"Nous suivons sans nous arrêter, en passant devant les sépultures Creton, Duchemin, Maréchal, Lemaître, Boudon, Dupuis, Corblet-Turpin, et Turpin-Moma, jusqu'à cellle affectée aux familles CALAIS-FAÏEZ et BOUTHORS, réunies par une même grille et dans un même caveau.
L'extérieur du monument est bien moins remarquable que l'intérieur ; et si on en excepte la matérialité, nous pensons que les ornements n'offrent rien de particulier, mais surtout rien de distingué. On a coupé le mur pour donner à cette sépulture plus d'étendue et former deux compartiments, distincts l'un de l'autre, comme on a établi deux entrées.
Le côté qui nous occupe offre sur le premier plan une colonne en pierre avec chapiteau orné de feuilles de pavots. Sur la face principale du socle, on lit ce distique, que nous retrouvons sur beaucoup de tombes :
"Mon amie, / Je conserve l'espoir / Un jour de te revoir ? ".
Sur le côté latéral de gauche, est l'inscription de Melle Julie-Prudence BON, décédée le 7 novembre 1837, âgée de 24 ans, épouse de M. LECLERC, à laquelle probablement s'adressent les deux vers que nous venons de citer. Sur le second plan, une croix en fer porte l'épitaphe de M. BON-RIGAUT, marchand épicier en cette ville, décédé le 22 juin 1833, âgé de 47 ans. Au milieu est l'entrée du caveau sépulcral que ferme une porte en fer.
La seconde partie de cette sépulture se trouve établie de l'autre côté du mur. Une grille énorme, plus propre à clore des prisonniers qu'à préserver des dépouilles mortelles contre des profanations impossibles dans ce lieu, est la première chose qui frappe le visiteur. C'est qu'en effet, à la vue de ces barreaux de fer, dont chacun est du calibre d'un essieu de chariot, on se demande si les restes de ceux qu'on dépose en ce cimetière sont bien en sûreté, qu'on les y enferme et les protège avec des grilles dignes de défier lesz efforts des prisonniers les plus intrépides à l'endroit des évasions. De ce côté au moins, et comme compensation à cet aspect de prison, on repose les yeux avec plus de plaisir sur les fleurs nombreuses dont le sol est orné : des chèvres-feuilles grimpent le long du mur et forment, au-dessus de l'ouverture, un treillage charmant. Quatre croix sont plantées à la mémoire des personnes dont les noms sont gravés, et deux blocs de pierre attendent deux autres croix et probablement deux autres cercueils.
M. CALAIS-FAÏEZ, ancien garde général des Eaux et Forêts, désirant avoir un caveau d'une solidité à défier le temps, s'adressa à M. Godin, garde du génie de première classe, pour obtenir une construction analogue à celle en usage dans les travaux souterrains des fortifications : c'est pour satisfaire à ce désir de la famille que le caveau dont s'agit a été construit dans les conditions suivantes.
La fouille a été poussée à sept mètres de profondeur. Un pavage en double briques de champ a été posé et lié avec du mortier de ciment sur toute la superficie de la fouille. Sur cette solide fondation ont été élevés des pieds droits, tant pour les cases destinées aux cercueils que pour le petit vestibule qui les précède. Ces murs, ainsi que tout le reste des maçonneries, contruits en briques à paver et mortier de ciment de première qualité, ont 85 centimètres d'épaisseur, et les cases sont séparées entre elles par une maçonnerie en arc de voûte de 22 centimètres. La voûte supérieure, qui recouvre le tout, se compose de trois rouleaux de briques formant voûtes indépendantes, lesquelles sont revêtues d'une forte châpe en ciment, et cirée avec de l'huile de lin à l'instar du stuc. Le remblai supérieur, de trois mètres d'épaisseur, est fait avec le plus grand soin sur la châpe dont les pentes ont été réglées pour déverser à droite et à gauche les eaux pluviales. Les murs d'enveloppe ont été élevés de la fondation et ont été couronnés de bahuts en grès de 1 mètres 50 cent. de longueur sur 40 cent. de largeur et 30 de hauteur pour recevoir la grille en fer dont nous avons parlé. Il a été établi, en outre, un regard séparé pour l'introduction des derniers cercueils, ce regard est recouvert par la porte de fer dont nous avons parlé, et sera muré et comblé après le dernier décès.
Cette construction, qui a coûté 8,000 francs, a été exécutée par M. Leroy-Caussin, sous la direction de M. Godin."
Stéphane C[omte], 1847, pp. 173-176.
Chercheur du service de l'Inventaire général du patrimoine culturel de Picardie, puis des Hauts-de-France, depuis 2002.