Essai de typologie
Il est difficile d'établir clairement des distinctions et des typologies des édifices repérés car elles sont parfois brouillées : en effet, des édifices, qui, formellement, s'apparentent à des maisons, ou des chalets, (en bois ou/puis en brique) ont accueilli des maisons de santé, des pensions (la villa Castanon par exemple) ou des hôtels. Au-delà des formes et usages, il est important d´être attentif au vocabulaire utilisé : des maisons sont appelées chalet, des chalets sont appelés villa (fig. 3) ou pas, mais pourraient l'être (le chalet Rothschild appelé Les Oyats s'apparente à une villa, fig. 4).
Maison – villa
Environ la moitié des éléments repérés (315) sont des « maisons », dont près d´1/5 du corpus est constitué de maisons en série (de 2 à 7 maisons) (fig.5), avec une prédominance de la série de 2 et de 4 maisons. Le reste du corpus des maisons est hétéroclite : les maisons dites « de ville », des villas et des maisons appelées « chalets ». Les maisons à l´architecture d´influence urbaine aux styles architecturaux éclectiques et riches, construites en mitoyenneté et sur des parcelles laniérées sont qualifiées de « maisons de ville » (fig. 6, 7). Le volume et le décor différencient les maisons les unes par rapport aux autres, contribuant ainsi à l´impression d´hétérogénéité de la station balnéaire. Pour certaines maisons, l´ajout d´un balcon ou d´un bow-window (fig. 8) est significatif de la villégiature en bord de mer. Certaines portent la signature d´un architecte. Parmi l´autre moitié des maisons repérées figurent les édifices appelés « villa » dans les guides de voyage, les revues d'architecture (fig. 9) et par leurs occupants. Les cartes postales du début du 20e siècle montrent des (alignements de) chalets appelés villas (fig. 10 à 12) ou d´autres édifices, tel une pension (fig. 13) appelés villas.
De manière plus traditionnelle, les maisons appelées villas s´apparent à la typologie fonctionnelle de la maison, qui inclut les variantes de la maison de maître et de la maison bourgeoise, implantées de manière isolées sur leur parcelle. En dehors du quartier de Lhomel où ces « villas » ont donné le nom de quartier-jardin (voir dossier quartier Lhomel) elles sont peu nombreuses, car modifiées ou détruites, mais les articles (fig. 14, 15) et les cartes postales anciennes témoignent de quelques grandes et belles constructions : la Normandy House (fig. 16, 17), la maison du banquier Magnier au sein du parc qui porte son nom en anagramme, le Reingam parc (fig. 18). Quelques maisons qualifiées de villas subsistent dans le quartier « Rothschild » : la villa Castel Mignon (fig. 19) (IA62000459) construite en 1908 par l´architecte Gaston Bellêtre, la petite villa La Linotte (IA62000440) (fig. 20), qui évoque le style des maisons d´Outre-Mer, construite par l´entrepreneur Coquet, la villa Calot, sorte de château néo-médiéval (fig. 21), et, datant de l´Entre-deux-Guerres, une des villas construites par l´architecte Chiossone 12, rue des Ondines (fig. 22) (IA62000437).
Les immeubles
Les immeubles à logements représentent un petit corpus des édifices observés ; ils sont au nombre de 88, soit 13 % du repéré. Dans le quartier de Lhomel, les immeubles sont situés dans le nord du quartier, implantés en majorité sur l´avenue Cazin ou dans les rues adjacentes.
Au centre de la station, la rue Carnot et l´avenue du Général-de-Gaulle (ancienne avenue de la Gare) accueillent les plus beaux exemples de Berck. Le goût pour l´architecture néo-flamande a produit un alignement d´immeubles (fig. 23) qui habille élégamment l´avenue du Général de Gaulle, créée à la fin du 19e siècle (IA62001499) pour desservir la gare et le Kursaal. Situé au centre de la vie active et commerçante de la station balnéaire de Berck, les architectes actifs à Berck s´y installent. Les pignons à redents des immeubles évoquent les maisons des places de la ville d´Arras et sont peut-être à l´instar des maisons à pignon à redent rue du Calvaire (fig. 5) et dans la rue des Bains (disparu).
En 1907, en face, à côté du Kursaal, l´architecte Bourlot construit un immeuble aux bow-windows particulièrement soignés (IA62000445) (fig. 24) qui accueillit l´école des instituteurs. La rue Carnot, rue commerçante par excellence de la station et voisine de l´avenue de la Gare, conserve deux immeubles : la « Villa Garnier » (fig. 25), construit en rouge barres et celui au n° 40 (fig. 26, IA62001505) construit par l´architecte Bourlot. Quelques autres exemples remarquables sont situés à l´angle de rues : celui de la rue Etienne-d´Orves (fig. 27) et celui de la Place de l´Eglise (fig. 28) ou les « parties » d´îlots (fig. 29, 30), reconstruits suite aux destructions de la Seconde guerre mondiale dans le cadre du plan d´aménagement de la ville et de la digue (IA62001507) (fig. 31).
