L'ancien château de Fargniers est bâti en 1636. En 1792, la propriété est achetée par Claude Guillaume de Priel (1778-1867), fils d'un marchand de bois de Chauny. Il est proposé à la vente amiable en 1878 (Guetteur de Saint-Quentin et de l'Aisne, 28 avril 1878, p. 4), puis mis en vente par adjudication avec le verger attenant en 1885, à la mort de son fils Nicolas Paul Guillaume de Priel (1797-1885) (Journal de la ville de Saint-Quentin et de l'arrondissement, 18 octobre 1885). Il est acquis par Jules Stanislas Thévenart (1833-1902), cultivateur à Fargniers. En 1914, il appartient à son gendre, Henry Edouard Thévenart, également cultivateur. Détruit durant la Première Guerre mondiale, il n'est pas reconstruit.

Francis Eck (2003) en donne cette description : "Construction assez typique de cette époque, le château était une massive demeure en brique et pierre à deux niveaux construite sur un vaste sous sol. Sa haute toiture était percée de trois ouvertures dont la centrale avec oculus correspondant à la travée centrale formait une sorte d'avant-corps tout en pierre, avec un balcon au premier niveau, et au rez-de-chaussée, précédé de quatre marches, une très belle porte d'entrée en bois sculpté. Chaque niveau, séparé par un cordon de pierre, avait sept travées. La brique s'intercalait entre les ouvertures et remplissait l'espace laissé par les chaînages en harpes des fenêtres".

La ville de Fargniers légataire universelle d’un ancien maire

Voici les termes du testament de M. Lherondelle le regretté maire, conseiller général radical-socialiste du canton de La Fère. Par ce testament en date du 7 août il institue légataire universelle la ville de Fargniers dont il a été maire pendant plusieurs années et à la reconstitution de laquelle il avait pris une si grande part.

"J'institue pour locataire universelle la ville de Fargniers pour tous nos biens, immeubles bâtis ou non bâtis pour entrer en jouissance après le décès de ma femme. Je prie le Conseil municipal d'accepter le legs sous les réserves suivantes : les revenus ne seront pas employés annuellement mais totalisés tous les cinq ans de manière à constituer à chaque période quinquennale une somme importante dont le produit pourra constituer un capital pour les intérêts et venir en aide à une œuvre locale telle que bureau de Bienfaisance, Croix-Rouge, Caisse de secours, œuvre scolaire ou postscolaire. En cas d'utilité, le produit de la période quinquennale, au lieu d’être placé, pourra servir à tout aménagement ou embellissement des places et édifices communaux. Ces clauses n'ont rien de limitatives. Je m'en rapporte à la sagesse des édites de la commune de Fargniers pour s’inspirer de l'esprit qui m’a animé plutôt que de la lettre".

Progrès de la Somme, 29 août 1933, p. 4.

Fonderie de fer, fondée par François Curé, ingénieur civil, qui fait breveter un poêle avec foyer à vent à tous le chauffage domestique en général, en 1853. Sa fonderie est signalée dans l'annuaire général commercial et industriel de 1855, "spécialement pour instruments de chauffage, cuisinières avec foyer à vent et double tirage, châssis en tabatières, breveté en France et à l'étranger".

En 1855, la fonderie de fer est reprise et agrandie par le maître de forges Auguste Viry, qui se spécialise dans la fonte de fer et la fabrication de fontes moulées de toute espèce comme il en fait la promotion dans le Journal de la ville de Saint-Quentin, en 1857. Deux ans plus tard, il est contraint de mettre la fonderie en vente, suite à une faillite (Journal de Saint-Quentin).

Il est ensuite transformé en fonderie de cuivre G. Guyot qui emploie François Curé comme fondeur (1863). L'année suivante François Curé signale sa fonderie à Maronne (76) mais également son usine de Fargniers. La fonderie, mise en vente en 1870, devient établissements A. Guettier et Cie et G. Guyot, vers 1870, puis la S. A. des fonderies et ateliers de Tergnier et Fargniers, dont le siège social est à Paris et qui participe à l'exposition de Compiègne en 1877. La fonderie, située à Fargniers, et les ateliers de Tergnier, en cours d'exploitation sont à nouveau mis en vente en 1879 (Journal de Saint-Quentin), puis en 1903, par suite de dissolution de la société :

