Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France.
- inventaire topographique, Val-de-Nièvre
- (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Dossier non géolocalisé
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Aires d'étudesGrand Amiénois
LE TERRITOIRE
Un paysage entre vallée et plateau
Le Val de Nièvre s'étend en majorité sur le plateau crayeux du Ponthieu, à mi-chemin entre Amiens et Abbeville. Le plateau forme une étendue au relief assez souple dont le paysage varié, essentiellement constitué de grandes surfaces cultivées, est animé de bocages et de bosquets. La Nièvre prend sa source à Naours et suit une courbe est-ouest de 23 kilomètres. Elle est rejointe par le ruisseau de la Fieffes à Canaples, puis par celui de la Domart à Berteaucourt-les-Dames. Elle se jette dans la Somme à L’Étoile. Ce réseau hydrographique est bien visible sur la carte de Cassini de 1757.
Comme toutes les vallées affluentes de la Somme, celle de la Nièvre est bordée de versants dissymétriques. Les pentes les plus abruptes, où affleure le calcaire, sont parfois encore couvertes de larris, végétation rase aujourd'hui le plus souvent envahie de boisements. Les versants les plus doux sont cultivés ou aménagés pour les réseaux de circulation. Sur ces terrains en dénivelé, les champs sont souvent bordés par des rideaux, étagements de taluts raides couverts de végétation, qui sont l'héritage d'un parcellaire ancien. Les vallons adjacents forment autant d'accès vers le plateau, comme le Fond du Bois-Riquier à Ville-le-Marclet, la vallée de la Domart entre Saint-Léger-lès-Domart et Domart-en-Ponthieu, la Vallée Candas à Pernois, ou la vallée de Belval à Canaples. Par ailleurs, dans la moitié basse du bassin de la rivière (Saint-Ouen, Bettencourt-Saint-Ouen, Flixecourt, L’Étoile), le fond de vallée est très large et relativement plat. Le fond de vallée humide a longtemps été exploité en tourbières et utilisé comme prairies et marais communaux (appelés bassures), avant d'être drainé et asséché à partir du 18e siècle. Au cours du 20e siècle, les prairies naturelles ont peu à peu laissé place à des peupleraies, mais certaines prairies riveraines conservent localement un caractère bocager.
Les plateaux crayeux et fertiles sont occupés par les vastes cultures céréalières, ainsi que par les massifs forestiers de Ribeaucourt et de Martaineville au nord, et de Vignacourt au sud.
Deux formes d'agglomérations
Ces caractères géographiques ont conditionné l'implantation des zones d'habitat. Les villages de vallée, établis à mi-pente sur les versants protégés des fonds marécageux et inondables, adoptent le plus souvent la structure allongée du village-rue le long d'une voie principale qui les relie entre eux. Cette morphologie a favorisé à la fin du 19e siècle la conurbation des communes industrialisées le long de la Nièvre. Deux villages font exception, Saint-Ouen et Flixecourt, initialement développés le long de deux axes perpendiculaires à la vallée mais parallèles à la Somme, qui constituaient des voies de grande communication d'Amiens à Boulogne : respectivement l'ancienne chaussée Brunehaut et l'ancienne route royale.
La vallée de la Nièvre et ses vallées affluentes réunissent une population de 15 000 personnes en 2007, soit une densité de 80 habitants au km². Deux unités urbaines se déploient dans la vallée : celle de Flixecourt (Flixecourt et Ville-le-Marclet), qui compte 3 623 habitants ; et celle de Saint-Léger-lès-Domart (Saint-Ouen, Saint-Léger-lès-Domart, Berteaucourt-les-Dames, Pernois, Halloy-lès-Pernois et Canaples), qui compte 6 754 habitants. Toutefois, les communes industrialisées formant le bassin de la Nièvre sont les plus densément peuplées, et le bâti est plus lâche entre Pernois, Halloy-lès-Pernois et Canaples.
Reliés entre eux par un maillage de routes assez régulier, les villages de plateau (Fransu, Havernas, Ribeaucourt, Surcamps) ont souvent une configuration plus massée, qui est également celle de certains villages de vallon. Marqués par l'agriculture céréalière, ils formaient souvent à l'origine des villages-bosquets entourés de courtils, de haies bocagères et de vergers. Certains villages-rues, comme Fransu, Ribeaucourt ou Vignacourt, sont structurés autour d'une artère principale qui s'élargit au milieu de l'agglomération pour former un usoir, espace public où étaient souvent situées les mares, mais qui était utilisé également par les habitations riveraines. Ces villages ont conservé pour certains leur mare (ou son emplacement) et leurs alignements de granges et de portes charretières sur la rue.
