La seigneurie de Pinchefalise appartient, en 1418, à Jean de Pinchefalise qui sert au Crotoy sous les ordres de Jacques d'Harcourt.
D'après le propriétaire, cette demeure appartenait à la famille Delegorgue-Ribeaucourt depuis 1718. Il s'agissait primitivement d'un rendez-vous de chasse. Mais la construction d'origine semble avoir été édifiée par Antoine de Saint-Blimond ou un de ses fils. Le château subit de multiples campagnes de restauration et de transformation.
La partie principale est datée par fers d'ancrage de 1610. Celle de droite, de style Louis Philippe, a été construite, toujours selon le propriétaire, entre 1832 et 1834. La partie occidentale a été ajoutée à la fin du 20e siècle. Derrière le château, le bois n´existait pas au 19e siècle : il s´agissait de joncs marins dans lesquels les moutons se réfugiaient au moment de la marée haute.
Datée du 21 août 1826 (A.D. Somme : 24 J 12), une convention stipulant la construction à Pinchefalise d´un bâtiment à l´emplacement du château propose sa description (il s'agit en fait de la ferme, contenant une cidrerie, que l'on voit encore aujourd'hui au nord de la propriété) : "faisant partie de la cour, bâtiment de 152 pieds de long, composé d´un pressoir, avec cellier, de deux écuries, le même nombre de fenêtres en façade qu´à l´arrière. Les lucarnes pour y mettre le fourrage seront fermées à clé. Le côté situé au levant est composé d´une maison pour une concierge divisé en trois appartements, deux chambres, une cuisine. Les solins du bâtiment seront en cailloux. Les portes seront peintes à l´huile, couleur vert bouteille, faites en sapin. Ils seront couverts avec les anciennes tuiles de la maison. Le colombier en bois à huit pans est couvert en ardoise. Sous le colombier, il y a une cabine en bois pour ranger les outils de jardin, fermée à clé. Une mare, du même côté que le colombier, sera maçonnée en brique et ciment, avec un petit mur d´appui. La cour sera isolée de la rue par une petite barrière qui se continuera après les bâtiments. La muraille des barrières sera en brique. Une cave sera présente. Le principal corps de logis sera changé, le salon sera diminué, la cheminée aussi. Le corridor, le fournil et le pignon du bout seront refaits à neuf, à la même hauteur que le bâtiment de la salle à manger. Le tout sera de plain pied. Il sera construit dans le fournil un four qui donnera sur le jardin du côté des noisetiers". La présence du pigeonnier permettait un complément de salaire non négligeable puisque les pigeons étaient vendus au marché de Saint-Valery le dimanche. La base de données Mérimée (recensement des jardins par le Ministère de la Culture) indique que le jardin d'agrément du château fut constitué par un maître d'oeuvre inconnu. Adrien Huguet indique dans son article que la manufacture de toiles peintes de Pinchefalise fut créée par Jean-Jacques Wulfran Delegorgue, seigneur de Pinchefalise, conseiller du roi. Nous ignorons si cette fabrique était située exactement sur la propriété du château mais l'article en donne une description complète.
En 1762, l'installation comprend le moulin, les outils de travail et les chaudières. Un procès-verbal de Saint Paul, qui inspecte la manufacture à la même époque, constate la présence de douze métiers battant : huit en mousseline et quatre en garas. La politique de Colbert, qui veillait à ne pas nécessiter de nouvelles importations, amena la venue à Abbeville de la famille Van Robais ; à ce moment là, les manufactures picardes étaient florissantes.
Ce dernier écrit le 28 mars 1762 à Saint-Paul : "Je ne me suis pas trompé, Monsieur, dans l'espoir que je fondais sur ce projet d'établissement, lorsque j'eus l'honneur de vous envoyer mon mémoire à ce sujet, du 12 mars 1761. Je dois même dire que les effets ont surpassé mon attente, et je ne doute nullement que cette manufacture deviendra un jour très florissante." En 1768, lors de son inventaire des industries cotonnières, l'intendant ne recense plus dans la province "qu'une manufacture de toiles que le sieur Delegorgue entretient au hameau de Pinchefalise". La manufacture de toiles peintes et de mousseline connait une grande prospérité jusqu'à la fin du 18e siècle. Dans les villages voisins, près de 250 ouvrières filent à domicile la matière première nécessaire à alimenter les douze métiers battants. Toute la famille Delegorgue était occupée à la fabrique : les trois fils, l´épouse et les deux filles. Nous ignorons pourtant quand l´industrie périclita.
Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France.