LA CÉRÉMONIE DE VILLERS-BRETQNNEUX

"Sous ce titre, nous lisons dans le Petit progrès de la Somme :

Nos amis de Villers-Bretonneux ont procédé hier à l'inauguration du monument élevé dans le cimetière pour consacrer la mémoire des braves qui, le 27 novembre 1870, ont soutenu une lutte meurtrière contre des forces quatre fois supérieures en nombre et sont morts en héros pour la défense de la République.

Grâce à nos amis, qui avaient été tenus systématiquement à l'écart par M. le curé, qui i voulait accaparer à son profit cette cérémonie patriotique, l'inauguration du monument a été ce qu'elle devait être : les républicains de Villers-Bretonneux et des communes voisines ont su fermer les yeux sur la mesure d'exception prise contre le conseil municipal et la municipalité. Ils ont su réparer dignement 1'"oubli" regrettable dont ils avaient été l'objet, et nous ne saurions trop les féliciter de leur conduite en cette circonstance.

M. le curé de Villers-Bretonneux est monté en chaire et commençait son discours lorsque M. Ernest Dieu, président du conseil municipal, lui fit observer que c'était à son tour de prendre la parole.

Le curé s'est rendu d'assez mauvaise grâce cette réclamation parfaitement fondée, et, du haut de la chaire, l'honorable conseiller général, d'une voix émue qu'écoutait religieusement l'assistance, a prononcé un discours dans lequel les Sentiments de fraternité, de concorde, exprimés dans un langage élevé, répondaient au sentiment général. Aussi, des applaudissements nombreux ont, à diverses reprises, interrompu le représentant autorisé de la patriotique cité de Villers ; et ses dernières paroles ont été accueillies par une longue et puissante acclamation de : Vive la République!

Un psaume a succédé à ce discours qui venait de descendre du haut de la chaire du Dieu de paix et de vérité, et qui, notons-le en passant, était là parfaitement à sa place.

A ce moment s'est produit un incident regrettable, mais dont la responsabilité ne saurait être attribuée qu'au malencontreux organisateur — on pourrait dire désorganisateur — de la cérémonie.

M. Ernest Dieu s'avançait pour déposer une couronne sur le monument, et il avait déjà adressé quelques paroles aux assistants, lorsqu'il fut brusquement interrompu par des chants religieux. M. l'évêque s'avança vers lui et lui fit observer que la cérémonie étant religieuse, il n'avait pas à prendre la parole.

— Cette cérémonie est à la fois religieuse et civile, répliqua M. Ernest Dieu, et je suis délégué ici pour représenter l'administration municipale.

M. le curé avait été, en effet, avisé officiellement dans la journée de la décision de M. le maire, décision d'ailleurs parfaitement régulière et fondée.

Pour éviter tout conflit, l'honorable conseiller général laissa les chantres, le curé et la procession quitter le cimetière en chantant leur psaume, puis il monta dans la chaire et adressa à la foule restée autour de lui quelques paroles dont nous regrettons vivement de ne pouvoir donner qu'une incomplète analyse.

En terminant, il a annoncé que les conseillers municipaux faisaient personnellement don d'une somme de deux cents francs pour être distribuée aux familles pauvres qui ont prélevé sur le nécessaire pour soigner nos blessés avec un désintéressement qu'il serait injuste d'oublier.

De toutes les poitrines sort un cri formidable de : Vive la République ! et la foule s'écoule en commentant les divers incidents de la journée".

Le rappel, édition du 4 août 1878, p. 4.