Dans l'ensemble de l'aire d'étude, le bâti est relativement groupé et forme peu d'écarts ou d'habitat isolé. Le développement des villages depuis le milieu du 19e siècle a progressivement intégré la plupart de ces entités périphériques situées sur les axes de communication, même si certains hameaux subsistent en milieu rural (la Tuilerie à Bettencourt-Saint-Ouen, le Soudet à Pernois, Barlette à Ribeaucourt). Les seuls édifices isolés observés sont les trois anciennes fermes ecclésiastiques de Pernois (Bélettre) et de Ville-le-Marclet (Bois-Riquier et Rèderie), ainsi que le manoir de Houdencourt à Fransu, seul vestige d'un hameau déserté à partir de la seconde moitié du 19e siècle.
Bien que situés également sur le plateau, les deux bourgs anciens (non étudiés) de l'aire d'étude adoptent une physionomie différente, façonnée en partie par la R.D. 12 qui les relie à Amiens et à Saint-Riquier. Domart-en-Ponthieu (1 163 habitants) s'est formé au pied de la bute naturelle sur laquelle ont été érigés l'église et le château, les routes qui le traversent ayant favorisé le développement de ce bourg marchand autour de sa place centrale. Vignacourt (2 232 habitants) a surtout pris de l'importance dans la seconde moitié du 19e siècle grâce au développement des voies de communication (route, voie ferrée), qui lui ont donné la forme d'un long village-rue.
Une double identité
À l'image de la Picardie, le Val de Nièvre présente depuis le milieu du 19e siècle un double visage rural et industriel, que reflète la typologie du bâti.
Les villages ou bourgs ruraux ont conservé la plupart du temps leur structure et leur bâti traditionnels liés à une économie agricole. Ce dernier est majoritairement en pan de bois et torchis, avec murs-pignons et solins de brique. Les progrès de l'agriculture dans la seconde moitié du 19e siècle ont profondément influé sur la typologie et les formes du bâti. La brique devient prédominante dans l'habitat, la tuile plate (panne) et l'ardoise des Ardennes remplacent le chaume, jusqu'alors prépondérant. La mécanisation, le remaniement du parcellaire et la concentration des exploitations après la Seconde Guerre mondiale ont bouleversé en profondeur la structure agraire. Le remembrement s'est intensifié à partir de 1993 à la faveur du tracé de l'autoroute. Traditionnellement tournées vers la polyculture et l'élevage, les exploitations agricoles s'étendent sur une superficie moyenne de 50 hectares, et emploient une main d’œuvre essentiellement familiale. Depuis environ 2000, la population des communes rurales stagne ou présente un solde légèrement positif, ce que reflète le nombre total de logements recensés. Cette situation trahit un phénomène préoccupant de recul de l'habitat ancien, que la construction de maisons neuves, de type pavillonnaire, peine à compenser. De fait, dans la plupart de ces communes, moins de 50 % des résidences principales sont antérieures à 1949, proportion qui a encore tendance à diminuer.
Les communes abritant les activités Saint Frères ont été complètement remodelées par l'industrie. Les agglomérations se sont constituées non seulement autour des sites de production, mais également des espaces d'habitat, cités ouvrières et logis patronaux, et des infrastructures sociales réalisées par l'entreprise. Ces ensembles considérables, qui montrent comment la famille Saint a réorganisé, voire restructuré l'espace dans la vallée, en y créant un nouveau réseau de communication qui s'est substitué au réseau viaire initial. Cette extension a parfois intégré des hameaux dépendant des communes voisines, comme ceux du Marclet (Ville-le-Marclet) et d'Harondel (Berteaucourt-les-Dames), qui se sont développés dans la continuité de Saint-Ouen et de Saint-Léger-lès-Domart. À Saint-Ouen, l'extension déborde sur les communes voisines de Saint-Léger-lès-Domart (cité Saint-Jean) et de Bettencourt-Saint-Ouen (segments de rues et de maisons, abattoir municipal).
