Le cardinal Toussaint de Forbin-Janson, évêque de Beauvais de 1676 à 1713, souhaitait faire exécuter son portrait en buste par Nicolas Coustou. il avait légué au chapitre la somme de mille livres, destinée à la décoration du maître-autel, pour que les chanoines reçoivent ce buste dans la cathédrale (Barraud, 1865). Mais son neveu, le marquis de Janson, entreprit de faire élever un mausolée plus grandiose.
Le monument fut commandé à Nicolas Coustou et une première esquisse en fut dessinée en 1715. L’œuvre devait être livrée dans un délai de deux ans, pour 7600 livres (contrat en date du 31 juillet 1715). Le devis de 1715 précise les matériaux à employer : pour la base, de la pierre de Senlis ou de liais et du marbre du Languedoc ; pour le piédestal, des plaques de marbre blanc veiné et une plaque de marbre noir pour l’inscription (en capitales dorées) ; pour la statue enfin, un seul bloc de marbre (à l’exception de la queue du manteau de l’évêque, mais les joints devront être dissimulés). La hauteur totale du monument devait atteindre 9 pieds 10 pouces. Le mausolée devait être placé dans le chœur de la cathédrale. D’après le contrat du 31 juillet 1715 et l’esquisse l’accompagnant, il avait primitivement été adossé à la clôture de chœur.
Les chanoines donnèrent leur accord à la construction de ce mausolée le 30 août 1715 mais exigèrent un traitement aussi soigné dans le bas des draperies que dans le haut, pour un monument visible de tous côtés. On peut donc supposer que, dès 1715, les chanoines désiraient abattre la clôture du chœur pour la remplacer par le monument funéraire. Cette initiative du chapitre entraîna probablement une modification du projet initial : l’orientation de la statue par rapport à son piédestal n’est pas la même que dans l’esquisse.
En juin 1722, le sculpteur avait bien touché une partie du paiement (soit 5 600 livres). Mais malgré le délai de deux ans fixé par le contrat, le monument ne fut prêt à être posé dans la cathédrale qu’en 1738, après la mort de Nicolas Coustou : il fut donc achevé par Guillaume, qui vint à Beauvais pour mettre l’œuvre en place en octobre 1738 (AD Oise, G 2761). Le doyen informa le chapitre de l’arrivée du mausolée aux portes de la cathédrale le 14 octobre 1738. Le lendemain, les chanoines fixaient son emplacement dans le sanctuaire, entre deux piliers, à côté de la porte latérale gauche de la clôture du chœur ; cette dernière devait être démolie pour placer le mausolée (AD Oise, G 2761).
La démolition de la clôture en pierre fut la cause d’une opposition entre le chapitre et l’évêque Potier de Gesvres, qui n’avait pas été informé des travaux.L’évêque obtint du Parlement un arrêt ordonnant leurs suspensions, notifié au chapitre le 27 octobre 1738. Les chanoines ripostèrent en faisant déposer une requête en Parlement par Prevost. Finalement la querelle s’apaisa. En décembre 1738, l’évêque se mit d’accord avec les chanoines pour qu’une grille soit placée derrière le mausolée et que toute la clôture du chœur, à l’exception de quelques travées orientales, soit remplacée par des grilles de même type. En 1739, on entreprit de placer ces grilles, selon les plans de l’architecte Beausire.
A cette occasion on décida d’enlever les mausolées épiscopaux qui gênaient la visibilité du sanctuaire (les monuments de Roger de Champagne et Philippe de Dreux furent déplacés, avec autorisation royale, dans la chapelle de la Madeleine). Pour celui du cardinal de Janson, l’évêque écrivit le 11 mai 1740 au descendant du défunt qui donna son accord. A la fin du mois de septembre 1740, Guillaume Coustou transporta donc le mausolée dans la chapelle Saint-Jean, à gauche de la chapelle axiale (le cercueil contenant les restes du cardinal demeurant, lui, dans le chœur). Selon V. Leblond (1926), le mausolée aurait été déplacé dans la chapelle Sainte-Barbe, où il serait resté jusqu’en 1793. Sans doute s’agit-il d’une erreur. Selon E. Woillez (1838), le mausolée aurait été transporté dans la chapelle du Saint-Sépulcre, aujourd’hui détruite, près de la sacristie par Guillaume Coustou le 25 septembre 1740.
On fixa sur un des piliers de la chapelle une plaque de marbre noir récapitulant l’ensemble de ces travaux, achevés le 25 septembre 1740 :« Opus hoc / Eminentissimi avunculi memoriae dicatum / Nepos illustrissimus marchio de Janson / Antipolis castrorumque praefectus / Inchoavit ; / Ad optatum finem / perducere, / Morte obsistente, / Non potuit : / Hujus / filius clarissimus, / ejusdemque urbis / et castrorum praefectus, / Paternae munificentiae et gratitudinis / Pius haeres, / Absolvi et poni curavit / In sanctuarii parte sinistra, / Die 20a mensis octobris anni 1738. / Inde / Clarissimi abnepotis consensu, / Propter hanc sanctuario partem / Claustris recens concellatam, monumentum / Huc translatum est / Die 25a mensis septembris anni 1740 ». La première partie de cette inscription, jusqu’à «absolvi et poni curavit», reproduit le texte proposé aux chanoines par le marquis de Janson lui-même, désireux de la voir apposée au revers du mausolée (AD Oise, G 2761). Par convention entre le sculpteur et le chapitre du 30 août 1715, la rédaction de l’inscription était réservée aux chanoines, d’où sa discussion en chapitre (Bataille, 1907).
Le registre des délibérations capitulaires (AD Oise, G 2762) porte mention, à la date du 14 avril 1757, de la décision d’un nouveau déplacement : le mausolée devait être placé entre deux piles de la chapelle du Saint-Sépulcre. Ce changement est peut-être lié aux travaux réalisés au même moment dans le sanctuaire pour la construction du nouvel autel : les chapelles orientales (dont la chapelle Saint-Jean) furent momentanément désaffectées, et les services habituellement célébrés à ces autels furent transférés dans la chapelle Saint-Pierre et Saint-Paul.
En 1758, le mausolée fut donc transporté entre les deux piliers de la chapelle du Saint-Sépulcre, ainsi que le rapporte le Journal de Jean-Louis Lescuyer, bailly du comté de Beauvais.
En 1793, la Société populaire de Beauvais réclama la destruction du mausolée. Il fut alors démonté et jeté avec des gravats dans une dépendance de l’église. En 1803, Jacques Cambry dit avoir vu dans la sacristie la statue de marbre du cardinal Janson, « légèrement mutilée ; on la rétabliroit sans peine et sans dépense ». Effectivement en 1804, on remonta le monument à son emplacement actuel. Une inscription sur le piédestal rappelle cet épisode : « Restauratum et hic positum anno 1804 exeunte ».