Au cours de la Première Guerre mondiale, la ville d'Arras a été anéantie à 85%. Au lendemain de l'armistice, c'est un décor de désolation qui s'offre aux habitants d'Arras. L'ensemble de la ville est à reconstruire, seulement 5% des maisons sont indemnes. Le coeur historique de la ville a été touché de plein fouet laissant les places, l'hôtel de ville et le beffroi dans un état de ruine.
La reconstruction s'annonce longue. Ses principes sont établis par la loi Cornudet d'avril 1919 qui impose aux villes de plus de 10000 habitants de se doter d'un plan d'aménagement, d'embellissement et d'extension afin de s'adapter aux besoins de la ville moderne. Ce plan d'aménagement doit être accompagné d'un plan d'alignement et de nivellement des parties à reconstruire. À Arras, ce plan prenant le nom de Projet d'élargissement et de redressement concerne 60 rues, places, cours, pourtours et boulevards approuvé par décret en 1924.
Ce projet ambitieux ne se concrétise finalement que par des travaux de première nécessité pour remettre la ville sur pied, notamment en dégageant les grands monuments tels que l'hôtel de ville et le beffroi. L'élargissement des voies se cantonne essentiellement aux axes principaux : les rues commerçantes Gambetta, Ernestale et Saint-Aubert où le plan d'alignement s'applique non sans résistance des propriétaires dont les immeubles font l'objet d'expropriation par la municipalité et sont amputés de plusieurs mètres. D'autre part, des rues sont percées telle la rue Paul-Doumer qui se substitue en partie à la place de la Madeleine et permet une circulation plus aisée dans le centre-ville. Certaines places sont agrandies, c'est notamment le cas de la place de la Vacquerie, et d'autres sont créées sur l'emplacement d'immeubles détruits comme la place Viviani. D'autre part, dans le cadre du projet d'extension des villes, des quartiers ont été élargis comme le quartier Saint-Géry et les quartiers de Ronville et de Saint-Sauveur. Enfin, la ceinture de boulevards qui enserrent la ville est étendue à l'ouest : ainsi les boulevards Faidherbe et Carnot, qui s'étendent de part et d'autre de la place de la Gare, sont prolongés par le boulevard de la Scarpe et le boulevard de la Liberté.
L'agrandissement ou la modification de ces voies et de ces quartiers ont modifié en grande partie le cadre bâti d'avant-guerre. Partout ailleurs, on a tenté de le préserver : dans le coeur historique de la ville, la loi de 1919 impose une reconstruction à l'identique des monuments d'art et d'histoire présentant un intérêt national. Ainsi, les places, l'hôtel de ville et le beffroi retrouvent leur aspect originel. D'autre part, la volonté des habitants d'effacer rapidement le souvenir des années sombres va également dans le sens d'une reconstruction qui respecte dans une large mesure les caractéristiques architecturales du cadre bâti d'origine ; celui-ci fut teinté de régionalisme, style architectural prôné pour la reconstruction des villes détruites et qui fait écho à cette volonté générale de préserver l'identité des lieux. Cette reconstruction à l'identique était également un moyen d'assurer une reconstruction rapide, qui débarrasserait rapidement la ville des baraquements provisoires et des logements de fortune.
Toutefois, une situation économique difficile a empêché cette reconstruction à l'identique sur certaines parcelles : dans les rues frappées d'alignement, où la reconstruction des immeubles s'est étendue sur plusieurs années, les propriétaires les plus modestes ne disposaient pas toujours des moyens financiers suffisants pour assurer la reconstruction de leurs immeubles ; par conséquent, ils étaient contraints de céder leurs droits à d'autres propriétaires plus aisés.
Arras et l'Art déco
L'ensemble des données historiques existantes sur la Reconstruction laissent penser que ces propriétaires devaient être sensibles aux idées de l'avant-garde artistique auquel appartenait le style Art déco et commandaient aux architectes, des immeubles aux formes et aux ornements originaux, écho de cette architecture exubérante qui triomphe dans les années 1920.
Dans ces rues et ces quartiers agrandis, des éléments d'architecture Art déco sont ainsi introduits, venant côtoyer des édifices classiques du 18e siècle et tendant à brouiller la lisibilité du cadre bâti. Toutefois, dans une ville qui a souhaité conserver en grande partie son cadre d'origine, l'Art déco a peu l'occasion de se frayer un chemin : bien souvent, ce ne sont que quelques éléments qui viennent agrémenter des façades qui demeurent dans leur composition et leur gabarit résolument classiques. Ce mélange des styles engendre une architecture Art déco originale, spécifique à la ville d'Arras. Quelques édifices particulièrement représentatifs du style ont été détruits (hôtel du Commerce-cinéma Le Palace) au cours du 20e siècle ; toutefois, des cartes postales anciennes témoignent de leur qualité architecturale et de leur appartenance au style Art déco.