Origine du domaine agricole
L’implantation d’un domaine agricole à Grandmesnil pourrait remonter à l’époque gallo-romaine (villa ?) ou au Haut Moyen-Âge. Des fouilles archéologiques dans les environs ont en effet révélé des vestiges de cette époque. Comme l’indique Robert Fossier (1968), les noms de lieux en "mesnil" sont nombreux à émerger dès les 8e et 9e siècles. D’après Émile Lambert (1982), la première occurrence connue de "Granmesnil" remonte toutefois aux années 1120 (cartulaire de l’abbaye de Saint-Germer).
Une ferme importante est donc déjà bien structurée lorsqu’en 1142 Odon de Grandmesnil, chevalier, cède ce domaine à l’abbaye cistercienne de Froidmont. P. de Baynast (2009) indique que le domaine s’agrandit ensuite grâce à de nombreux dons successifs (surtout en terres et en bois) des seigneurs locaux (ceux de Mouy, Le Quesnel, Wawignies, Bucamp ou Campremy). Pierrette Bonnet-Laborderie rapporte que dans son Introduction à l’histoire de Picardie (1856), Don Grenier signale qu'en 1256 le domaine agricole est doté de 23 chevaux, 5 poulains, 37 vaches, 3 veaux, 680 brebis, 214 agneaux et 180 porcs.
Architecture cistercienne
L’élément le plus remarquable est l’imposante grange en pierre (inscrite Monument historique, PA00114562) probablement construite dans le premier quart du 13e siècle (d’après le dossier de protection de la DRAC). Elle était soutenue par d’imposants piliers surmontés d’arcades à arc brisé. Le vaisseau central était complété par deux collatéraux qui accompagnaient la pente prononcée de la toiture. Des contreforts en pierre extérieurs épaulaient l’ensemble. Des analyses dendrochronologiques en 2022 ont permis de dater la majeure partie de la charpente du premier quart du 16e siècle. Cette période pourrait correspondre à une importante campagne de travaux sur le site avec notamment la construction de la chapelle. Le style de ses poutres sablières semble en effet caractéristique du début du 16e siècle. D’après Pierrette Bonnet-Laborderie (op. cit.), elle abritait encore une statue de la Vierge en bois polychrome dans les années 1980. Elle est restaurée dans les années 1990.
Certaines parties des murs de clôture ou encore le puits de la ferme côté sud pourraient avoir une origine médiévale.
Enfin, le porche en pierre accompagné de la porte piétonne de la ferme côté route semble dater du 17e siècle même si ses fondations pourraient être plus anciennes.
La ferme après la Révolution
Vendue comme bien national en 1790, elle est achetée par Charles Meurine. Le domaine est alors séparé en deux propriétés dans les années 1830, entre le fils et la fille des propriétaires de l’époque, la famille Daudin.
Les deux exploitations familiales évoluent alors de façon indépendante et de nombreux bâtiments agricoles sont reconstruits en brique dans la seconde moitié du 19e siècle. Des remises agricoles sont élevées le long de la route à l’est de la porterie tandis que de l’autre côté de celle-ci, le logis de la ferme est réédifié. Des bâtiments d’élevage le prolongent. La ferme côté sud est pourvue de bergeries et d’écuries (dans le prolongement du logis actuel) ainsi que de porcheries à l’ouest de la mare. Un travail à ferrer les bœufs est toujours visible tout comme les clapiers à lapins qui prennent place entre les contreforts en pierre de la grange. D’après une inscription gravée sur l’une des pierres de la grange (ill.), Achille Obry a réalisé la couverture en tuile de l’édifice en 1866.
La chapelle sert à cette époque de cave à cidre. Les jambages de l'entrée sont retaillés pour pouvoir faire passer les tonnelets de cidre. La forme bombée du passage est encore visible.
Enfin, une distillerie est établie à cette époque juste à l’ouest des deux fermes. Une photographie de 1985 (Daniel Delattre, 2020) indique la présence de sa cheminée.
Évolutions au 20e siècle
De nouveaux chantiers sont entrepris dans la première moitié du 20e siècle. D’après son style néo-normand, le logis de la ferme côté sud semble avoir été construit dans les années 1930, tout comme celui de la ferme de Troussures. Des bâtiments à usage de papeterie sont construits dans le prolongement de la grange médiévale, côté est. Le puits situé dans l’enceinte de la ferme côté sud est doté d’un mécanisme permettant de remplir une citerne située au-dessus par pompage de l’eau. La ferme était ainsi alimentée en eau courante.
Comme le montre une photographie prise en 1985 (Daniel Delattre, 2020), la partie ouest de la grange médiévale est déjà dégradée à cette époque. En 1993, elle est inscrite au titre des monuments historiques. Seule la partie est de la grange conserve charpente, toiture et collatéraux.
Couvreur actif à Campremy dans la 2e moitié du 19e siècle.