Origines et événements marquants
La première occurrence connue de "Domeliers" date de 1150 et provient des Titres de l'Évêché d'Amiens. D’après É. Lambert (1982), ce toponyme serait composé du bas latin "domnus" qui signifie "saint" et du prénom "Hilaire". Pourtant, le saint patron du village est saint Firmin, sous le vocable duquel se trouve l’église. Quoi qu’il en soit, Doméliers s’est très certainement développé autour de domaines ecclésiastiques, puisque ses terres appartenaient au chapitre cathédral d’Amiens. En effet, en 850, le comte d’Amiens Angilwin cède ses terres de Doméliers (avec d’autres dont celles de Fontaine, Lavaquerie et Bonneuil) au chapitre amiénois. Une tradition orale rapporte également qu’au 12e siècle, le seigneur de Doméliers, qui était chanoine d’Amiens, décide de céder toutes ses possessions au chapitre d’Amiens, par haine envers son neveu hériter. Apprenant les intentions de son oncle, l’héritier l’assassine alors que le contrat avec le chapitre d’Amiens venait d’être scellé. Le chapitre achète la mairie (c'est-à-dire l’échevinage, possédant des droits et juridictions spécifiques) et ses dépendances à Jean de Doméliers en 1276 ainsi qu’un fief en 1329. D’anciennes carrières de craie dure au nord du village (ainsi qu’à Croissy et Fontaine-Bonneleau) ont été exploitées pour la construction de la cathédrale d’Amiens.
En 1636, Doméliers est incendié par les troupes espagnoles au cours de guerres qui ont dévasté nombre de villages du plateau picard.
Un moulin à vent se situait sur le territoire communal de Doméliers. Visible sur la carte de Cassini (18e siècle), il était situé au sud du village, avant la route de Rouen, au lieu-dit "Le Chêne". C’est peut-être le moulin mentionné dans le recensement de 1856. Il n’existe plus en 1901.
Au 19e siècle des familles aisées s'installent dans le village. Le portail d'entrée du n°29 rue Principale témoigne de la présence d'un ancien château (certainement une grosse maison bourgeoise) remontant probablement au 19e siècle. Il est déjà détruit sur le cadastre de 1938. D'après un témoignage oral, cette demeure aurait appartenu à la même famille qui fait construire la maison bourgeoise en brique au n°18 rue Principale dans la seconde moitié du 19e siècle. La famille Thorel qui a habité cette demeure a son tombeau en forme de chapelle dans le cimetière.
Il existait une briqueterie à la sortie sud du village, à l’écart des habitations. Elle est déjà visible sur le plan d’état-major et Louis Graves la mentionne en 1836.
Une fabrique de boutons de nacre s'ouvre dans la seconde moitié du 19e siècle. Elle se trouvait au n°91 rue Principale.
Les bombardements qu'a connus le plateau picard en 1940 ont fortement touché Doméliers. De nombreuses maisons et fermes ont été détruites, comme l'ancien château du village, dont il reste le portail d'entrée au n°29 rue Principale. Les habitations ont été reconstruites dans le cadre des subsides octroyés pour dommages de guerre.
Évolution de la morphologie et du parcellaire
Comme le montre la carte d’état-major de la première moitié du 19e siècle, l’habitat est dense et aggloméré. Il est réparti sur des parcelles régulières en lanières fines, implantées perpendiculairement à la rue et au sentier du Tour de Ville, à l’arrière. Le cadastre de 1938 montre un bâti un peu plus clairsemé. De la carte d’état-major (1820-1866) au cadastre actuel, la morphologie de Doméliers n’a pas évolué. À la suite d’une baisse démographique provoquée par l’exode rural à partir de la seconde moitié du 19e siècle, de nombreux logements sont abandonnés et les parcelles se dénudent. Les bombardements de mai 1940 ont également détruit un grand nombre d'habitations. À partir de la seconde moitié du 20e siècle, plusieurs fermes et maisons sont reconstruites et des pavillons résidentiels modernes sont construits sur les parcelles vides, en restant à l’intérieur de la ceinture originelle du Tour de Ville.
Lieux partagés et structurants
Collecter et partager l'eau
Les sols crayeux et poreux du plateau picard ont conduit les habitants à se grouper autour des lieux de collecte de l’eau. Puits et mares témoignent encore des aménagements anciens imposés par les déterminismes géologiques locaux. Trois puits communaux sont encore en place aujourd’hui (contre 5 en 1902 et 4 en 1938). Ils prennent la forme, répandue dans les villages des environs, de petits édicules architecturés en pierre calcaire, surmontés d’un toit à deux pans. Ils ont été comblés, mais leur architecture a été conservée. Si 11 mares peuvent être identifiées le long de l’usoir sur la carte d’état-major (1820-1866), elles ne sont plus que deux aujourd’hui, dans la partie centrale du village. La première, juste au sud de l’église, est à côté du bâtiment de pompes qui servait également de refuge pour les indigents. La seconde, un peu plus au nord, est canalisée par un mur en brique.
Croix de chemin et Tour de Ville: les limites de Doméliers
Élément caractéristique des villages du plateau picard, le Tour de Ville de Doméliers est particulièrement bien conservé. Il ceinturait les parcelles habitées et les séparait de la zone de plaine cultivée. Au fond de chaque parcelle, après le potager et le verger, un portillon aménagé dans le mur de clôture permettait d’accéder au sentier du Tour de Ville. Au sud du village, la rue du Saulchoy dessert les sections orientale et occidentale du Tour de Ville. Celles-ci rejoignent la rue de la Grange aux Genêts au milieu du village. Au nord, un sentier se trouve juste après la dernière habitation, à l’ouest, et rejoint le Tour de Ville. Seule la section orientale est incomplète dans cette partie du village.
Les croix de chemin servaient de bornes situées aux extrémités et intersections des villages. Six ont été recensées à Doméliers. L’une d’elle matérialise la limite méridionale du village, à l'intersection de la rue Principale et de la rue du Saulchoy. Une seconde est située à 1km700 du village, au bord de la route menant à Crèvecœur et Breteuil. Placée à un croisement, elle signale la présence de la route conduisant à Doméliers. Deux croix sont également implantées aux deux intersections de la rue de la Grange aux Genêts et du Tour de Ville. Quant à la limite nord, elle est marquée par une croix en bois portant une crucifixion. Au cœur du village, l'ancienne croix du cimetière qui entourait l'église est surmontée de l’archange Gabriel soufflant dans sa trompette pour annoncer le Jugement Dernier.
Les équipements publics du 19e siècle
La mairie-école et la place publique ont toutes les deux pris place au coeur du village, juste au sud de l'église. La mairie-école est construite dans le 3e quart du 19e siècle. Le logement de l'instituteur est installé en fond de cour, dans la première décennie du 20e siècle. Les toilettes visibles dans la cour de l'école sont d'origine.
Au n°48 rue Principale, dans le bâtiment situé en fond de cour, une salle de bal communal se trouvait au premier étage. Le logis actuel, sur la rue, devient la nouvelle salle communale. Il date de la période de reconstruction des années 1950.
Photographe au service de l'Inventaire du patrimoine culturel de la région Hauts-de-France (2023).