Le Christ en bois que l'on remarque à l'intérieur du cadre est réputé être l'œuvre du sculpteur François Girardon (1628-1715), comme on peut le lire sur un panneau fixé au cadre. Cette attribution remonte à 1801, année où Pierre Hubert (dernier grand archidiacre du diocèse de Soissons avant la Révolution) en fait don à la Fabrique de la cathédrale en le certifiant issu du ciseau de ce sculpteur. La ressemblance de l'œuvre avec plusieurs Christ mourant en ivoire, attribués au même artiste ou influencés par son art, est en effet frappante, tels le Christ ayant appartenu à Bossuet, un autre provenant de la collection Achille Fould et vendu à Paris le 17 octobre 2007, ou encore un troisième passé en vente à Metz le 4 mars 2012. Toutefois, en l'absence de documents incontestables, il faut se contenter d'y voir le probable reflet d'un modèle aujourd'hui disparu ou non identifié, plutôt qu'une création originale de Girardon. Une datation de la fin du 17e siècle ou du début du 18e siècle peut paraître pertinente.

Le cadre, par sa forme et son décor, rappelle les cadres de l'époque classique. Pourtant, par comparaison avec des cadres réalisés sous le règne de Louis XIV, le décor semble ici plus modeste, et surtout, il intègre un motif décoratif combinant les épis de blé et les pampres, plus caractéristique du 19e siècle que du Grand Siècle. Le cadre peut donc être contemporain du Christ, tout comme avoir été réalisé au début du 19e siècle, voire ultérieurement au cours du même siècle, mais dans un style en accord avec la représentation du Christ.

Peu d'auteurs locaux ont écrit sur cette œuvre et il faut reconnaître que la plupart des informations qui la concernent tiennent de la tradition orale ou de récits invérifiables. On ignore tout d'abord quel était l'aspect de ce Christ au moment du don. Appartenait-il déjà à une croix encadrée ou participait-il à la composition d'une croix d'autel ? En effet, en 1801, ce Christ doit être placé sur l'autel de la grande sacristie qui se devait d'avoir "une décoration distinguée". Or, les croix encadrées sont destinées à être fixées sur une paroi et non posées. Après un silence d'un demi-siècle, Delorme le signale placé à l'autel Saint-Éloi, dans le courant des années 1850 et jusqu'en 1865, époque à laquelle il gagne la petite sacristie et trône successivement sur plusieurs meubles. Enfin, il est rangé dans une armoire et sombre dans l'oubli jusqu'en 1882, date à laquelle il est retrouvé par l'abbé Pécheur. Alerté, le conseil de fabrique s'occupe de le faire restaurer. En 1885, le Christ, installé sur une nouvelle croix d'ébène et placé dans un cadre avec une inscription rappelant sa provenance, est accroché à gauche de l'autel de la grande sacristie. Selon Delorme, ce cadre aurait été trouvé en 1884 au-dessus d'une armoire de la salle capitulaire.