"DÉSIGNATION Les Fonderies de fer, fonte malléable, acier moulé et bronze, avec ateliers de modelage, ajustage et construction, pouvant occuper 250 ouvriers, sises à Fargniers (Aisne), sur le canal de Saint-Quentin, près la gare de Tergnier, comprenant : 1° Clientèle et achalandage ; 2° Usine proprement dite, constructions et terrain, le tout contenant 8.837 mètres carrés. Mise à prix : 50.000 fr. Consignation pour enchérir : 5.000 francs. A prendre en sus : matériel, outillage, modèles et marchan dises, et obligation de continuer tous traités. S’adresser, pour tous renseignements : à M. Achille Fontaine, expert-comptable à St-Quentin ; à M. Eugène Oudin, industriel à Fargniers, tous deux liquidateurs de la Société" (Le Guetteur de Saint-Quentin, 12 juillet 1903, p. 3).

Après la Première Guerre mondiale, elle devient Société nouvelle des fonderies de Tergnier-Fargniers (1922).

La distillerie de la Couronne, société anonyme créée en 1893. Les administrateurs de la Société sont MM. Quéquignon, fabricant de sucre à Grugios ; Trollé, ingénieur à Seclin ; Emile Rousseau, président honoraire de la Chambre de commerce de Saint-Quentin ; Landrin, fabricant do sucre à Berlaucourt. Les commissaires de surveillance sont MM Sébline, sénateur, agriculteur à Montescourt et Malin, directeur de la sucrerie d’Athies (Somme). (Journal de Saint-Quentin 12/2/1893, p. 3).

Construite entre la voie ferrée et le canal, au lieu-dit le Bouillon, elle produit de l'alcool dénaturé dont elle fait la promotion à la Galerie des Machines, en 1902.

"La distillerie de la Couronne, près de Tergnier, expose tout ce qu’on peut imaginer d’appareil de ménage à l’alcool d’un emploi immédiat, d'un entretien presque nul et d’une commodité remarquable : une cheminée, un poêle, un réchaud de cuisine, un fer à repasser. La Couronne expose aussi une lampe "Réforme" qui s’allume sans enlever le verre ni sa galerie et qui fonctionne comme une lampe à pétrole. Le Journal de Saint Quentin a longuement parlé, il nous en souvient, de ces lampes dont la construction est due à MM. Delamotte, de Quessy. L’ancienne salle des Fêtes est transformée en chambre noire fort éclairée, car tous les appareils d’éclairage à l’alcool y répandent une clarté aveuglante

Vive l’alcool, à bas le pétrole, Journal de Saint-Quentin, 27 mai 1902, p. 1.

Ces fameuses lampes à alcool sont maintenant une attraction dans les fêtes publiques comme jadis l’électricité naissante. A Liez elles ont cet avantage d’être tout à fait locales puisque les concessionnaires du brevet sont MM. Delamotte, de Quessy et que l’alcool qu’on y brûle vient de la distillerie de la Couronne, à Fargniers. (Journal de Saint-Quentin 11 juin 1902, p. 3).

Détruite durant la Première Guerre mondiale, n'est pas reconstruite.

La société Eugène Oudin et L'Hérondelle, constructeurs d'instruments d'agriculture à Fargniers, créée en 1886 pour 15 ans (Archives commerciales, mai 1886, p. 618). Elle commercialise des semoirs à engrais "système Lhérondelle" breveté S. G. D. G. (avant 1883) pour lequel elle obtient plusieurs récompenses et pompe à sangle et clôture métallique (1889). Au début du 20e siècle, peut-être au décès de Louis Adolphe L'Hérondelle (constructeur mécanicien), la maison Oudin et l'Hérondelle devient Oudin fabricant. En 1914, Eugène Louis Auguste Oudin, vend : "Un Fonds Industriel de Construction Mécanique, Instruments Agricoles, Charronnage, Maréchalerie, auquel est joint le Commerce de Charbons que M. OUDIN exploitait dans un immeuble sis à Fargniers, route Nationale de La Fère à Chauny ou rue de la République appartenant à M. Léon Julien L’Hérondelle, propriétaire demeurant à Fargniers, sous l’enseigne "E. OUDIN, Constructeur-Mécanicien, ancienne maison OUDIN et LHERONDELLE"" (Le Réveil de l'Aisne, 18/3/1914).

Léon Julien L'Hérondelle (1871-1933), industriel à Fargniers (1903), devient maire de Fargniers.

Oudin, directeur associé de la société des fonderies de Tergnier-Fargniers (1893).

Une visite à Fargniers, ville modèle des régions libérées

La question primordiale : les matériaux allemands l

[de notre envoyé spécial] Fargniers. 30 septembre.

