aux morts de la Première Guerre mondiale se tient entre les façades de la mairie-école et de l’église. Le dessin du projet (AD Oise) montre que des modifications ont été apportées à la version finale.
Enfin, la place de la gare, comprenant le bâtiment des voyageurs, un entrepôt ferroviaire ainsi que la poste, a été aménagée dans le dernier quart du 19e siècle. La gare est mentionnée pour la première fois dans le recensement de 1881, tandis que la rue de la gare apparaît en 1896. En 1896, un receveur des postes est cité ; le bâtiment des postes est donc certainement un peu antérieur.
Photographe au service de l'Inventaire du patrimoine culturel de la région Hauts-de-France (2023).