Fermes dites picardes (grange/atelier sur rue et logis en fond de cour), logis à étage sur rue et maisons à boutique sont les trois formes d’habitat relevées dans le village de Maisoncelle-Tuilerie.
Le type de la ferme picarde : une forme d’habitat à usage polyvalent
Les recensements du 19e siècle indiquent que la grande majorité de la population vivait de la tabletterie (plus particulièrement de la boutonnerie). Pourtant cette activité ne semble pas avoir induit un type d’habitat spécifique. En effet, comme en témoigne l’habitat du 19e siècle toujours présent aujourd’hui, les familles vivaient dans des fermes picardes traditionnelles, telles qu’on en trouve dans tous les villages du plateau picard.
Habitat des tabletiers
Cet habitat correspondait souvent à des activités artisanales (en particulier sergeterrie et tabletterie) combinées à des travaux agricoles. En effet, la polyvalence des activités était de mise et un artisan était souvent propriétaire d’un petit troupeau et parfois de quelques hectares de terres. C’est donc la présence d’un atelier, le plus souvent ouvert sur la rue qui distingue la ferme du cultivateur de celle du tabletier. Des exemples sont visibles dans la Rue Principale où les ouvertures allongées percées dans le bâtiment aligné sur la rue à côté de l’entrée charretière indiquent la présence d’un ancien atelier (n°43 (ill.) et n°42 Rue Principale).
Habitat des cultivateurs et manouvriers
Comme à partir des années 1920 les cultivateurs sont plus nombreux, les fermes sont le type d’habitat le plus fréquent rencontré aujourd’hui. De véritables fronts de granges alignées sur la rue sont visibles dans la Neuve Rue (n°31-33 (ill.) et 51 à 55 (ill.)) ou la Rue Principale (n°7, 9 (ill.) et 48 (ill.)). Ces imposants bâtiments indiquent la présence d’exploitations agricoles importantes. La ferme qui se trouve au n’27 de la Neuve Rue (ill.) est remarquable non seulement par l’importance des bâtiments en torchis et pans de bois alignés sur la rue mais également en raison du logis construit entièrement en pierre de taille. Celles-ci pourraient provenir du château d’Hardivillers, détruit vers 1820. La maison, construite en 1832 (date portée), pourrait avoir bénéficié des pierres issues de la démolition du château.
La plupart de ces fermes étaient cependant plus modestes compte tenu de l’étroitesse de la parcelle qui imposait la construction de bâtiments de plus petite taille. Des manouvriers, journaliers ou ouvriers les habitaient et complétaient leur revenu grâce à une petite exploitation vivrière. Si les granges sur rue ont souvent été détruites au cours du 20e siècle faute d’usage, quelques exemples sont encore présents dans la Neuve Rue (n°13 ou n°15A).
Les logis sur rue
Ce type d’habitat correspond au logement d’artisans ou de commerçants. Il est majoritaire dans la Rue Principale. Il pouvait comprendre uniquement un rez-de-chaussée (n°44 Rue Principale) ou un étage supplémentaire. Le logis est aligné sur la rue et percé le plus souvent d’une entrée charretière. Des artisans tablettiers vivaient le plus souvent dans ce type d’habitat dont de nombreux exemples se trouvent au sud de la Rue Principale (par exemple aux n°1 (ill.), 15, 17 (ill.) et 19).
Plusieurs fabriques de boutons dont celle de la famille Maillard employaient de nombreux habitants du village. Elles sont citées dans les recensements de population. Il est possible d’émettre des hypothèses quant à leur localisation. Peut-être que l’une d’elle se trouvait au n°46 (ill.) de la Grande Rue (imposant logis sur la rue, atelier en brique attenant) ?
Enfin, comme le montrent des cartes postales du début du 20e siècle, les n°2 Neuve Rue, 35 (ill.) et 37 Rue Principale étaient des commerces. La boutique se trouvait au premier niveau, tandis que le logement se tenait au second.
Les matériaux de construction
Comme dans tous les villages du plateau picard, les matériaux les plus utilisés jusqu’au 1er quart du 20e siècle ont été le torchis et le pan de bois. Des logis et granges sur rue construits avec ces matériaux sont donc encore très fréquents aujourd’hui (dans la Rue Principale par exemple aux n°43 (ill.), 17, 9 (ill.)).
L’art des charpentiers picards se révèle dans la mise en œuvre des impostes ajourées au-dessus des portes piétonnes des entrées charretières (n°7 (ill.) et 11 (ill.) Rue Principale).
La pierre est rarement employée, à l’exception des murs coupe-feu (grange du n°31 Neuve Rue, ill.) ou des solins où elle est employée avec la brique (granges des n°51 et 53 Neuve Rue, ill.). La maison reconstruite avec les pierres du château d’Hardivillers (n°27 Neuve Rue, ill.) fait donc exception.
Dans la 2e moitié du 19e siècle, de nombreux bâtiments sont reconstruits en brique. Outre les bâtiments publics, ce sont souvent les propriétaires les plus riches qui mènent ces travaux ce qui explique la taille imposante des logis datés de cette période (n°46, 31 et 39 dont la date de 1874 est portée sur la façade, ill.).
Enfin, le béton est utilisé massivement dans les nombreux pavillons qui sont construits dans le village (en particulier dans la Neuve Rue et au sud-ouest dans le hameau de Bois Gayant) à la faveur de la croissance démographique survenue à partir des années 1980.
Outre les maçonneries, les matériaux de couverture des toits ont évolué. Si le chaume était majoritaire dans la première moitié du 19e siècle (en 1841, sur 140 maisons, 101 sont en chaume), il suit l’évolution de toute la région et diminue très fortement dans la 2e moitié du 19e siècle à la faveur d’arrêtés préfectoraux (en 1861, sur 130 maisons, 61 sont en chaume, 35 en ardoise et 34 en tuile).
Photographe au service de l'Inventaire du patrimoine culturel de la région Hauts-de-France (2023).