Le tracé de l'autoroute A16, à partir de 1993, a permis le développement d'une zone d'activité sur le point d'échange de Flixecourt. En outre, comme la région Picardie dans son ensemble, la Communauté de communes du Val de Nièvre et environs s'est récemment tournée vers un nouveau domaine d'activité, avec la création d'une zone de développement de l'éolien (ZDE) par arrêté préfectoral du 14 avril 2008. En juin 2010, la Compagnie du vent (filiale du groupe GDF-Suez) a mis en service le parc éolien du Miroir, sur le plateau de Domart-en-Ponthieu et de Saint-Léger-lès-Domart. Cet ensemble de huit éoliennes, alignées le long de la chaussée Brunehaut, vient ainsi modifier durablement la physionomie et la vocation de ce paysage traditionnellement agricole.
HISTORIQUE
Les traces d'une riche histoire
Dès l'Antiquité, l'activité humaine a investi les vastes et riches espaces des plateaux et de la vallée de la Somme. L'archéologie aérienne récente a révélé de nombreux enclos circulaires correspondant à des tumulus arasés de l'âge du bronze et du premier âge du fer (Domart-en-Ponthieu, Surcamps, Ville-le-Marclet). L'oppidum de L'Étoile, dit camp de César, est quant à lui le plus important témoignages de l'âge du bronze en Picardie. Par la suite, l'occupation romaine a laissé des vestiges (Bouchon, Ribeaucourt), notamment de grandes villae (Domart-en-Ponthieu, Fransu, Havernas, L’Étoile, Vauchelles-lès-Domart) ou encore le tracé de l'ancienne voie d'Amiens à Boulogne (actuelle chaussée Brunehaut), qui traverse le bois de Vignacourt et le village de Saint-Ouen, et qui marque la limite communale de Surcamps.
À partir du Haut Moyen Âge, la vallée de la Nièvre forme la frontière méridionale du comté de Ponthieu. Les mottes castrales, qui commandent la vallée entre le 10e et le 12e siècle (Canaples, Halloy-lès-Pernois, Flixecourt), laissent place aux siècles suivants aux premiers châteaux fortifiés, aujourd'hui détruits, dont le manoir des évêques d'Amiens à Pernois, ou les châteaux de Saint-Ouen et de Bettencourt-Saint-Ouen. À partir du 11e et surtout du 12e siècle, l'espace religieux est ponctué par la fondation des premières églises paroissiales ainsi que d'établissements monastiques comme l'abbaye bénédictine de Berteaucourt-les-Dames ou le prieuré de Belval à Canaples, tandis qu'Aléaume d'Amiens, seigneur de Flixecourt, fonde les prieurés de Flixecourt et de Moreaucourt (L’Étoile). Un hôtel-Dieu et une maladrerie sont fondés à Flixecourt en 1205. La structure communale se met en place, les sites d'implantation des villages et le parcellaire se fixent entre le 11e et le 13e siècle. Possession des comtes de Ponthieu, l'importante châtellenie de Domart comprend également les terres de Bernaville et de Berneuil. À la fin du 11e siècle, elle passe par alliance à la prestigieuse famille de Saint-Valery, qui détient la seigneurie de Beaumetz avec la forêt de Goyaval, la terre de Bourdon et le fief d'Harondel à Berteaucourt-les-Dames. Domart, érigée en pairie en 1407 puis qualifiée de baronnie, comprend notamment dans sa mouvance les seigneuries de Franqueville, Fransu, Houdencourt, Ribeaucourt et Vauchelles. À Pernois, une seigneurie dépendant des évêques d'Amiens s'organise peu à peu autour d'un ancien prieuré rattaché aux biens du diocèse.
La région connait des périodes d'insécurité aux 16e et 17e siècles, liées aux guerres de Religion et à la guerre de Trente Ans. Convertie comme d'autres au protestantisme, la famille de Saint-Delis accueille à partir de 1569 un lieu de culte réformé dans son château d'Havernas, mais est contrainte d'émigrer en 1688 après la révocation de l'édit de Nantes. Le Ponthieu est ravagé par les armées espagnoles en 1635 et 1636 (siège de Corbie). Cette époque troublée aurait eu pour conséquence la disparition de nombreux hameaux et fermes isolées, désertés par leurs habitants pour le refuge plus sûr des villages et des bourgs, ainsi que l'aménagement de muches, réseaux de carrières souterraines destinés à abriter des pillages les récoltes, le bétail et accessoirement la population (Franqueville, Fransu, Vauchelles-lès-Domart). Durant ces périls, les religieuses de Moreaucourt abandonnent leur prieuré pour se réfugier à Amiens.
