Les villages du Chemin des Dames sont mentionnés dans les textes dès le 9e siècle ; leur nom ne se fixe qu´à partir du 12e siècle. Ils appartenaient le plus souvent aux grandes abbayes de la région (Saint-Martin de Laon, Saint-Jean-des-Vignes de Soissons, Saint-Corneil de Compiègne pour Berry-au-Bac, Saint-Jean de Laon pour Paissy ou Colligis-Crandelain, Notre-Dame de Soissons pour Aizy et Pargny-Filain, Saint-Médard-lès-Soissons pour Chevregny, Saint-Remi de Reims pour Craonne…). Le chapitre cathédral de Laon et l'archevêché de Reims possédaient également des dépendances (respectivement Chermizy-Ailles et Filain). Toutes ces communes furent vendues comme biens nationaux à la Révolution. l'exploitation de la terre constitue, avant le conflit, le revenu principal des habitants, quel que soit leur métier. Tout espace est donc susceptible d´être cultivé. Ces explications permettent de mieux appréhender la forme ramassée des communes. La vigne (avant la dévastation des parcelles par le phylloxera au 19e siècle), l´exploitation de la pierre et le secteur agricole (production de betteraves et de céréales) sont les principales richesses du Chemin des Dames avant 1914. En 1918, toutes les sucreries sont détruites et 98% des terres labourables sont incultivables.
Au cours de la Première Guerre mondiale, les villages subissent de graves destructions. Sur l´ensemble des 24 communes étudiées, toutes entièrement détruites, sept ont fait l´objet d´un regroupement, deux ont été déplacées (Craonne et Cerny-en-Laonnois) et quatre villages ou hameaux n´ont pas été reconstruits (Chivy et Troyon, dépendants de la commune de Vendresse-Beaulne, La-Vallée-Foulon et Ailles). Les pertes subies lors des conflits, le remembrement, le développement de l´élevage des bovins ainsi que les évolutions techniques révolutionnent la physionomie des villages. De plus, certains paysans profitent de la possibilité de réutilisation des dommages de guerre dans un rayon de 50 kilomètres autour de la maison sinistrée pour migrer en ville. Cependant, le taux de réintégration des habitants semble avoir été relativement élevé.
Auparavant, le cadastre rural était réalisé progressivement, sans réflexion préalable : la reconstruction constitue donc l´occasion d´établir un plan cohérent ainsi qu´une mise aux normes des communes selon les nouvelles lois hygiéniques et esthétiques (alignement et la salubrité de la voirie). Un plan d´alignement et de nivellement doit être établi par un ingénieur des Ponts et Chaussées assermenté par l´Etat. Aucune construction ne peut être entreprise avant la validation de ce document. L´expropriation des habitants est bien souvent inévitable, ce qui ralentit une fois de plus les travaux de reconstruction. Les principes de régularité et de rectitude prônés par les nouvelles volontés urbanistiques ne semblent pas être adaptés aux communes rurales pour d´évidentes raisons pratiques. En effet, l´introduction d´espaces verts et l´écartement des maisons semblent ne pas répondre aux exigences économiques et pragmatiques des villageois. Mais, l'Etat intervient le moins possible par peur de décourager les entrepreneurs, son rôle d´encadrement se réduisant aux domaines juridiques et administratifs. La reconstruction se base avant tout sur des impératifs financiers.
L´étude des plans d´alignement successifs de chaque commune révèle de légères modifications de la voirie : élargissement des rues (afin de faciliter leur traversée, de permettre une meilleure circulation des voitures et des machines agricoles), alignement des bâtiments, implantation de nouvelles places et espaces entre les maisons et autour des édifices communaux. Renonçant souvent à l´expropriation (qui coûtait cher et qui retardait la reconstruction), la commune se contente ainsi d´un simple redressement routier.
Les cahiers des délibérations municipales constituent une source documentaire essentielle permettant de mieux appréhender l´histoire de la reconstruction d´un village. L´étude de ces documents illustre parfaitement la lenteur des démarches administratives. L´acceptation du plan d´alignement, première étape avant la reconstruction, était bien souvent repoussée faute d´entente entre le maire, les habitants et l´architecte ou géomètre, et par l´attente de l´accord du préfet. Parfois, cette étape ne posa aucune difficulté : il fallut recréer entièrement certains villages, rayés de la carte (Craonne et Cerny-en-Laonnois déplacés, La-Vallée Foulon rattachée à Oulches, Beaulne à Vendresse, Vauclair à Bouconville non reconstruits).