La piscine Marc-Revaux de Doullens a été construite en 1975-1976 dans le cadre de l’opération "Mille piscines industrialisées", lancé en 1971 par le secrétariat d’État à la Jeunesse, aux Sports et aux Loisirs, dans le cadre de la troisième loi de programme d’équipements sportifs et socio-éducatifs. Le but de ce programme était de stimuler la pratique de la natation (désormais obligatoire à l’école) et de remédier, en quatre ans (septembre 1972 à septembre 1976), au sous-équipement du pays en matière de piscines. A travers deux concours d’architecture, le premier en 1969 et le second en 1971, l’État a sélectionné cinq modèles de piscines transformables et économiques (coûts peu élevé grâce à une construction rapide et industrialisée, exploitation et gestion rentabilisée). Grâce à l'industrialisation de leur construction, elles ont pu être réalisées en série sur tout le territoire. En tout, on compte 183 piscines Tournesol, 196 piscines Caneton, 58 piscines Plein Ciel, 55 piscines Iris et 55 piscines Plein Soleil. C’est ce dernier modèle qui est retenu pour la piscine de Doullens. Dans la région, il a été également réalisé à Thourotte (Oise) et à Bourbourg (Nord) (détruite).
Ces piscines étaient destinées prioritairement aux petites ou moyennes villes ainsi qu’aux quartiers isolés de grandes villes, ne disposant pas encore de piscine couverte et ayant des ressources limitées. Le programme est simple : un bassin unique de 25 x 10 mètres. L’objectif n’est pas de créer des piscines de compétition, mais des piscines conciliant les besoins d’initiation sportive, d’entraînement et d’apprentissage. Largement découvrables, elles devaient en outre permettre à la population de profiter des agréments de la natation en plein air et de l'héliothérapie une fois l'été venu.
La procédure suivie pour la réalisation de l’opération est assez originale : c’est l’État qui assure la maîtrise d’ouvrage (le Secrétariat d’État fixant les marchés en série et le nombre d’unités de chaque type à construire pour chaque année ; le Préfet décidant des communes bénéficiaires), se portant garant des éventuels imprévus de chantier et des hausses de prix. La commune fournit le terrain et exécute les travaux d’aménagement des abords. La construction est largement subventionnée par l’État, le reste étant à charge de la commune, avec possibilité d’un prêt de la Caisse des Dépôts. Ce système est efficace mais assez directif et laisse peu de libertés aux municipalités. Elles peuvent ainsi se voir imposer un des modèles, différent de celui-ci initialement choisi : en effet, l’État doit respecter les marchés passés en amont avec les constructeurs. En outre, l'industrialisation empêche les villes de pouvoir se démarquer par leur piscine "unique". Toutefois, afin de satisfaire la volonté des communes de ne pas "avoir la même piscine que sa voisine", une personnalisation est possible, notamment à travers le choix des couleurs et des décors.
Une piscine des années 1930 coexistant avec la piscine Plein Soleil
La piscine Plein Soleil de Doullens a été construite juste à côté de l’ancienne piscine, bassin de natation de plein air non chauffé, associé à un établissement de bains-douches, construit en 1931, sur un terrain alors très peu urbanisé. Ce bassin est conçu par l'architecte municipal, en association avec l'ingénieur Marc Revaux, installé à Douai et spécialisé en construction de piscines. Rénové à la fin des années 1990, le bassin extérieur fonctionne jusqu’en 2002. Depuis 2007, le bassin de plein air est rempli de sable et accueille l’été les animations de "Doullens-Plage".
La piscine Plein Soleil
Comme la première piscine de Doullens, la piscine Plein Soleil a également pour but premier l'apprentissage de la natation, désormais rendue obligatoire dans les programmes scolaire, d'où la nécessité d'une piscine couverte. Cette époque marque aussi l'évolution des méthodes pédagogiques proposées pour l'enseignement de la natation.
La construction de la piscine couverte à toit ouvrable, type "Plein Soleil", est décidée le 8 septembre 1975 par le préfet. La piscine est livrée le 6 mai 1976, soit seulement sept mois après le début des travaux. La structure métallique est entièrement préfabriquée en usine. Le montage de la piscine sur place est par conséquent très rapide.
Le modèle Plein Soleil est lauréat du concours conception-construction de 1971, organisé pour compléter les deux types de piscines (Tournesol et Caneton) choisis à l’issue du premier concours pour l’opération "1000 piscines" (1969). Ce deuxième concours avait la particularité d’être destiné à des groupements associant architecte et entreprise générale, s’étant déjà constitué lors de la procédure d’agrément de piscines. Jean-Michel Legrand, Jacques Rabinel et Jean Debouit, architectes, les ingénieurs R. Begacem et D. Chepine, ainsi que l’entreprise générale Baudin-Chateauneuf (spécialisée en constructions métalliques), concepteurs de la piscine Plein Soleil, possédait déjà un agrément (n°138) pour leur piscine transformable "Ombelia" (construit notamment dans le Nord à Quiévrechain). Le prototype de la piscine Plein Soleil est construit en 1972-1973 à Étampes (Essonne).
N'ayant pas subi de travaux de rénovation importants, la piscine de Doullens offre une illustration intéressante des équipements des années 1970. Encore utilisé pour l'apprentissage de la natation dans les écoles, son unique bassin n'est cependant plus à même de répondre aux besoins actuels en matière de loisirs nautiques et ne répond plus aux exigences actuelles en matière d'économie d'énergie. Elle arrive en fin de vie et va fermer d’ici quelques années pour être remplacée par un nouveau centre aquatique intercommunal.
Architecte, urbaniste et ingénieur à Paris.