Le retour à la paix à la fin du 17e et au 18e siècle est propice aux aménagements que l'on retrouve sur la carte de Cassini de 1757 : routes, moulins, châteaux, jardins et parcs de chasse. De nombreux châteaux de plaisance en brique et pierre, caractéristiques de la région (Fransu, Ribeaucourt, Saint-Léger-lès-Domart, Vauchelles-lès-Domart, Ville-le-Marclet), traduisent une nouvelle manière d'habiter ses terres, peut-être introduite par une noblesse d'origine citadine.
Le tracé de l'ancienne route royale d'Amiens à Boulogne à partir de 1765, modifié dans la traverse de Flixecourt, favorise l'installation d'un peignage de laine au début du 19e siècle. Cette période correspond à l'arrivée dans la vallée de la Nièvre de négociants amiénois qui acquièrent des moulins pour y installer les premières manufactures textiles. La prospérité des villages ruraux, dynamisés dans la seconde moitié du 19e siècle par les progrès de l'agriculture et des communications (routes, chemin de fer), n'empêche pas un important exode de population vers les centres industriels de la vallée. C'est à cette époque que la plupart d'entre eux adoptent leur aspect actuel, parfois organisés autour de la place centrale ou de l'usoir. Dans ce climat favorable, les communes font élever de nouveaux équipements, écoles et salles de mairie. Plusieurs églises sont réédifiées (Bettencourt-Saint-Ouen, Halloy-lès-Pernois, Havernas, Saint-Ouen, Vauchelles-lès-Domart, Ville-le-Marclet) et parfois déplacées vers le centre du village (Saint-Léger-lès-Domart). Des châteaux ou grandes demeures (Havernas, Flixecourt, Canaples) sont construits ou reconstruits, perpétuant la tradition de brique et pierre dont s'inspirent également les « châteaux industriels » de la famille Saint (Flixecourt, Ville-le-Marclet).
La région est occupée par les troupes prussiennes de décembre 1870 à juillet 1871. Durant la Première Guerre mondiale, la vallée de la Nièvre accueille les troupes françaises et alliées en cantonnement. Le trafic ferroviaire, qui assure l'acheminement et le ravitaillement des troupes et le transport de matériel, amène à Canaples une certaine activité au cours des hostilités. Les troupes britanniques, notamment, sont cantonnées à Halloy-lès-Pernois. Les voies ferrées sont bombardées par l'aviation allemande19 et 20 juillet 1918. Les cimetières militaires de Halloy-lès-Pernois et de Vignacourt témoignent toujours des blessures du conflit.
L’entre-deux-guerres est timidement et ponctuellement marqué par l’évolution du paysage rural et industriel. L’entreprise Saint Frères, qui a participé à l’effort de guerre, poursuit la modernisation de ses usines et de ses équipements sociaux. Les communes industrialisées concernées, comme Saint-Léger-lès-Domart, se dotent de nouveaux équipements publics. Dans les communes rurales, il faut souligner parmi les initiatives isolées l’action de Gérard de Berny (1880-1957), qui maintient à sa façon la tradition du mécénat d’Ancien Régime. Héritier d’une riche famille de négociants, il réunit dans son hôtel amiénois (ancien hôtel des trésoriers de France, actuel musée de l’hôtel de Berny) une riche collection de livres, d’œuvres et d’objets d’art. À Ribeaucourt, il entretient et embellit le château familial ainsi que le vaste domaine agricole et forestier. Il commande aux fameux architectes et décorateurs amiénois Pierre Ansart et son fils Gérard les dessins d’un enclos autour de la chapelle funéraire familiale attenante à l’église paroissiale. Dans ce même village, sa belle-sœur, née Adrienne de Morgan, fait appel à l’architecte Louis Quételart pour édifier une villa qui représente, avec le nouveau « château » de Robert Saint à Ville-le-Marclet, une ambitieuse incursion de l’architecture de la villégiature dans le Val de Nièvre.
Durant la Seconde Guerre mondiale, le bois de Ribeaucourt abrite des rampes de lancement de missiles V1, tandis que le château est occupé par l'armée allemande. Les bombardements américains des 5 et 7 juillet 1944 causent d'importants dommages au village et au bois. Les voies ferrées de Canaples sont bombardées par l'aviation alliée les 26 et 31 juillet 1944. Le centre du village a été pilonné par l'aviation allemande le 18 mai 1940, provoquant la destruction d'une trentaine d'habitations et d'importants dommages aux bâtiments publics. Le 24 juin 1944, un bombardier Lancaster de la Royal Air force, touché par la mitraille de la défense antiaérienne ennemie, s'écrase au lieudit les Ecléfauts, entre Fransu et Ribeaucourt.
