"Aspect général de l´entreprise : Monsieur Poulin Albert est de nationalité française, né à Roye le 13 mai 1862, marié à Ham le 20 juillet 1896 sous le régime de la communauté de biens réduites aux acquêts. Il est propriétaire à Crisolles d´une sucrerie et d´une exploitation agricole importante comprenant notamment les fermes de Crisolles, Muirancourt, Rimbercourt, Bussy, Sermaize et Fond-Gametz. Une distillerie qui n´avait jamais fonctionné avant guerre venait d´être jointe à l´ensemble et devait être mise en marche à la campagne betteravière 1914-1915. Le sinistré avait acheté le matériel de la râperie de Moy et possédait l´ancienne sucrerie de Noyon qui était en démontage pour y installer une râperie avec le matériel de Moy. Lors de l´invasion en 1914, M. Poulin est resté à Crisolles. Les Allemands l´ont obligé en 1914/15 à effectuer le traitement des betteraves de la région en utilisant les stocks de matières premières et approvisionnements préparés pour la campagne et en mettant à sa charge le paiement des salaires. M. Poulin a été emmené comme otage le 10 février 1917 et à leur recul en 1917, les Allemands ont incendié une grande partie des bâtiments. Bombardement intensif en 1918, Crisolles et ses environs étaient situés dans la région Ham-Noyon.

Dommage consécutif à : occupation, main d´oeuvre imposée par l´ennemi, enlèvement et destruction de mobilier, marchandises, matières premières, destruction de matériel et d´immeubles.

La demande relative aux dommages industriels a été enregistrée à la Commission de Guiscard sous les n° 2282 et 2289 le 3 décembre 1920. Le n° 2941 concerne les immeubles bâtis et matériel.

Constatation des dommages. L´usine de M. Poulin a traité, dans la campagne de 1913-1914, 397 tonnes de betteraves par jour. La distillerie pour 120 hl de flegme. Le personnel employé était de 170 ouvriers en période de fabrication et de 70 en période d´arrêt. L´arrêt a été occasionné par l´invasion. Le remploi a été effectué à partir de 1919. La distillerie a fonctionné à partir de 1922-1923 et la sucrerie à partir de la campagne 1924-1925. L´affaire a été étudiée pour les immeubles bâtis et le mobilier par M. Rolland, architecte expert de la commission centrale d´expertise. Pour le matériel et les approvisionnements par M. Lefebvre, expert O.R.I. au 9e secteur.

[...]

Le dossier comprend la sucrerie de Crisolles, une sucrerie en non activité et une habitation à Noyon, 52 immeubles, dont la ferme de Muirancourt, la ferme de Sermaise, une ancienne brasserie à Rezavoine, le vieux château de Quesmy avec ses dépendances et diverses fermes et habitations à Crisolles et communes avoisinantes, le tout dans le département de l´Oise.

En ce qui concerne la sucrerie de Crisolles, des photos ont été prises par l´ORI. Le remploi, commencé en 1919, a continué jusqu´à ce jour. La période la plus active aurait débuté en 1922, jusqu´au 15 mai 1922. 630 098,08 francs seulement étaient nomenclaturés dans un état de travaux figurant au dossier alors qu´au 15 novembre 1924, ils s´élèvent à 3 000 000 francs.

Nous n´avons que des renseignements très vagues concernant la nature du remploi : des cités ouvrières ont été érigées. En masse, il semble avoir été fait en similaire sur place [...].

Nous faisons observer que dans la demande, le bâtiment à usage d´habitation est considéré comme endommagé dans le gros oeuvre de sa partie gauche aux 4/10e seulement et que sa partie droite est considérée comme détruite entièrement, même la cave à 10/10e. Cela est possible mais pas évident. Le bâtiment D à usage de fournil, étable et pressoir est considéré comme endommagé aux 9/10e dans son élément mur, alors qu´il est endommagé seulement aux 2/10e dans son élément charpente. Cela est surprenant.

[On mentionne une référence à la police d´assurance pour des bâtiments dits bâtiments des Belges wallon et bâtiment des Belges flamands].

Pour le matériel, le sinistré a établi sa demande en copiant mot à mot le barème du Pas-de-Calais établi après guerre et relatif à une sucrerie type 500 tonnes/jour, sans tenir compte de ses dimensions et de l´existence réelle de ses appareils, de ceux qui étaient réparables, ni du travail journalier moyen qui a été dans l´exercice 13/14 de 397 tonnes d´après la régie (...).

Le matériel de l´usine n´était pas homogène. Il s´y trouvait du matériel fort ancien, notamment deux générateurs de 124 m² et 197 m² timbrés à 5 kilos. Le sinistré parle d´une pompe à gaz correspondant à 1 200 tonnes de betteraves travaillées, toutes choses qui laissent à penser que le matériel disparate de l´usine devait provenir d´usines désaffectées des environs. A l´appui de ceci, on voit les trois vieilles usines achetées par le sinistré à Noyon, Moy et Sacy-le-Petit dans le but de servir à des installations nouvelles."

AD Oise ; 10 Rp 1849.