La disposition des bâtiments formant l'ancienne demeure seigneuriale de Villers-Bretonneux est connue par deux plans du début du 19e siècle : le plan par masse de culture de 1806 et le cadastre napoléonien de 1828 (ill.). L'église paroissiale et le cimetière y sont présents dans la proximité immédiate mais les bâtiments de la demeure seigneuriale ne présentent plus la même disposition.
D'après Ledieu (1911), Palyart d'Aubigny fait restaurer la demeure seigneuriale qui remplace le château au 18e siècle. En 1818, Adrien Obry fait construire un nouveau logis au même emplacement en remployant une partie des matériaux.
Hareux (2007) donne la description faite de la propriété en 1793 lors de la vente des biens nationaux : "maison seigneuriale comprenant diverses salles, chambres, grenier, cave. A l'extérieur une belle grange, étables, cour, jardin. La superficie du terrain est de six journaux". Elle appartenait à Rosalie Lallard, veuve de François Pallyard d'Aubigny.
Les sources conservées aux archives départementales documentent en partie l'histoire du site au cours du 19e siècle.
Les états de section donnent Arsène Obry, marchand de bas, propriétaire d'une usine (E27) et d'une maison (E28). Arsène Obry apparaît dans les listes des électeurs municipaux de 1830 à 1846 et dans les recensements de 1846 et 1851 où il se déclare, propriétaire, filateur et fabricant. Ces recensements de 1846 et 1851 indiquent que son fils Louis Dieu-Obry occupe une maison située rue Neuve (actuelle rue de la République). En 1881, la propriété est habitée par Ernest Dieu député et Félicie Obry filateur (64 ans).
La demeure ne semble pas avoir fait l'objet de transformations importantes. Les cartes postales du début du 20e siècle en donnent quelques représentations partielles, depuis le parc, qui montrent l'importance des aménagements paysagers. Le logis, orienté nord/sud, est construit sur une terrasse surplombant le parc. Simple en profondeur, il présente une façade sur la parc à 11 travées et compte un étage carré et un étage de comble. Des communs en rez-de-chaussée occupent les extrémités est et ouest de la terrasse. Celui de l’ouest comporte un étage de soubassement, depuis lequel on accède directement au niveau du parc. Des communs sont également visibles à l'est du parc : le long bâtiment en rez-de-chaussée, visible sur le cadastre napoléonien, est éclairé par 15 portes et fenêtres. Dans le parc, relié à la terrasse par un escalier d'une dizaine de marches, on peut voir un bassin, des pelouses et des massifs de fleurs
Les matrices des mutations signalent de nombreuses évolutions de l'usine, qui occupait la parcelle E 27. La filature, imposée comme construction neuve en 1835, est agrandie par la veuve d'Arsène Obry en 1863 et en 1866 (filature et magasin). Plus au nord, rue Neuve (actuelle rue de la République), sur la parcelle E 23, Arsène Obry fait reconstruire une maison imposée comme construction neuve en 1838. Sur cette même parcelle, il fait construire une filature en 1854. En 1857, sa veuve fera installer une usine à gaz pour l'éclairage de la filature de laine (5M 81778).
L'ensemble devient ensuite la propriété de la veuve de Louis Dieu-Obry en 1878. L'usine n'est connue par des cartes postales du début du 20e siècle, qui donnent une représentation très partielle de la façade sur la rue de la République. En 1895, l'usine passe sous la raison sociale Edouard Ferrier et fils (successeurs d'Ernest Dieu), puis elle est dirigée par Louis Ferrier, qui demande l'autorisation d'installer deux nouvelles chaudières à vapeur en 1900 (M 96 855). La filature est incendiée en 1901. Le Progrès de la Somme relate la destruction de 14 000 broches, rappelant que la filature emploie alors 200 ouvriers dans l'usine et 300 "qu'occupaient les métiers fournis de fils par l'usine".
Le château et l'ancienne filature sont détruit en 1918. D'après les matrices, Ernest Dieu-Bouchez manufacturier, 2 rue de la République possède une filature (F 27) incendiée en 1915, magasin, maison de concierge et logement (F 23), une maison (F 28), enfin un magasin (F 21).
Les vastes terrains de la propriété sont acquis par la commune en 1925 pour la construction d'un nouvel hôtel de ville et l'aménagement d'un jardin public et d'un terrain de tennis. Le bassin, conservé, est aujourd'hui le seul vestige antérieur à la Première Guerre mondiale.
Chercheur du service de l'Inventaire général du patrimoine culturel de Picardie, puis des Hauts-de-France, depuis 2002.