L’œuvre porte la signature du peintre vervinois Louis-Victor-Emile Moreaux. Celui-ci, né à Vervins le 22 décembre 1855, décédé dans la même ville le 27 mai 1906, a laissé peu d’œuvres témoignant de son activité picturale. Élève des peintres académiques Bouguereau, Tony Robert-Fleury et Gabriel Perrin, il participe peu aux divers Salons, rendant difficile toute reconstitution de son œuvre. Quelques portraits et scènes de genre sont conservés dans des collections particulières, en particulier en Thiérache. Il est mentionné à plusieurs reprises dans le journal vervinois Le Démocrate comme ayant réalisé des portraits d'habitants de la cité et des vues de la ville dont le bureau d'octroi. En 1886 à Versailles, il expose une nature morte, en 1900 à Lyon une œuvre intitulée Blanc et Noir. Une scène de genre datant de 1898, figurant dans l'album photographique Braun, est peut-être le tableau de Vervins. Celui-ci a été exposé dans un Salon parisien en 1899, l'étiquette d'immatriculation sur les registres, au revers de la toile, faisant mention de la 46eme exposition/Paris 1899. Le cartel, portant la mention 3Médaille de vermeil3 , indique que l’œuvre a bénéficié d'une récompense officielle. Le tableau est connu localement sous le titre du Petit Pâtissier , les deux enfants sont des petits Vervinois. Les sources locales indiquent que le jeune garçon costumé en pâtissier est Gaston Lamouret, qui donnera naissance en 1913 à une petite fille, à cette occasion la profession du père est déclarée comme ferblantier. Les descendants de la fille de Gaston Lamouret auraient longtemps conservé une étude au crayon, signée Émile Moreaux, sans doute une esquisse préparatoire, de la figure du jeune pâtissier. Le tableau a été donné à la municipalité de Vervins, à une date inconnue, peut-être à la suite du décès d’Émile Moreaux. L’œuvre témoigne d'une maîtrise parfaite d'un savoir appris auprès des tenants de la peinture académique. La méticulosité de la reconstitution d'un intérieur bourgeois, l'éclat des coloris, le jeu entre le blanc immaculé du jeune pâtissier, de la table et de la noirceur du petit ramoneur, la virtuosité du trompe-l’œil constitué par les différents mets et plats, le reflet de la fenêtre sur la carafe d'eau, délicat rappel de toute une tradition picturale héritée des primitifs flamands, font de cette œuvre un chef-d’œuvre de la peinture naturaliste de la fin du 19e siècle. L'ambiguïté et l'étrangeté du sujet ne cessent d'intriguer, en effet deux jeunes garçons issus des milieux populaires, semblent, dans le décor incongru d'un intérieur bourgeois, mimer les rites d'un repas dominical. Le petit ramoneur semble imiter les minauderies de la maîtresse de maison alors que le pâtissier présente, la cigarette au bec, l’œil ironique tourné vers le spectateur et la bouteille sous le coude, un plat qui n'a pas l'air de lui convenir. Ces deux personnages, croqués sur le vif parmi la jeunesse pauvre vervinoise, semblent être entrés par effraction, ou alors jouer un jeu, une satire dont le sens nous échappe.