Dufételle mentionne cette ferme dans sa monographie (1907) : il semblerait qu'elle ait porté le nom de "Petit-Châteauneuf" avant son nom actuel, le "Trou-à-Mouches" ; cette dernière dénomination s'expliquerait par la présence "d'un trou dont la terre a servi à réparer la digue voisine en 1737". Il indique encore que le Châteauneuf, dont est extrait le Trou-à-Mouches, était l'ancien fief Croüy-Boulainvilliers, qui est "don du roi au comte Henri de Boulainvilliers, en 1716, renclos par une digue, en 1737, tire son nom de M. de Châteauneuf qui en fut le premier locataire".
D'après Prarond, le marquis de Boulainvilliers, étant toujours propriétaire de ce domaine en 1738, obtint du roi, vers cette date, "la concession d'une renclôture du côté de l'Authie. On assura alors que ce ne fut que par la suite des travaux exécutés pour cette renclôture que le pays fut exposé aux inondations, inconnues jusqu'en ce temps".
En 1787, "M. Guerrier de Lormoy, ancien écuyer du Roi, capitaine du comte d'Artois" devint propriétaire d'au moins une partie du domaine de Château-Neuf, selon Rodière.
Vendu en plusieurs lots sous la Révolution, Dufételle explique que "le citoyen Lefèvre de la Houplière acquit la partie centrale qui continua de porter le nom de Châteauneuf, et qui plus tard fût divisée en trois fermes : celle de M. Charles de la Houplière que possède et habite à présent M. Elluin-Jacquet ; celle de M. Vincent de la Houplière qui est devenue la propriété de M. Destrée ; et enfin celle de M. Victor de la Houplière, dont le fermier actuel est M. Blin Paul, qui eut pour prédécesseurs MM. Devisme-Bouly et Tétu-Lens ».
Un document extrait du fonds privé de Delgorgue (A.D. 80 : 24 J 10) indique l´histoire de cette construction, appelée le Petit Châteauneuf, à la fin du 18e siècle. En effet, la ferme appartenait primitivement à un propriétaire nommé Clochepin et était située sur le territoire de Vron. Elle fut rachetée par Delgorgue et Cospin en 1797, tous deux résidant à Abbeville, et transportée à leur frais à son emplacement actuel. Elle fut donc reconstruite en partie à neuf (la grange au sud dont la charpente est en chêne et la bergerie et le hangar au nord) et en partie avec les matériaux de remploi, selon des proportions parfois différentes (les étables à l´est), entre 1797 et 1798. Le plan qui complète les écrits indique les fonctions de chaque bâtiment de la ferme primitive : à l´ouest se situe le logement du fermier, divisé du nord au sud par deux cabinets (chambres) dans la largeur de la construction, deux salles chacune pourvue d´une cheminée, encore deux cabinets, une écurie et enfin une partie à usage de magasin. Le côté sud de la cour est occupé par les granges : à l´ouest, la grange à blé, à l´est celle à avoine. A l´est de l´espace intérieur se situent les étables, du sud au nord : les étables à vaches, le poulailler et les étables à porcs. Le document parle également d´une forge et d´un moulin. La ferme fut ensuite louée à un fermier locataire, Lefèvre la Houplière : il s'agit donc d'une métairie.
Cette exploitation agricole figure sur le cadastre de 1828 (alors sur le territoire de Quend : la ferme appartient aujourd´hui au territoire de Fort-Mahon depuis sa création le 30 décembre 1922).
Dufételle ajoute (en 1907) que "c'était, il y a peu de temps encore, la plus grande exploitation agricole, mais des ventes partielles l'ont considérablement amoindrie". D'après la propriétaire, l´exploitation disposait d´une superficie de 100 hectares de terre sur Fort-Mahon. Il semble qu´elle ait été gérée par de nombreux exploitants successifs. L´auteur explique la vocation herbagère de la ferme par la chute démographique du lieu-dit : "Cette diminution eut pour cause la mise en herbages des fermes du Châteauneuf et du Trou-à-Mouches. Les ouvriers manquant de travail émigrèrent dans les centres industriels". A l´origine, le logis était moins étendu et laissait place, jouxtant les porcheries à l´ouest, à une cidrerie et à un four à pain (d´après un renseignement aimablement communiqué par la propriétaire). Il est possible aussi que l´extrémité orientale ait pu également être occupée par des bâtiments à vocation agricole : l´élévation est, comme celle des porcheries, un peu plus basse que le logis, et les portes cintrées semblent plutôt être celles d´étables. D'après une ancienne employée, un manège à moudre était situé dans la pâture, au niveau des étables à cochons.
Auparavant, la salle commune des ouvriers agricoles était recouverte d´un sol en terre battue. Une famille logeait dans cette habitation réservée aux employés, et deux autres familles dans celle flanquant l'entrée orientale. Certains étaient employés permanents, mais des saisonniers (des environs ou des Espagnols) étaient appelés pour la moisson et la saison des betteraves.
L'exploitation a fait l´objet d´une étude en 1945 dans le journal de voyage de l´architecte Bertier, auteur des monographies du chantier 1425 (ATP, Fonds Maget). L'auteur indique que l´exploitation était "désaffectée depuis l´occupation allemande : on y faisait auparavant un élevage intensif. Il ne reste plus qu´une centaine de bêtes dont s´occupe un ménager habitant à la porte de la ferme et un jeune garçon de ferme. Les bâtiments sont isolés de leurs voisins à chaque extrémité de la cour, c´est ainsi qu´on a pu sauver les trois quarts de la ferme lors de l´incendie récent d´une partie des étables et granges. Le logis est en torchis soigneusement traité et le reste des bâtiments en briques. L´ensemble des pâtures (ruinées à l´heure actuelle) côtoient la ferme". Le logis, aujourd´hui en brique, a donc été reconstruit au milieu du 20e siècle.
Un sceau (dont les initiales indiquent R N) avec fleur de lys a été découvert par le père de la propriétaire actuelle dans la mare de la ferme, peut-être celui d'un échevin ou mayeur du Marquenterre.