Implantation primitive
A l´origine, la plaine était envahie périodiquement par les marées, par les eaux des rivières, pendant les périodes de crues. Noyelles s´établit sur un amas alluvial émergeant des marécages primitifs, s´alignant avec d´autres bancs de galets suivant le prolongement de l´ancienne falaise morte.
Le patrimoine archéologique du territoire, relativement riche, résulte de sa situation géographique stratégique à l´embouchure de la baie de Somme. En effet, la région posséda une influence commerciale dès l´Age de Bronze, époque à laquelle le fleuve permettait le trafic de l´étain entre la Grande-Bretagne et le bassin méditerranéen. Sous la domination romaine, ces échanges existaient encore et se poursuivirent jusqu´au Moyen Age.
Sur le site de Noyelles, d´importants éléments lithiques, éclats et grandes lames mâchurées furent découverts. Les éléments sédentaires apparaissent uniquement dès l´époque protohistorique. Les tombes situées à la limite de Port et de Noyelles (tertres funéraires) ainsi qu´une série de cercles et de grands tumuli témoignent de cette occupation. Une ferme gauloise donna naissance à une villa gallo-romaine, pillée lors de l´invasion franque au début du 5e siècle.
Période médiévale
Une abbatiale bénédictine s´installa à Noyelles au 8e siècle et fut ravagée lors des invasions normandes des 9e et 10e siècles. Relevée au 11e siècle, elle connut un certain essor au 13e siècle. Les guerres successives qui touchèrent le Ponthieu dès le 14e siècle mirent fin à son faste. Les dévastations des guerres de religion lui portèrent un coût funeste au 16e siècle.
Les comtes de Ponthieu songèrent à élever une forteresse à l´embouchure de la Somme afin de lutter contre les invasions. Ils édifièrent donc à Noyelles un château fortifié en 1178.
En 1346, après le passage du gué de Blanquetaque, Edouard d´Angleterre se présenta en vainqueur et ravagea le territoire. Les Anglais, expulsés momentanément du Ponthieu, y revinrent peu après, en 1369, conduits par Lancastre. Ils assurèrent la possession de Noyelles qui les rendaient une nouvelle fois maîtres du gué de Blanquetaque.
Aux 15e et 16e siècles, Noyelles fut à nouveau victime des guerres.
Après une longue période de paix, le territoire fut de nouveau éprouvé lors de la Première Guerre mondiale. En 1916, les Anglais installèrent une base de travailleurs chinois affectés à la répartition des routes et à l´aménagement de positions de repli. L´importance du trafic avait imposé la création de voies de chemin de fer supplémentaires (comme celle de Noyelles) afin que le camp puisse alimenter le front en munitions. Le village n´avait jamais été systématiquement attaqué durant toute la première partie de la guerre. Mais dès 1918, les avions allemands rodèrent autour de Noyelles et larguèrent des bombes.
La Seconde Guerre mondiale eut également son lot de destructions. En 1941 et en juin 1942, la gare fut touchée par mitraillage.
Limites administratives
Les délimitations des terroirs de Noyelles et Ponthoile furent longtemps l´enjeu de conflits entre les habitants des deux villages et le comte d´Artois, apanagiste d´une partie des deux territoires. Les limites étaient définies par des bornes fluctuantes et les plantations franchies régulièrement par les bestiaux mis en pâture donnèrent cours jusqu´au 19e siècle à de nombreux écrits et plans dressés afin de définir les limites des droits de chacun sur les zones pâturables (N III Somme 74).
L´écart intitulé ‘Pont-le-Dien´ figure sur la carte de Cassini (1758) sous le vocable "Tour ruiné du Pont Dien" accompagné de la représentation d'un petit "bourg avec château" selon la légende. Aucune trace n´en atteste la présence ultérieurement. D´après le recensement de population, d´autres écarts disparurent dès 1926 : en 1872, Chemin des Vallois (maison de garde) et ‘Les Carrières´ (moulin), en 1881 ‘Les Salines´ (34 habitants) et ‘La Comterie´ ; en 1899, le ‘Pont-à-Brebis´ (8 habitants) ; en 1906, ‘Sémaphore´.
En 1899, Bonnelle (30 habitants), qui faisait encore partie de Noyelles, passa ensuite sur le territoire de Ponthoile.
