Le nom du lieu évoque une empreinte marine : en effet, hurt signifie « heurt », endroit que la mer venait heurter au moment de la constitution du territoire émergé des marais environnants. En 1872, le recensement de la population précise pour le hameau la mention de « marais de Wathiéhurt », indiquant ainsi explicitement l´environnement humide qui le caractérise.
La formation du territoire est relativement récente (15e siècle selon les auteurs) : en effet, la carte IGN indique parfaitement la présence de la falaise morte sur laquelle les villages de Ault au Cap Hornu se sont installés. Situé à l´ouest de cette limite, Wathiéhurt est au coeur des bas-champs, terres gagnées sur la mer suite à la construction de digues dès la fin du Moyen Age. D'après Delattre, François le Roy, écuyer, était seigneur du lieu en 1641. Darsy indique qu´en 1742, Nicolas Baudry était seigneur de la châtellenie.
D´après le recensement de la population, le nombre des habitants de Wathiéhurt varia entre 290 et 260 entre 1851 et 1911. Après cette date, il connut une diminution importante et régulière pour chuter à 186 en 1936. Le nombre de maisons augmenta peu à peu de 1851 jusqu´à 1881 pour stagner ensuite. Nous ignorons la cause de ces fluctuations (exode rural ?).
En 1881, une gare fut établie du côté de Saint-Valery pour contourner la falaise et gagner Lanchères afin de desservir le réseau ferroviaire Noyelles-Le Crotoy et Saint Valery-Cayeux.
A Lanchères, un véritable embranchement desservit ensuite la râperie dotée d´un réseau intérieur. La ligne rejoignait la côte par les bas champs et la halte de Hurt.
En 1847, il n´existait à Lanchères aucune fabrique ou usine autre que les deux moulins à blé, aujourd´hui disparus (probablement au début du 20e siècle). Le recensement de la population, en 1881 énumère la liste des métiers rencontrés à la fin du 19e siècle : cultivateur, charpentier, menuisier, serrurier, berger, débitant, manouvrier, ouvrier, cordonnier, journalier, charron.
La plupart des hommes travaillaient la serrurerie. L´atelier était généralement situé dans une ancienne étable ou plus rarement dans la salle commune du logis : le contrevent pivotait horizontalement afin de l´éclairer. Les artisans effectuaient le montage des serrures pour les usines du Vimeu (usine Denis, probablement à Friville-Escarbotin) ou polissaient les pièces de métal. Il est délicat de déterminer le nombre exact de serruriers à Wathiéhurt puisque les documents les recensent sur tout le territoire de Lanchères ; mais il semble qu´ils étaient pour la plupart rassemblés dans le hameau de Wathiéhurt. Nous savons qu´ils travaillaient généralement chez eux, à façon. Les chiffres variaient très largement d´un trimestre à l´autre, répondant ainsi à la demande (forte à Paris à cette période en raison du nombre des constructions neuves).
Les betteraves étaient dirigées vers la sucrerie de Beauchamps et vers les râperies de Lanchères et de Saint-Blimont. La loi du 13 janvier 1892 encouragea la culture du lin et du chanvre, qui étaient ensuite exportés (en effet, il n´y avait pas de tisseur à Wathiéhurt) : il semble que cette culture stoppa au début du 19e siècle pour reprendre à la fin du siècle. En 1929, elle avait cessé de nouveau.
Le hameau possédait au milieu du 20e siècle quatre cafés. Celui flanquant l´école tenait également lieu de charcuterie, épicerie et salle de bal. Une forge était située Impasse du Canal (aujourd´hui rue des Champs), voie principale en 1831 longée d´une allée d´ormes et pourvue d´un gué.
Le canal, qui divise le hameau en deux, a été édifié en 1773 afin d´assécher les bas-champs de Cayeux. Le cadastre napoléonien (1831) indique que les lotissements, de formation naturelle, limités par des chemins sinueux ou des canaux, étaient clairement définis ; des pôles d´habitation se rassemblaient en leur centre. Ils furent ensuite divisés en parcelles laniérées. Seul le lotissement principal du « Chemin de la Flaque à Goujon » a été créé par la main de l´homme (délimitations rectilignes).
La plupart des fermes se regroupaient de part et d´autre de la Route Départementale, au tracé rectiligne. Le reste du territoire était parsemé de fermes isolées ou rassemblées par deux. On pouvait observer au début du 19e siècle trois types d´exploitations : les longères (construction unifaîtière), celles possédant un plan en L et celles à cour fermée. En comparant le cadastre napoléonien et le cadastre actuel, on découvre qu´au cours du 19e siècle (notamment dans les années 1860), les fermes se sont multipliées le long de la Route Départementale, comblant les dents creuses laissées entre les fermes anciennes mais nous ignorons la cause de ce développement. Est-il lié à l´introduction de la betterave et à l´ouverture de la sucrerie de Lanchères, culture exigeant une main d´oeuvre abondante ?
La voie de communication était plus large au niveau du carrefour des deux routes. La rue du Marais semble avoir été créée après 1832 afin de desservir le nouveau lotissement ; en effet, elle n´apparaît pas sur le cadastre napoléonien. Les fermes isolées à l´ouest du hameau étaient alors desservies par un petit chemin qui reliait l´actuelle rue des Eaux (ancien chemin de Lanchères) à la route menant à Lanchères (qui n´existe plus aujourd'hui). La superposition des deux cadastres indique donc bien une évolution de la voirie.
Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France.