Le sol sablo-argileux ajouté à la présence de multiples sources tendent à justifier l´occupation du site dès l´époque néolithique (silex et sépultures de la fin de l´Age de pierre). L'installation d'une population gallo-romaine au lieu-dit Le Pré du Moulin (jusqu'au 3e siècle) est attestée par la découverte de fours de potier et de bronzier et de plusieurs bas-fourneaux de fer. Barthélemy de Joux et Bernard de Clairvaux investissent ensuite l´emplacement en 1134 au lieu-dit Curtmenblein, afin d´y fonder la quinzième fille de Clairvaux. L'abbaye prend alors le nom de Vallis Clara en hommage à la communauté fondatrice. A la tête des moines, se trouve le savant écolâtre anglais Henri Murdac (futur abbé de Fontains puis archevêque de York). Les travaux de la première église, exécutés d´un seul jet, s'achevèvent en 1142. Suivant le plan typique des églises fondées par Clairvaux, parfaitement adapté à la première liturgie cistercienne, l´édifice est pourvu d´une longue nef de neuf travées, d´un choeur relativement étroit à chevet plat, de chapelles orientées rectangulaires groupées par paire sur chaque bras du transept. L'intérieur est recouvert d'un enduit à faux appareillage. La construction des bâtiments conventuels s´étale jusqu´en 1160. L´abbaye prospère rapidement, au 13e siècle notamment. Une importante donation sur un emplacement légèrement éloigné permet une nouvelle campagne de construction entre 1222 et 1237. C´est à cette époque que débutent les travaux du monastère dont il ne reste actuellement que des ruines. L´érection de l´église Saint-Martin, desservie par les moines jusqu´à la Révolution et détruite au 19e siècle, se poursuit de 1226 à 1256. Le chantier de construction débute par l´aile des convers à l'ouest, le cloître, l´aile des moines à l'est puis par l´église. Mais, trop ambitieux, il s´essouffle. Le choeur, le transept ainsi que les deux dernières travées sont alors les seuls éléments réalisés ; la nef de la première abbatiale est en partie conservée, formant ainsi l´église des convers. Les bâtiments du 13e siècle sont appareillés avec grand soin, sans blocage. Le 24 juin 1257 voit la dédicace de l´abbatiale, encore inachevée, par Itier de Mauny, évêque de Laon. L'abbaye est brûlée et pillée par les Anglais en 1359. Puis c'est la peste qui décime la communauté.
Pour l´édification des constructions, les moines possèdent leurs propres carrières de pierre : celle de la Caverne du Dragon et celle de Chermizy (cette dernière suit également au chantier de la cathédrale de Laon). La ferme d'Hurtebise, à quelques centaines de mètres plus au sud, est une dépendance de l'abbaye, qui possède également deux moulins à fouler le drap. Cinq types de bâtiments artisanaux sont présents dans l'enclos : un moulin, un four à chaux, trois fours tuiliers, deux pressoirs, un bac de tannerie. D´importants travaux de restauration sont exécutés au 16e siècle sous Martin Berthain : celui-ci fait réparer la quasi-totalité des bâtiments conventuels. L´église est elle aussi remaniée et agrandie à cette même époque. D'autres travaux sont engagés au siècle suivant, notamment la construction du pigeonnier vers 1640. L´abbaye, comptant alors une vingtaine de religieux, est supprimée à la Révolution. Le monastère est vendu, l´église abandonnée tombe en ruine et devient bientôt une carrière où les habitants des environs viennent en extraire les pierres. Les bâtiments conventuels sont utilisés comme habitation et bâtiments agricoles. Victor, général dans l´armée de l´Empereur, s´empara du parc de l´abbaye de Vauclerc lors de la Bataille de Craonne le 7 mars 1814. Avant la Grande Guerre, il reste in situ la porte d´entrée de style néo-classique, bâtiment couvert d´un toit en pavillon, dont l´ouverture est surmontée d´un fronton. Le bâtiment des convers servant de grenier d´abondance est, lui aussi, encore très bien conservé. La grange possède une charpente de grande qualité. Les travaux de restauration de la toiture dans la décennie de 1890 permettent de minimiser les dégâts engendrés par la transformation du bâtiment en fermen et par l´incendie qui ravagea une partie des combles. Une deuxième consolidation en 1908 permet la sauvegarde de cet édifice, du moins jusqu'à ce que la guerre éclate.
Les objets qui ornent l'abbaye (tableaux, marbres, orgues, grilles, ornements, horloges, cloches) sont vendus en 1821 par les nouveaux propriétaires avant que l'Administration n'en prenne possession.
Le grand bâtiment des convers est classé au titre des Monuments Historiques en 1911.
A la veille de la guerre, le site compte parmi les ensembles cisterciens exceptionnels du 13e siècle. Les quelques bâtiments qui ont échappé au pillage (bâtiment des convers, chapelle, sacristie, chapelle de l'abbé, salle des moines, porterie et colombier) sont détruits par les bombardements de la Première Guerre mondiale, notamment lors de l´offensive Nivelle le 16 avril 1917. Placée sur la seconde ligne allemande et occupée par l´ennemi entre septembre 1914 et novembre 1917, l´abbaye est à de nombreuses reprises bombardée par les Français. Les alliés prennent le secteur jusqu´au 27 mai 1918. Puis les Allemands l´investissent jusqu´au début du mois d´octobre 1918. Classées en Zone Rouge après 1918, les ruines, laissées à l'abandon, servent de carrières de pierre pour la réparation des chemins environnants. Suite aux destructions, le site a encore à souffrir des intempéries : en effet, la pierre gélive, n'étant plus protégée, se désagrège, les joints remplis d'eau éclatent. Les travaux de consolidation effectués immédiatement après la guerre et ce, jusqu'en 1931, permettent leur conservation. Suite à la réduction des crédits, les travaux de dégagement et de consolidation ne reprennent qu'en 1936. Une partie de la salle capitulaire est restituée en 1937. Les décombres de l'église et de la grange ne sont déblayés qu'en 1943. Certains éléments sculptés et moulurés sont alors découverts.
Des fouilles sont effectuées dès 1965 par le groupe Sources sous la direction du Père jésuite René Courtois. Les substructions de l'ancienne église sont alors mises au jour. Certaines parties sont relevées grâce aux matériaux anciens : les ruines sont alors restituées en 1972-1973 grâce à l'intervention du Père Anselme Dimier. Un important jardin de plantes médicinales occupe actuellement une partie du site.
L'O.N.F., propriétaire des lieux, procède à la remise en état du domaine, au nivellement des abords, ainsi qu´à la plantation d'arbres.
Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France.