Evolution de la population
Le dénombrement des habitants indique qu´au 9e siècle, le territoire était déjà largement peuplé. En un millénaire, ce chiffre connut une légère baisse. Mais en 1849, le taux avait retrouvé son niveau initial. Les chiffres ne firent qu´augmenter jusqu´en 1906. Ils diminuèrent légèrement jusqu´en 1926 pour connaître à nouveau une légère hausse et diminuer jusqu´à aujourd´hui. Au contraire, le nombre des maisons connut une réelle stagnation tout au long de cette période.
Evolution de l´économie
Des marais salants étaient exploités sur le territoire de Noyelles. Oeuillo indique qu´au 9e siècle, ils occupaient une place considérable dans le commerce du Marquenterre. Un hameau isolé au bord de la baie de Somme se nommait d´ailleurs « les Salines ». On y exploitait encore le sel au 14e siècle. Un second écart, portant le même nom, dépendait de Nolette (carte de Cassini, 1756). Le sel picard dut céder sa place à son concurrent méridional, de qualité supérieure. Un procès plaidé au 16e siècle ne vantait d´ailleurs pas la qualité du sel de Ponthieu, exploité pour les besoins de la cuisine et de la table.
Au 13e siècle, furent construits deux moulins banaux, l´un à l´entrée de Noyelles et le second à Nolette, tous deux encore en activité en 1919. En 1763, le territoire comprenait également un moulin à eau (à blé). Il est encore en place aujourd´hui mais dépourvu de son mécanisme.
D´après la matrice cadastrale de Noyelles de 1911, la section F renferme un lieu-dit intitulé la briqueterie : indique-t-il la présence ancienne d´un tel établissement ? En tout état de cause, en 1848, une carrière de craie était exploitée sur le territoire.
Les recensements de population successifs indiquent l´évolution de l´économie du village à travers la répartition et la diversification des métiers cités. En 1763, le village comptait 13 laboureurs ; les autres habitants étaient tisserands ou journaliers. En 1813, on observe la présence de tailleurs d´habits, de cultivateurs, d´entrepreneurs et de débitants. En 1836, de nouvelles professions apparaissent : serruriers, vachers, menuisiers, fileuses, cordonniers. De même, en 1851 : chef station, garde barrière (développement du chemin de fer dès cette époque). Jusqu´en 1872, les chiffres restèrent similaires, indiquant une stagnation de l´économie du territoire jusqu´à cette période.
L´exploitation de la terre occupait une place majeure à Noyelles. En 1899, 60 % du territoire étaient consacrés aux terres à labour (blé, avoine, seigle, sainfoin, trèfle et orge) et environ 25 % étaient envahis par les sables. Les pâtures n´occupaient curieusement que 10 % du territoire, malgré une forte proportion de l´élevage. La culture de la betterave prit peu à peu une grande extension. Les nombreuses étapes de travail qu´elle exige fournissait une activité à de nombreux ménagers et ouvriers d´usine qui complétaient ainsi leurs maigres revenus. La gare en permettait le transport vers les sucreries de Rue, d´Abbeville et de Lanchères, également emmenée par péniche.
L´élevage composait l´autre part de l´économie du village. Depuis 1755, les propriétaires de molières avaient été contraints de transformer leurs terres de labour en pâture : l´élevage prit alors le pas sur la culture. Le principal élevage était celui des moutons : en 1779, Noyelles comptabilisait 870 bêtes à laine. En 1899, malgré une forte augmentation du nombre de bovins, les moutons restèrent nombreux (835). La Première Guerre mondiale bouleversa totalement l´élevage. En effet, le nombre des bovins doubla en raison de la transformation des pâtures, de l´économie rurale et des modes de vie.
D´après de Valicourt, avant 1914, les exploitations étaient généralement de petite taille (moins de 10 hectares). De nombreux cultivateurs tombèrent au champ d´honneur. Les plus âgés cessèrent la culture et aménagèrent leurs bâtiments de ferme en résidence. Les petites fermes disparurent au profit des fermes de grande taille. Cette crise s´amplifia en 1930. En 1980, il existait encore 28 exploitations agricoles de 5 hectares et une de 400 hectares pour une superficie totale de 1551 hectares.
Nous l´avons vu, le passage de la voie ferrée de Paris à Boulogne et des deux embranchements Saint-Valery/Cayeux et le Crotoy engendra de nombreux échanges commerciaux ainsi qu´un développement de la villégiature en raison de la proximité des stations balnéaires et de l´arrêt sur la ligne des ‘bains de mer´. Le chemin de fer joua donc un rôle économique majeur pour le territoire.
Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France.