Les fermes modèles
Deux sources littéraires ont été consultées sur ce sujet : l´article de J.-M. Wiscart (Ruralia 2001-9) ainsi que les bulletins du Comice agricole d'Abbeville.
Les premières fermes modèles sont issues des abbayes cisterciennes, qui développèrent, grâce aux défrichements, des assolements raisonnés, puis l´utilisation de charrues lourdes à versoir. Nourrissant les pèlerins et les pauvres, elles disposaient de grandes propriétés céréalières ; les excédents générés étaient vendus sur les marchés.
Mais il est aléatoire, pour les temps modernes, de déterminer ce qu´est une ferme-modèle : doit-on proposer cette appellation pour les exploitations qui disposent d´un plan au sol et de bâtiments pragmatiques ou uniquement pour celles qui ont adopté un mode de développement, de culture et d´élevage innovants ? En cela, les fermes dites colonisatrices peuvent-elles être dites modèles ? Aucune source ne peut affirmer cette hypothèse.
Les fermes modèles étaient généralement l´oeuvre de grands industriels abbevillois ou de grands propriétaires urbains comme Hecquet d´Orval, petit-fils d´un manufacturier reconverti à la suite de la crise textile dans le domaine agricole.
Ces exploitations étaient avant tout expérimentales. Elles permirent « la propagation des procédés de culture reconnus les plus propres à améliorer le fonds, en augmentant même les produits annuels » (A. D. 80 : 99 M 80344/6). Elles développèrent ainsi « les méthodes de culture les plus parfaites et particulièrement, celles qui conviennent le mieux à la nature du sol et au climat. Il faut pour cela que la ferme soit d´une étendue suffisante pour qu´elle offre toutes les natures de terre qu´on rencontre le plus ordinairement dans le département ».
Leur but était également de rendre possible l´économie dans les dépenses, de permettre l´emploi des instruments perfectionnés. Il semble qu´à ce titre, elles aient été labellisées par une commission spécialisée.
Les architectes (dont nous ignorons malheureusement les noms) étaient alors soucieux de pragmatisme et de rationalisme, notions qui se matérialisaient dans la conception et l´aménagement des bâtiments agricoles (monumentalité, esthétisme, symétrie et hygiénisme).
Pour l´élevage, tout était conçu de façon rationnelle pour une production importante de lait, de beurre et de viande ; la manutention était réduite au minimum : le fourrage était généralement placé dans le grenier au-dessus de l´étable ; les betteraves fourragères étaient dans la fosse voisine, portées au broyage près du manège ; la paille pour les literies était située dans le grand hangar au-delà du manège.
Utilisées parfois même en tant qu´école (bulletin du Comice agricole de Doullens, année 1846, n°5 et 6), elles avaient à leur charge quelques élèves. Par exemple, les orphelins de Paris étaient nombreux à Saint-Quentin-en-Tourmont, engendrant ainsi la création d´emplois (cf exploitation de M. Jeanson, la Margueritelle).
Selon cette définition qui met en avant l´innovation et la recherche de rentabilité et de qualité des produits, il semble que peu de fermes-modèles aient été repérées sur le terrain étudié. La ferme de Bonance en est l´exemple le plus prégnant. Celle de la famille Jeanson à Saint-Quentin-en-Tourmont en est un autre, plus récent.
Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France.