D'après l'ouvrage de Bernard Chedozeau, les jubés apparaissent vers le 12e ou le 13e siècle et sont liés au développement de l'ordre canonial. Ce dernier s'inspire du modèle monastique dont il veut respecter la clôture. Pour des raisons liturgiques, comme pour des raisons pratiques (protection contre le bruit et les courants d'air, etc.), les chapitres des collégiales et cathédrales font construire à partir de cette époque des clôtures de choeur, complétées à l'ouest par un jubé. Si le jubé constitue une évidente séparation entre le clergé et les fidèles, il est aussi -et paradoxalement- un passage, puisqu'il renferme en son centre la porte principale d'accès au choeur. Enfin, il est surtout un « pupitre » ou un "ambon", termes sous lesquels on le trouve parfois nommé : l'une de ses principales fonctions est en effet de servir de tribune, depuis laquelle sont lues les Ecritures. A ce sujet, si l'on accorde foi à l'ouvrage de Jean-Baptiste Thiers, quatre lutrins -chiffre exceptionnel- étaient installés sur la plateforme du jubé de la cathédrale de Noyon, dont trois contre le garde-corps oriental. La cathédrale de Noyon se dote donc d'un jubé, édifié vraisemblablement entre les deux piliers occidentaux de la croisée du transept. Aucun document ne permet d'en connaître la date précise de construction, mais des comparaisons stylistiques autorisent à la placer vers la fin du 13e siècle ou au tout début du 14e siècle. Elle est assurément antérieure à 1306, car, en cette année là, comme le rapporte le chanoine Le Vasseur, la translation des reliques de saint Eloi s'effectue sur la plateforme du jubé. Après la réalisation de travaux aux voûtes de la nef, le jubé est nettoyé ou repeint (selon les auteurs) par le peintre Etienne Gourdin en 1460. Son décor peint est rénové en 1630 (date portée) aux frais d'un ecclésiastique qui fait placer sur le monument ses initiales et ses armoiries. S'appuyant sur un document d'archives, de nombreux auteurs mentionnent la réfection de la peinture du "crucifix du jubé" en 1634. Il s'agit là, non du jubé, mais de la poutre de gloire qui le surplombait. Vers le milieu du 17e siècle, la porte du jubé reçoit de nouveaux vantaux en fer forgé, qui subsistent encore aujourd'hui à l'entrée de la deuxième chapelle sud de la nef. Vers le milieu du 18e siècle, le chapitre décide de réaménager le chœur liturgique dans le respect des préconisations du concile de Trente. Ce dernier mettant l'accent sur l'importance de l'Eucharistie, il faut désormais que le maître-autel puisse être vu de tous. Le jubé qui en masquait la vue est donc détruit en 1756 et ses éléments sont enterrés dans l'enceinte de la cathédrale. Il faut attendre les fouilles systématiques qui accompagnent en 1921 et 1922 les travaux de restauration consécutifs à la Première Guerre mondiale, pour que l'architecte en chef des MH, André Collin, et l'inspecteur des travaux, Alfred Révillon, découvrent les éléments du jubé dans le sol de la cathédrale. Il est remonté, puis installé dans l'arrière-sacristie où il se trouve toujours. Comparé à d'autres jubés médiévaux conservés, retrouvés (Bourges), connus par des descriptions (Saint-Quentin) ou par des documents graphiques (Laon), le jubé de Noyon est pauvre en décor figuré. Ses élégants garde-corps ajourés n'offrent en effet aucune place pour une suite de reliefs. S'appuyant sur une description du chanoine Le Vasseur, Eugène Lefèvre-Pontalis est le premier à avoir orné le jubé de Noyon avec les personnages d'un grand calvaire et avec 25 statues du Christ, des apôtres et des prophètes. Pourtant, la description du chanoine Le Vasseur concerne encore une fois la poutre de gloire et non le jubé. La "poutre", dénomination employée d'ailleurs par l'auteur du 17e siècle, portait un Christ en croix avoisinant 6,75 m de hauteur, taille qui aurait été disproportionnée pour un jubé ne dépassant pas 4,50 m en élévation. Le Christ était accompagné de la Vierge et de saint Jean, statues mesurant respectivement 2 m et 2,10 m de hauteur. Trois petits anges recueillaient le sang du Christ, iconographie traitée également sur la poutre de gloire Renaissance de Jouy-sous-Thelle. Enfin, au pied de la croix, étaient représentés un calice et une sorte de dragon. Il ne s'agit pas ici d'un attribut de saint Jean, mais du calice qui recueillait le sang coulant des pieds du Christ, et d'un monstre symbolisant le Mal ou le démon vaincu. Quant à l'ensemble des apôtres et des prophètes disposés de part et d'autre d'un Christ (soit 25 personnages), ils étaient représentés en " plate peinture" le long de la poutre, et non sous forme de statues. En conclusion, on ne connaît rien ou presque du décor figuré du jubé de la cathédrale de Noyon. Il consistait probablement en trois statues posées sur les petits culots qui se détachent en dessous du garde-corps occidental, et dont le sujet n'est pas connu. Y contribuaient également des personnages peints sur la maçonnerie, attestés au moment de la découverte, mais qui se sont rapidement effacés.
