LA VIE RELIGIEUSE

"La nouvelle église de Tergnier Mgr l'Evêque de Soissons consacrera aujourd'hui 29 Juillet la nouvelle église de Tergnier.

La ville de Tergnier, que l'installation des ateliers de la Compagnie du Nord a considérablement augmentée depuis quelques années, ne disposant pour son église que de dommages de guerre très insuffisants, un Comité présidé par M. Henri Lavedan, de l'Académie française, a fait appel à la générosité publique pour donner ce pays un édifice cultuel assez grand pour la population.

Cette église, qui sera la centième du département rendue au culte par la Coopérative approuvée de reconstruction des églises du diocèse de Soissons, est construite en ciment armé et en briques, à un prix modeste eu égard à ses dimensions. Elle témoigne d'un intéressant effort d'art moderne l'architecte, M. E. Monestes, qui avait déjà élevé dans le sud du département notamment à Ciry-Salsogne des églises, plus classiques, en pierre, a entièrement renouvelé son inspiration".

Le Gaulois, 29 juillet 1928, p. 2.

RESTAURATION DE L'ÉGLISE DE TERGNIER

"M. Marcel Grimât, directeur des Coopératives de reconstruction des églises de l’Aisne, des Ardennes, de la Meuse et de l’arrondissement de Reims, administrateur du groupement des églises dévastées de France, nous écrit la lettre suivante que nous sommes tout heureux de reproduire : "Comme vous aviez bien voulu le signaler dans un de vos précédents numéros, l’église restaurée de Tergnier a été solennellement consacrée le dernier dimanche de juillet, par Mgr Mennechet, évêque de Soissons, Laon et Saint-Quentin. Cette église, la centième rendue au cuite dans le diocèse par la Coopérative de reconstruction d'églises, est la première depuis la guerre que l’autorité diocésaine ait cru devoir consacrer, les autres n’avant été que bénites. [...] Mais elle mérite d’être signalée à vos lecteurs à bien d’autres titres : il a fallu, pour mener à bien son relèvement, un tel concours d’enthousiasmes, de générosités et de compétences, une foi si ardente, une union si parfaite de toutes les hiérarchies et de toutes les classes, que l'exemple doit en être donné au pays tout entier. Quelques années avant la guerre, le petit village de Tergnier, devenant, par l'installation des ateliers et de la gare de triage des Chemins de fer du Nord, une ville importante, voyait décupler sa population ouvrière et augmenter à l’infini ses besoins spirituels. Quelques dons avalent permis de commencer la construction de l’église que nécessitait un tel afflux... Quand survint la guerre, cet édifice, qui était encore inachevé, fut entièrement détruit et, lors de l'évaluation des dommages de guerre en 1923, il ne fut bien entendu, attribué à la ville qu’une somme proportionnelle au dommage subi, 500000 fr. environ.

Les générosités auxquelles on avait tant fait appel depuis 1919 pour les besoins les plus urgent commençaient à se lasser. [...] Sous le patronage de S. G. Mgr l'évêque de Solssons, deux frères, MM. les abbés Cartigny, curé et vicaire de Tergnier, entamaient avec le même bonheur l'édification de leur église spirituelle et celle de leur église matérielle. Ils trouvaient un merveilleux appui dans une famille qui avait choisi Tergnier comme un centre d’apostolat, et que je ne puis m’empêcher de citer, bien qu’elle me l’ait absolument interdit : M. et Mme Montarlol. Sous leur Impulsion, un Comité créé à Paris, dont M. Henri Lavedan, de l’Académie française, consentait à prendre la présidence. C’est alors une floraison de dévouement et de générosités, l’appel est fait de façon si ardente que les concours se multiplient. Les habitants de Tergnier : cheminots et ouvriers, apportent chaque Jour leur obole, et dans cette pauvre paroisse, M. le curé réunit de maigres dons jusqu’à 3000 francs en un mois.

[...] Pour apporter ces dons à l’église de Tergnier, la Coopérative ne croit pouvoir mieux faire que de désigner comme architecte M. Edouard Monestès. M. Monestès a déjà élevé, dans le diocèse, des églises, entre autres Ciry-Salsogne, la première terminée, qui, dans la gerbe des églises d’après-guerre, est une des plus émouvantes, tant par ses lignes d'architecture que par son amé nagement intérieur, où des artistes de la valeur de M. Billotey, artiste peintre et grand prix de Rome ; M. Martin, sculpteur ; M. Barillet, peintre verrier, ont apporté le concours de leurs talents en des oeuvres qui resteront. Mais ce sont des églises dont les lignes modernes sont tempérées par les traditions qu’apporte au maître de l’oeuvre l'utilisatlon de la pierre... et puis, quoique leurs prix soient des plus serrés, elles ont eu tout de même le minimum indispensable... Si l'on devait estimer Tergnier au même coût, on devrait réunir plusieurs millions. Il faut, si l'on veut aboutir, que l'architecte couvre ia plus grande surface possible et ne S’inquiète de l’esthétique que dans les étroites limites de ces ressources. Il faut donc utiliser les matériaux les plus économiques, ciment et briques, et si l'on peut toujours demander des leçons de méthodes au passé, il ne peut être question de lui demander des solutions à un problème qu’il n'a pas posé. M. Monestès se met à l’œuvre et multiplie les études : projets que la tyrannie des crédits comprime... intéressant, mais cher.., toujours trop cher.., et il faut recommencer cent fois. La Coopérative met un terme à ce désir de perfection en préparant l'exécution des travaux. Trouvera-t-on maintenant l'entrepreneur désintéressé et compétent pour ce travail difficile calculé au plus juste : Nous aurons eu tous les bonheurs, M. Livernet l’accepte au meilleur prix avec le désir d’en tirer un bénéfice moins matériel que moral... Et c’est une belle réalisation que l’on a pu admirer dimanche... Vision nouvelle qui surprend l’œil peu accoutumé... mais qui séduit dès que l’on vit quelques instants à son contact... Point de toitures... la voûte en ciment armé en tenant lieu... Un vaisseau grandiose, un chœur où l'immense vitrail établi par M. Barillet sur les cartons de M. Billotey, met une splendide illumination, une exquise chapelle de la Sainte Vierge, bien que les aménagements intérieurs ne soient pas encore terminés, un ensemble religieux et sobre, qui vous émeut d'autant plus qu’on sait de quels sacrifices il est le viable holocauste. Quoique la Coopérative des églises dans cette œuvre si vaste n’ait exercé qu’une action de coordination de tous les dévouements, elle est fière des résultats obtenus dont elle porte la responsabilité. Nous aurions pu craindre que la nouveauté des lignes et des formes trouble les humbles paroissiens, mais on peut affirmer maintenant que jiolre impression n’èst pas seulement celle des « mandarins », puisque, les milliers de fidèles qui assistaient à la magnifique cérémonie de dimanche, et qui comprenaient Parisiens et Ternois, cheminots et ingénieurs, clercs et laïques, ont senti d’un même cœur sa grandeur religieuse et sa simplicité. C’est encore une montagne qu'a soulevée et ordonnée la foi".

La Croix, mercredi 15, jeudi 16 août 1928.