"[...] C’est ainsi qu’on m’avait dit : Allez donc faire un tour aux environs de Tergnier. On y fait un beau travail de reconstitution. Chauny, Tergnier, Fargniers, La Fère cités actives autrefois. Les feuilles grasses des betteraves couvraient d’un vert cru et violent l’immense plaine. Et les sucreries, les usines métallurgiques, les entrepôts — châteaux de briques rouges surmontés de ces immenses et maigres tours, les cheminées — surveillaient ces richesses de la terre.

[...] Les habitants sont revenus. Chauny et Tergnier ont connu la gloire d’une renaissance soudaine. On a même parlé, comme d’un exemple édifiant, de la cité-jardins bâtie à côté de cette dernière ville, pour les cheminots.

Certes, les maisons de bois, bariolées de couleurs vives. les chalets de ciment chapeautés de toits étranges, toutes ces constructions de formes très modernes, apparaissent, parmi les fleurs, les haies de tournesols, les plantes potagères, et sous la toison rousse des vigne vierges, comme les visages colorés d'une foule en liesse.

— Hélas ! ce n'est là, me dit un architecte, qu’une opulence de façade.

Et la plupart de ces maisons ne peuvent être tenues, elles aussi, que pour des demeures provisoires. Les caves et les greniers n’existent pas ou sont insuffisants. Ne parlons pas de l’adduction des eaux, ni du système des égouts, qui devraient servir à la purification de la cité. Tout ce que vous voyez ici — et qui est fort joli — ne saurait être définitif.

Si vous voulez connaître une ville vraiment moderne, vraiment complète, visitez donc Fargniers.

M. Léon L'Hérondelle, maire de Fargniers, président du Conseil d'arrondissement, est un homme calme, aux larges épaules, au teint fleuri. Il sourit volontiers ; mais le regard des yeux clairs est singulièrement énergique.

[...] Fargniers est une ville de 3000 à 4000 âmes. Nous revînmes 12 à l'armistice.

Mais sans attendre, nous nous sommes mis au travail. En quelques jours mon plan fut conçu. Il fut d'ailleurs accepté presque aussitôt.

Et c’est là ce qui nous a sauvés. Fargniers est maintenant la seule ville du front dont le plan primitif de reconstruction soit exécuté intégralement.

[...]

Le gouvernement nous adressa de belles circulaires :

— Elaborez des plans ; des plans complets et magnifiques. Que tout soit prévu que les villes du front deviennent les mieux organisées, les plus modernes du monde.

On traça sur le papier de belles figures géométriques... Mais on ne se pressa point. Bientôt on s’aperçut que l'Allemagne paierait moins qu’on n’avait cru.

Alors, nous reçûmes de nouvelles circulaires gouvernementales.

— Eh là ! nous disait-on, vous allez un peu fort. Il faut rogner... Nous sommes pauvres. L'Allemagne paiera... mais pas tout de suite.

C’est ainsi qu’on enterra les fameux plans. Depuis, on a reconstruit sur les anciens tracés. Les villages renaissent : le désordre et la vieillerie d’avant-guerre renaissent également.

Pour moi, j'en avais, dis-je, usé d’une autre sorte.

D’abord les anciennes routes — même nationales — qui passent par Fargniers, j’avais décidé de les redresser. Je n’aime pas que les voies, surtout en plaine, ne soient point droites.

Sans attendre les autorisations nécessaires, je fis construire nos premières maisons sur l’emplacement même de la grande route Paris-La Fère. Et je fis tracer une nouvelle, qui, toute droite, va du pont du canal à la ville voisine.

Quand on me demanda de présenter un projet plus modeste, il était trop tard. Tout était déjà transformé. Il fallait bien accepter le fait accompli.

L’aide américaine

Il faut dire aussi que nous eûmes de la chance, la dotation Carnegie nous adopta. Elle nous attribua d’abord une somme, de 1.600.000 francs. Et, depuis, quand on prétend nous mettre des bâtons dans les roues, elle intervient. On n’ose pas résister. On s’incline...

Et maintenant, venez voir notre cité.

Nous voilà dans la plaine. Ces larges sillons où l’on entasse d’énormes blocs de pierre, que les rouleaux à vapeur enfoncent à grand fracas, ce sont les nouvelles routes.

— Voici le centre de la ville, dit M. L’Hérondelle.

— Mais nous sommes à son extrémité ?

— parce qu’il faut prévoir... Dans quelques années nous serons huit mille ici. De l'autre côté, j’ai donc réservé un espace suffisant pour loger les 4000 habitants nouveaux. J’ai d’ailleurs déplacé les usines d’autrefois ; je les ai rapprochées de la voie ferrée.

