L’intérêt pour l’histoire des manufactures de faïence de Saint-Amand remonte au milieu du XIXe siècle et a fait l’objet de travaux historiographiques ; Le docteur Alfred Lejeal, collectionneur, relate l’histoire de la manufacture Fauquez dans Une marque de faïence contestée, en 1865, puis dans Recherches historiques dans les manufactures de faïence et de porcelaine de l’arrondissement de Valenciennes. En 1920, Jean Carpentier complète les analyses du Docteur Lejeal sur l’existence d’une seconde fabrique de faïence, appartenant aux Desmoutiers.
Les origines de la faïence à Saint-Amand au XVIIIe siècle
La faïencerie Desmoutiers-Dorez
Certaines sources consultées par ces historiens permettent d’affirmer que la plus ancienne fabrique de faïence fut fondée dans les premières années du XVIIIe siècle par Nicolas Desmoutiers (né vers 1680) et fonctionne en 1725. La fabrique était située rue du Prévôt (actuelle rue Davaine), donnée par Nicolas Desmoutiers à sa fille en dot lors de son mariage avec Robert Flescher, seigneur des Préaux, bailli de Wiers. La manufacture est mise en location, les époux s’installent dans l’hôtel particulier qui jouxte la manufacture.
Martin-Claude Dorez (né à Lille en 1704), peintre vernisseur et marchand, fils du faïencier Barthélémy Dorez originaire de à Lille loue la manufacture aux Flescher qui construisent un moulin à cheval pour moudre les plommures (terres cuites vernissées).
Des soucis juridiques le poussent à rétrocéder son bail en 1741 à Pierre-Joseph Dronsard, brasseur. Il part en 1743 diriger la manufacture fondée en 1737 par son frère Louis à Valenciennes. A la faillite de celle-ci, il quitte la région pour Aprey (Haute-Marne), puis Mathaux (Aube) où il dirige une manufacture. Sa carrière s’achève en 1753.
La faïencerie Fauquez
Au début du XVIIIe siècle, des difficultés d’exportation se posent après la prise de Tournai par les Autrichiens en 1709, les frontières se ferment, les taxes douanières deviennent prohibitifs entre la Flandre française et autrichienne.
C’est peut-être ces raisons qui poussent le faïencier Pierre-Joseph Fauquet (ou Fauquez, famille établie depuis le début du XVIIIe siècle à Tournai) à s’installer à Saint-Amand-les-Eaux (dépendant du Tournaisis), dans une manufacture vendue par Marie-Josephe Lefranc, veuve de Georges Serret.
Son fils, Jean-Baptiste Fauquez (né en 1742) dirige l’établissement puis reprendra officiellement l’affaire en 1773 jusqu’à son départ au moment de la Révolution. Il entreprendra de fabriquer de la porcelaine tendre, autorisées par arrêt du Conseil d’Etat du Roy en 1766. La faïencerie Dorez ayant fermé ses portes laisse libre champ à Fauquet. Sa propriété est décrite dans la liste des biens en héritage de Fauquet : « Grande maison à porte cochère, chambres, cours, caves, pacus, plusieurs fours et moulins, servant à la manufacture de fayance, située… rue de la Prévôté dite Bofanteaux… et par derrière à l’ancien lit de la rivière d’Escarpes. » La description de 1797 indique que la fabrique est agrandie d’une ferme mitoyenne et de terrains. L’ensemble se situait approximativement près de l’angle de la rue Thiers et l’actuelle rue Nationale, non loin d’un des lits de la Scarpe, et fut remplacé par de nouvelles constructions après sa destruction à la Révolution.
Après la Révolution et le XIXe siècle industriel
Maximilien Joseph de Bettignies ; de la rue du Wacq (1818) au Moulin des Loups
Le préfet Dieudonné mentionne en 1804 l’existence d’une faïencerie. Le traité de 1815 séparant Tournai de la France permit l’installation en 1818 du porcelainier tournaisien Maximilien Joseph De Bettignies à Saint-Amand rue du Wacq (près de la rue de Valenciennes), près de l'ancien lit de la Scarpe et non loin des premières manufactures de faïence de la rue du Prévôt. De Bettignies prospère, rachète la manufacture Bastenaire-Dorchies (rue de Marillon, sud de la gare) puis s’installe en 1837 non loin de la forêt qui l’alimenta en bois, dans le quartier qui prend le nom de Moulin-des-Loups, lors de la construction de moulins à vent comme force motrice pour cette usine. La première machine à vapeur y est installée en 1853. En 1877, ses fils transforment l’usine en société anonyme de « Société céramique du Nord » et adoptent la production de faïence stannifère et de la porcelaine tendre, une production couteuse exposée dans les grandes expositions internationales (à Valenciennes en 1833, Paris en 1849, 1853, 1855, 1866 et 1867, Londres en 1851 et 1862).
La production d’objets en porcelaine tendre n’étant pas rentable, l’usine fait faillite et est rachetée en 1880 par des brasseurs associés parmi lesquels figure Camille Bouchart qui fondent la société Manufacture de Faïences et Porcelaines du Moulin-des-Loups. Après la fermeture pendant la première Guerre, l’usine est fusionnée avec les poteries L’Herminé d’Orchies. Celle-ci se concentre sur la production de faïence fine, puis crée une fabrique de carreaux « La Carrioterie » dans l'ancienne malterie Bouchart de la rue de la Scarpe en 1910. La Seconde Guerre ferme une deuxième fois l’usine qui s’arrête définitivement en 1952. Jusque dans les années 1980 y sont conservées deux fours circulaires à flammes directes reprenant la forme traditionnelle du XIXe siècle. Un des deux fours est démoli en 1981. Une procédure de classement est engagée pour surseoir à la démolition du second four et un arrêté d’inscription au titre des MH est pris le 16 décembre 1985. Le second four est néanmoins détruit en février 1986.
Une expansion spectaculaire entre 1880 et 1914
En 1892 est fondée par Albert Lebacqz et Maurice Bouchart la faïencerie Grands Etablissements Céramiques, installée le long de la Scarpe. En 1923 elle fusionne avec la Société Amandinoise de Faïencerie et Produits réfractaires dite Faïencerie de la gare (ADN M417/7424), établie près de la gare et créée en 1900 par Oscar Demeyer.
En 1896 la manufacture de Wandignies-Hamage s'installe dans une sucrerie du quartier du Moulin des Loups.
En 1909 s'ouvre la Nouvelle Usine Céramique et la même année, Paul Meurein crée une faïencerie au lieu-dit "Les Quatorze" ou "Maroc" qui crée de la Majolique jusqu'en 1914. Pendant l’Entre-Deux-Guerres, l'entreprise prend le nom de Céranord.
Aucune de ces entreprises n'a été conservée à ce jour.
Chercheur de l'Inventaire général du patrimoine culturel.