Les immeubles adoptent la hauteur et les volumes des maisons qu´ils remplacent. Seul le béton et les encadrements des baies en font des objets insolites dans le paysage urbain. Quelques immeubles sont d´un genre particulier. Celui situé 4 rue Simon-Dubois pourrait s´apparenter à des « maisons doubles » (fig. 32) mais il ne possède qu´une seule entrée desservant les trois niveaux d´élévation situés de part et d´autre de l´entrée. La succession des pignons de l´immeuble Les Liserons (fig. 33), situé 40 rue Rothschild évoque fortement des chalets en série. L´immeuble de taille plus modeste, du 15, rue Périer (fig. 34), construit par l´architecte Pouthier ou Choppin d´Arnouville, de Berck-plage, rappelle les immeubles urbains. L´ensemble, situé rue Dr Cayre, (fig. 35) est un immeuble à volume unique, une élévation « étirée » sur un niveau de soubassement, avec un volume central à toiture enchevêtrée ne peut expliquer sa fonction. Il est d´usage dans les stations balnéaire d´ajouter un balcon ou un bow-window sur une maison en direction (ou pas) de la mer pour la regarder (ou pas). Parmi les exemples choisis, deux fleurons de la station : les deux maisons sans vue dans la rue de la Mer (fig. 36), construites par les deux architectes les plus actifs sur la commune, Gaston Bellêtre (n°71) et Henri Vallette (n°69). Les deux exemples de balcons de l´architecture de l´après Seconde guerre mondiale présents ici (fig. 37, 38) illustrent la volonté d´avoir un usage réel dudit balcon traduit de manière ludique.
Les architectes
Les architectes actifs à Berck ont été identifiés grâce à leur signature, les articles parus dans les revues anciennes et dans les guides de voyage.
La plus belle réalisation d´Henri Valette est le Clos Fleuri (fig. 39), déjà citée, élevée en 1911. Cette villa, inspirée du style Art nouveau nancéen, présente un jeu de couvertures et des détails décoratifs, notamment ses épis de faîtage en céramique du Beauvaisis, uniques sur la station
L´architecte parisien G. Bourlot a réalisé deux immeubles de qualité (cf. ci-dessus), ainsi qu´une maison de style néo-normand (fig. 40).
Les Bellêtre semblent être une famille d'architectes : les matrices mentionnent Charles Bellêtre, contre-maître puis architecte en 1890. Plus connu est Gaston Bellêtre, architecte très actif et mentionné dans les guides de voyage entre 1904 et 1928. Ses réalisations sont d´un style plus homogène et reconnaissable, parmi lesquelles figurent de nombreux chalets (fig. 41).
Pendant l´Entre-Deux-Guerres, de nombreux architectes produisent des maisons modestes, de belles villas et des commerces. Les architectes associés
J. Chiossone et Michel César ont un style Art-Déco reconnaissable pour les maisons de ville et les commerces (fig. 42) et adoptent un style plus moderniste pour les maisons individuelles (fig. 43).
Dans le quartier de Lhomel, Albert Pouthier construit en collaboration avec Choppin d´Arnouville, le Grand Trianon (fig. 44). L´édifice, d´aspect monumental, combine une ordonnance néoclassique à des éléments rococo. La Sablonnière, située rue des Frères-Mozer (fig. 45), commandée au début des années 1920, par le riche propriétaire M. Vaudry à l´entrepreneur Tourolle, est aussi un édifice phare du quartier Lhomel.
Les entrepreneurs sont également sollicités pour la constrcution de maisons, les plus actifs sont Bai frères, René Cocquet, Veniel et Gailloux et Tourolle tous présents dans le Guide du Baigneur en 1928.
Comme pour les baigneurs fréquentant la station, l´origine géographique des architectes est locale, des départements voisins, la Somme, l´Oise ou de Paris. Deux architectes amiénois ont été actifs ; Antoine, associé à son fils, et Anatole Bienaimé. Les maisons de Berck présentent fort peu d´éléments caractéristiques de l´architecture balnéaire. Les plans et élévations sont des plus simples. Seuls quelques unicum offrent une physionomie de démesure et de fantaisie propre à l´habitat des stations balnéaires classiques.
Les chalets
La majorité des chalets berckois présente une élévation sur un étage carré et un étage de comble à une travée. Parmi eux, 22 % possède un rez-de-chaussée surélevé. Les variantes du type admettent, selon les individus : un plan en L (emprunt à l´architecture pavillonnaire), un corps de bâtiment latéral, un avant-corps au niveau du rez-de-chaussée, un bow- window. Certains chalets, non mitoyens à l´origine, ont été reliés par un corps de bâtiment central dans le but d´optimiser la surface habitable ou de créer une entrée commune, l´accès à l´intérieur des chalets se faisant en général par une porte-fenêtre en façade sur le rez-de-chaussée.
Leur mode d´implantation varie. Ils peuvent être non mitoyens et en retrait par rapport à la voirie (parfois avec jardin) ou au contraire mitoyens et alignés en front de rue. Certains ensembles de chalets, érigés au début du 20e siècle et présents sur le cadastre de 1912, conservent en 2006 leur physionomie générale (excepté quelques remaniements, le plus souvent l´adjonction d´un crépi). Le décor est sommaire, le plus souvent le cartouche contenant le nom de la maison en est l´élément le plus remarquable (carreaux de céramique, plaques émaillées, ...). Le jeu de couleur des murs à assises alternées (briques ocres/briques rouges) constitue souvent la seule animation de la façade, même si l´on constate la disparition de cet effet sous des badigeons fréquents.
Les toits à ferme orné parfois de lambrequins ou à demi-croupe débordante constituent l´un des rares caractères un tant soit peu pittoresque de ces chalets. La présence d´un sous-sol habitable dans de rares cas rappelle un mode de location saisonnier fréquent dans d´autres stations comme à Mers-les-Bains et typique de la villégiature balnéaire.
Chercheur de l'Inventaire général du patrimoine culturel.