L’après-guerre se traduit, ici comme ailleurs, par de nouvelles constructions publiques et privées où triomphe le style sobre et efficace de la période, comme dans les mairies et écoles de Pernois et de Ribeaucourt.
De la tradition textile à la Révolution industrielle (cf. annexe 1)
Le Val de Nièvre s'est spécialisé dès la fin du Moyen Age dans le traitement des fibres de lin puis de l'écorce de chanvre. La vallée à fond plat et marécageux a en effet longtemps favorisé la culture et le rouissage de ces deux plantes ligneuses. Jusqu'au milieu du 19e siècle, de nombreux villages de vallée comme de plateau conservent une activité de teillage, de filage et de tissage du lin et du chanvre, à domicile ou dans de petits ateliers (Beauval, Canaples, Domart-en-Ponthieu, Havernas, Pernois, Saint-Ouen). En outre, de nombreux moulins à blé ou à huile sont attestés sur la Nièvre sous l'Ancien Régime, entre Canaples et L'Etoile. Certaines de ces installations proto-industrielles, parmi les plus importantes (Saint-Ouen, Harondel à Berteaucourt-les-Dames, les Moulins-Bleus à L'Étoile), sont en partie dédiées au textile dans le deuxième quart du 19e siècle, avant d'être investies par Saint Frères dans la seconde moitié de ce même siècle. Ces activités bénéficient également des facilités de communication de la route royale d'Amiens à Calais (actuelle R.N. 1).
En 1814, les frères Pierre-François, Jean-Baptiste Amable et Pierre-François Saint, tisserands, fondent à Beauval une manufacture de toiles d'emballage en fils d'étoupe et déchets de chanvre et de lin. Rapidement, ils sous-traitent une grande partie de leur production aux nombreux teilleurs, fileurs et tisserands qui maintiennent autour de la vallée de la Nièvre cet artisanat séculaire. À la même époque, l'industrie textile proprement dite fait son apparition dans la vallée de la Nièvre avec la création de filatures aux Moulins-Bleus (1822), à Flixecourt et à Saint-Ouen (années 1830), puis à Harondel (1853). L'aménagement du canal de la Somme, achevé en 1843, puis le tracé de la ligne ferroviaire d'Amiens à Calais en 1847, créent les infrastructures nécessaires au développement de la région.
À partir de 1845, les frères Saint lancent la fabrication de toiles et de sacs en jute. Cette plante ligneuse, originaire de Bengale, s'avère particulièrement adaptée à la très forte demande de toiles et de sacs d'emballage, indispensables au développement considérable des échanges économiques mondiaux. Cette nouvelle fibre a été introduite avec succès en 1843 dans l'industrie textile française par les manufactures Dickson à Dunkerque (Nord) et Carmichaël à Ailly-sur-Somme (Somme). Le département de la Somme, et la vallée de la Nièvre en particulier, présentent de sérieux avantages (situation géographique, réseau ferroviaire, main d'oeuvre qualifiée) pour l'implantation d'usines de jute.
L'empire textile Saint Frères
Après avoir mis au point à partir de 1855 un procédé de tissage mécanique du jute, la famille Saint acquiert en 1857 l'ancien peignage de laine de Flixecourt, qui devient alors la première manufacture française spécialisée dans le tissage mécanique du jute. Cette innovation assure le succès immédiat de l'entreprise, qui marque à la fois le début de l'empire industriel Saint Frères et l'expansion de la vallée de la Nièvre, dont la population double en trente ans. Le développement de la vallée est structuré par le tracé de la R.D. 57, qui devient l'axe de circulation principal, doublé à partir de 1874 par la ligne ferroviaire de Longpré-les-Corps-Saints à Canaples. L'ensemble industriel se déploie dans un premier temps dans la vallée de la Nièvre, autour des usines de Flixecourt, Harondel (Berteaucourt-les-Dames, 1861) et Saint-Ouen (1864). Les raisons qui président au choix des sites d'implantation sont l'existence préalable d'une installation industrielle liée entièrement ou partiellement au textile, et d'espace disponible pour le développement de l'activité et des axes de communication.