Donc ceci s’appellera la place Carnegie.

C’est un vaste cercle où aboutissent les roules voisines, détournées elles-mêmes de leur ancien parcours : celle de Ham, qui file vers Amiens, celle de Saint-Quentin, qui monte vers le Nord, et la grand’route de Paris à Laon, par Tergnier et La Fère.

— Ce seront, à travers la ville, de larges avenues. Nous ne les appellerons point le boulevard Foch, ni l’avenue Clemenceau : parce que la renommée des hommes est souvent éphémère comme la mode des habits. Nous les baptiserons d’une façon plus simple : avenues de Ham, de Tergnier, de Laon, de Saint-Quentin. Ainsi, lorsque les automobilistes passeront par Fargniers, le nom même des voies leur indiquera la direction qu’ils devront prendre.

Tout autour de la place Carnegie s’élèveront les bâtiments communaux : l’hôtel de ville, le marché couvert, le bureau de poste, les écoles, la Maternité avec une pouponnière et un jardin pour les enfants ; la salle des fêles, enfin un établissement de bains, avec bains-douches, piscine, le tout environné de terrains de jeux.

Au milieu, des jardins magnifiques, plantés d'arbres.

Les écoles ? Elles sont, déjà fort avancées. Il y aura deux groupes de six classes, des préaux immenses, les logements des instituteurs et des institutrices.

J'ai visité ces classes. Dans le vestibule, on a installé des casiers pour chaque élève et des lavabos ; car l’enseignement de l’hygiène vaut celui de l’histoire... Et les enfants, en arrivant, ôteront leurs soulier, chausseront des pantoufles. Et l’on pourra cirer les parquets de l’école...

Le plancher des salles d’études est disposé en gradins, afin que les plus petits parmi les gosses voient le tableau noir et les cartes, comme les grands.

Tous les angles des murs et du plafond sont arrondis : guerre à la poussière ! Enfin, des baies immenses de chaque côté. Le voilà bien le paradis des enfants !

Nous aussi nous voulons des matériaux allemands

— Vous le voyez, ajoute le maire de Fargniers, nous avons travaillé. Hélas ! nous ne sommes pas au bout de nos peines. Ce qu’il nous faut maintenant, c'est de l’argent...

Nous avons le droit, sans doute, de faire des emprunts.

Mais les autorisations sont longues à venir. Et l’on n’accorde pas toutes les sommes que nous demandons.

Il y a une autre difficulté. L’Etat exige que l’argent consenti soit employé dans un délai déterminé : une partie, du moins, doit être utilisée dans les six premiers mois de l’année pour laquelle les crédits sont prévus.

Nous venons enfin d’obtenir les sommes demandées. Mais voici l’hiver : on nous donne de l’argent au moment où les travaux devront être réduits au strict minimum.

Eh bien, je vous le dis en confidence, on n’a peut-être pas eu tort de limiter les crédits.

C’est que, voyez-vous, nous sommes la proie des mercantiles français. Dès qu’ils savent que nous avons de l'argent. LES FOURNISSEURS DE MATERIAUX FONT LA HAUSSE ! Voilà le scandale !

C’est pourquoi nous demandons des matériaux allemands.

Leur entrée en France, c’est le seul régulateur des prix — le seul moyen que nous ayons de combattre la cupidité, la boulimie des fournisseurs de chez nous! Il faut, à tout prix, organiser la concurrence.

Les matières premières venues d'Allemagne sont d’aussi bonne qualité, et moins chères que celles offertes par nos marchands. Qu'on nous on procure donc : ainsi pourrons-nous effacer de notre sol l’immense tache des ruines.

Mais que dis-je ? On a taxé le pain. Le ciment, la brique, le bois et le fer, voilà la nourriture indispensable aux régions dévastées. Pourquoi ne les taxe-t-on pas aussi ?

Le bois de construction coûtait 20 francs avant la guerre : aujourd’hui, il en coûte 200. Or le coefficient d’augmentation du prix de la vie est aujourd’hui stabilisé aux environs de 4,25. Pourquoi le bois coûte-t-il 10 fois plus qu’en 1914?

Ainsi parla le maire de Fargniers.

Comprendra-t-on en haut lieu Ie raisonnement de ce parfait administrateur ?"

GYBAL, André "Une visite à Fargniers, ville modèle des régions libérées". Le Quotidien, 1er octobre 1923, p. 2-3.