Un centre nautique illustrant l’évolution des piscines dans les années 1990
La piscine de Nogent-sur-Oise représente l’évolution typologique des piscines à partir des années 1980. En effet, dans les années 1990, les piscines sont de plus en plus tournées vers les loisirs et la détente. Répondant à de nouveaux besoins (loisirs de masse, temps libres plus importants), ces piscines de nouvelle génération attirent une population de plus en plus large. Cette évolution s’illustre par l’apparition de nouvelles terminologies pour désigner les piscines, dont les équipements et aménagement sont variés, à vocations multiples : on parle de centres ou de complexes nautiques ou aquatiques. A Nogent-sur-Oise, si la fonction sportive est toujours présente grâce au bassin de 25 x 12,5 m, l’attraction du lieu vient surtout du grand bassin ludique avec son toboggan géant – qui remplace le bassin-école des piscines des années 1960-1970 –, destiné aux enfants, ainsi que par l’espace remise en forme comprenant un sauna et un hammam.
Cet équipement illustre également une évolution dans le financement et la gestion des piscines. Désormais, les municipalités se regroupent en intercommunalités, ce qui permet à des petites communes de pouvoir faire construire des équipements lourds, qui pourront profiter à une large population.
Un projet tardif mais caractéristique de l’œuvre de l’architecte Roger Taillibert
Par son architecture, cette piscine se situe dans la continuité des expérimentations menées par les architectes, en collaboration avec des ingénieurs et entrepreneurs, à partir des années 1960-1970. Ces expérimentations portent sur de nouveaux matériaux, de nouvelles formes et structures pour couvrir des équipements sportifs, et notamment des piscines. A Nogent-sur-Oise, on retrouve les caractéristiques du travail de Roger Taillibert, concernant ses recherches sur l’harmonie, la légèreté et la pureté des formes courbes et sculpturales, sur l’économie de matière et surtout sur les structures et systèmes constructifs (souvent des coques ou voiles mines courbes en béton précontraint) autoportants permettant de couvrir de grands volumes et de découvrir de grandes façades vitrées. On retrouve ce principe de coques ou coupoles dans de nombreux équipements sportifs réalisés par l’architecte dans les années 1970 : ainsi, la piscine marine de Deauville (1966), la piscine olympique et le Centre National Sportif et Culturel du plateau du Kirchberg au Luxembourg (1984) ou encore le complexe sportif avec piscine de Chamonix (1973). La carrière de Roger Taillibert est jalonnée par un grand nombre d’équipement sportifs, dont le Parc des Princes (1972) et le complexe olympique de Montréal (1976). En matière de piscine, il s’est également distingué par ses piscines expérimentales à couverture ultralégères en toile tendue rétractable, dont le projet a été primé lors du concours national sur le thème des piscines transformables organisé par le Secrétariat d’Etat à la Jeunesse et aux Sports en 1969.
Par ailleurs, la forme de la piscine de Nogent-sur-Oise n’est pas sans rappeler celle du C.N.I.T., bâtiment emblématique de l’architecture en béton du 20e siècle, construit en 1958. Outre la structure, les matériaux utilisés sont également caractéristiques de l’architecture des piscines, des années 1960 à 1990 : béton, bois lamellé collé et grands panneaux de verre.
Enfin, l’attention portée par l’architecture à l’orientation de la piscine et à son insertion dans l’espace environnement témoigne des réflexions de l’architecte sur la gestion et la place des équipements sportifs au sein des villes. Selon lui, les bâtiments sportifs doivent présenter des formes architecturales inédites et grandioses et des matériaux singuliers, afin de se démarquer et d’affirmer leur importance dans le tissu urbain, tout en s’y intégrant. L'équipement devient alors un bâtiment-phare, symbole de la modernité de la ville.
Ainsi, la piscine de Nogent-sur-Oise n’est pas un des projets les plus connus de l’agence Taillibert (car datant des années 1990) mais elle est néanmoins emblématique de l’expression plastique et technique de l’architecte et s’inscrit dans la continuité des expérimentations architecturales de la seconde moitié du 20e siècle.
Roger Taillibert (né en 1926 à Châtres-sur-Cher), architecte.
D'abord élève à l'Ecole du Louvre, Roger Taillibert entre à l'Ecole des Beaux-Arts en 1949 et devient architecte D.P.L.G. en 1956. En 1963, il ouvre sa propre agence à Paris. En tant qu'architecte en chef des Bâtiments civils et des Palais nationaux, il est missionné en 1966 par le Ministère de l’Éducation nationale et des Sports pour faire des recherches de structures dans le domaine sportif. De ce fait, son activité est essentiellement tournée vers les équipements sportifs; mais il réalise aussi beaucoup de complexes hôteliers. Le très remarqué complexe olympique de Montréal permet à l'architecte de s'ouvrir à l'international. Il opère en tant qu'architecte-conseil auprès de nombreux gouvernements. Depuis le début des années 1980, il a œuvré de nombreuses fois pour certains pays d'Afrique et du Moyen-Orient, d'où la création d'une nouvelle agence en 1987 basée à Abu-Dhabi.
Sa carrière est jalonnée par de très nombreuses distinctions et prix. Ainsi il a notamment reçu la Médaille d'argent de l'Académie d'Architecture en 1971, la Médaille d'or de la Création architecturale en 1973, le Grand prix National des Arts et Lettres, section Architecture, en 1976, le Prix Elphège Baude en 1977, le Prix européen d'architecture métallique en 2000, etc. Il est également Commandeur de la Légion d'Honneur, chevalier dans l'Ordre du Mérite pour le Commerce et l'Industrie et titulaire de la Médaille de Vermeil de la "Ville de Paris". Enfin, il est membre de la "Royal Society of Arts" de Grande-Bretagne depuis 2000, de la section d'architecture de l'Académie des Beaux-Arts depuis 1983, succédant à Eugène Beaudouin. Il en devient le président en 2004.