Les sites de production, reliés par une ligne ferroviaire particulière à partir de 1868, sont complétés de logements (cités ouvrières, demeures patronales) et d'équipements au service des ouvriers et de leur famille. Ces conditions de vie et de travail permettent aux nombreux ouvriers à domicile employés par les Saint depuis près d'un demi-siècle, mais également à une population issue du monde agricole, de venir grossir les effectifs des usines de Flixecourt, Saint-Ouen et Harondel à partir des années 1870.
Dans un deuxième temps, l'industrie Saint Frères s'étend en aval de la vallée de la Somme, aux Moulins-Bleus (L’Étoile, 1883), à Pont-Remy (1886), Abbeville (1896), Condé-Folie (1910) et Longpré-les-Corps-Saints (1911), autant de sites bien desservis par la grande ligne ferroviaire Paris-Boulogne et le canal de la Somme. Le maillage s'étend également avec la construction d'usines à Beauval (1896), le berceau familial, et à Doullens (1902).
Durant plus d'un siècle, l'activité industrielle a été à l'origine d'importantes évolutions techniques, économiques et sociales dans le bassin de la Nièvre. Elle a surtout contribué à façonner ce territoire essentiellement rural, non seulement à une échelle locale, mais aussi dans un environnement plus large. Premier employeur de la vallée de la Nièvre et de ses environs, Saint Frères a également été le plus gros consommateur des ressources agricoles locales. C'est pourquoi la plupart des communes, même parmi les plus éloignées des sites de production, se sont inscrites dans ce mouvement, tant par l'apport de savoir-faire ou de main d’œuvre que de produits agricoles. De plus, si l'ensemble de ce territoire n'a pas été directement concerné par l'industrialisation, il a toutefois connu un réel développement à partir du milieu du 19e siècle, grâce aux progrès généraux de l'agriculture et des moyens de communication.
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Sites de protectionzone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique
- (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
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- (c) Ville d'Abbeville
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- (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Bibliographie
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DUTHOIT, Aimé et Louis. Quelques cantons de Picardie. Amiens : CRDP, 1979.
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BACQUET, Gérard. Le Ponthieu. Auxi-le-Château : Gérard Bacquet, 1992.
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BOUTHORS, Jean-Louis Alexandre. Cryptes de Picardie. Mémoires de la Société des antiquaires de Picardie, 1838, t. I.
p. 287-488 -
[Exposition. Amiens, Archives départementales. 1992]. Cent fois sur le métier... Le textile dans la Somme de la Révolution à la guerre de 1914 : exposition présentée à Amiens centre culturel de la Somme, du 15 mai au 28 juin 1992). Réd. Anne-Marie Couvret, Xavier Lochmann, A. Trogneux. Amiens : Centre culturel de la Somme, 1992.
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SOCIETE DES ANTIQUAIRES DE PICARDIE. Dictionnaire historique et archéologique de la Picardie, tome III : Arrondissement d'Amiens, cantons d'Oisemont, Picquigny, Poix et Villers-Bocage. Amiens : Société des antiquaires de Picardie, 1919. Réed. Bruxelles : Editions culture et civilisation, 1979.
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GROUE, Lucien. Aux sources de la Nièvre en Picardie. Abbeville : F. Paillart, 2000.
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LE BOUEDEC, Bertrand, IZEMBART, Hélène. Atlas des paysages de la Somme. Amiens : DIREN de Picardie, 2007. 2 volumes.
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LEFEBVRE, François. Saint Frères. Un siècle de textile en Picardie. Amiens : Encrage, 2002.
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La Picardie historique et monumentale. Tome I : Arrondissement d'Amiens, volume n° 5 : canton de Picquigny. Tome V : Arrondissement de Doullens, volume n° 2 : canton de Domart-en-Ponthieu. Amiens : Yvert et Tellier / Paris : Auguste Picard, 1893 et 1913.
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INVENTAIRE GENERAL DU PATRIMOINE CULTUREL. Région PICARDIE. Le Val de Nièvre, un territoire à l'épreuve de l'industrie. Réd. Frédéric Fournis, Bertrand Fournier, et al. ; photogr. Marie-Laure Monnehay-Vulliet, Thierry Lefébure. Lyon : Lieux Dits, 2013. (Images du patrimoine ; 278).
Documents figurés
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Carte de Cassini. N°23 : Dieppe, gravure à l'eau-forte, Le Roy le Jeune géographe, 1757.
Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France.
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