- inventaire topographique, canton de Noyon
- mobilier et objets religieux
Dossier non géolocalisé
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Aire d'étude et canton
Sources et Vallées - Noyon
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Commune
Noyon
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Adresse
Ancienne cathédrale Notre-Dame
,
place du Parvis
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Emplacement dans l'édifice
arrière-sacristie
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Dénominationsjubé
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Période(s)
- Principale : limite 13e siècle 14e siècle
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Dates
- 1938
Le jubé, occupe au sol un plan rectangulaire allongé. Un mur plein constitue l'élévation orientale qui formait autrefois une des limites du choeur liturgique. A l'ouest et détachées en avant du mur, quatre colonnettes juxtaposées portent trois arcs trilobés. Une plateforme ou coursière, bordée par deux garde-corps ajourés, repose sur le mur et sur les arcs. L'élévation est divisée en trois travées juxtaposées. La travée centrale, plus étroite, est réservée à un passage qui était jadis la porte principale d'accès au choeur. Les deux travées latérales, plus larges, abritaient chacune un autel, adossé au mur de fond. Deux escaliers tournants, ménagés dans l'épaisseur de la maçonnerie et accessibles depuis le passage central, conduisent encore à la plateforme supérieure. Le jubé est bâti en calcaire blanc et était orné d'un décor peint dont de nombreux éléments subsistent. Il porte également un décor sculpté en relief, concentré sur l'élévation occidentale et sur les garde-corps de la plateforme. Les statues, qui reposaient sur trois culots qui saillent de la plinthe du garde-corps, ont disparu depuis l'époque de la destruction de cette clôture.
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Catégoriesmaçonnerie, taille de pierre, sculpture
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Structures
- plan, rectangulaire horizontal
- élévation, droit
- travée, 3, juxtaposé
- colonne, 4
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Matériaux
- calcaire, blanc, en plusieurs éléments taillé, peint, polychrome, décor en relief, décor dans la masse
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Précision dimensions
Mesures de la verrière de la Vierge : h = 410 ; la = 157. Saint Eloi : h = 395 ; la = 140. Saint Médard : h = 405 ; la = 150. Ces mesures correspondent au remontage actuel, sur table lumineuse.
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Iconographies
- ornementation, arc trilobé, trilobe, colonnette, gable, feuillage, lierre, chêne, fleur
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Précision représentations
Le décor est principalement architectural et végétal. Du côté ouest, les chapiteaux des supports sont ornés de feuillage où l'on reconnaît du chêne et du lierre. De ce côté, le garde-corps est également souligné d'un bandeau de feuillage et de fleurs. Les deux garde-corps ajourés, quoique différents, sont formés d'une succession d'arcs trilobés, reposant sur des colonnettes et surmontés de trilobes et de gâbles.
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Inscriptions & marques
- inscription concernant une restauration, initiale, peint, sur l'oeuvre, lecture incertaine
- date, peint, sur l'oeuvre
- armoiries, peint, sur l'oeuvre, incomplet
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Précision inscriptions
Un cartouche est peint à l'extrémité nord de la façade occidentale. Il renferme deux initiales difficilement lisibles, mais qui semblent être un C et un R. Ce cartouche était surmonté d'un écu armorié dont il ne subsiste que la partie droite, difficilement déchiffrable. Sous le cartouche, se lit encore la date de 1630. Ces inscriptions se rapportent à la réfection de la peinture du jubé en 1630, probablement grâce au mécénat d'un membre du chapitre.
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État de conservation
- oeuvre détruite
- oeuvre recomposée
- oeuvre incomplète
- repeint
- traces de peinture
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Précision état de conservation
Le jubé a été détruit en 1756 et la majeure partie de ses éléments ou fragments ont été enterrés sous le sol de la cathédrale. Ces éléments ont été retrouvés lors de fouilles en 1921 et 1922 et ont permis une recomposition de l'œuvre, en dépit d'un certain nombre de manques. Le jubé, peint dès sa construction, a été repeint en 1630. Les traces de ces deux couches sont encore visibles.
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Statut de la propriétépropriété de la commune
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Intérêt de l'œuvreÀ signaler
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Référence MH
Documents d'archives
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AMH (Médiathèque du Patrimoine) : 81/60, carton 109, Rapport sur l'état des fouilles à l'église Notre-Dame de Noyon, par A. Révillon en 1923.
Bibliographie
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CHEDOZEAU, Bernard. Choeur clos, choeur ouvert. De l'église médiévale à l'église tridentine (France, XVIIe-XVIIIe siècle). Paris : éditions du Cerf, 1998.
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CLOART-PAWLAK, Sophie. Le Jubé de la cathédrale Notre-Dame de Noyon. Précisions sur sa datation. In La cathédrale Notre-Dame de Noyon. Cinq années de recherches. Dir. Timbert, Arnaud. Noyon : Société historique, Archéologique et Scientifique de Noyon, 2011.
p. 276-288. -
DELBECQUE, Eloi. Le jubé de la cathédrale de Noyon. Archéologia, n° 84, juillet 1975.
p. 13-22. -
HEROLD, Michel. Jubé. In INVENTAIRE GENERAL. La ville de Noyon. Dir. Plouvier, Martine. Cahiers de l'Inventaire n° 10. Catalogue de l'exposition : "Noyon, mille ans d'art et d'architecture", Musée du Noyonnais, 20 juin-5 octobre 1987. Amiens : AGIR-Pic, 1987.
p. 128-129. -
LEFEVRE-PONTALIS, Eugène. Histoire de la cathédrale de Noyon. (Extrait de la Bibliothèque de l'Ecole des chartes, année 1900, t. 61). Paris, 1900.
p. 60-61 -
LE VASSEUR, Jacques. Annales de l'église cathédrale de Noyon, jadis dite de Vermand. Paris : chez Robert Sara, 1633.
p. 1049-1051, 1379-1380 -
LEFEVRE-PONTALIS, Eugène. Le Jubé de Noyon. Bulletin monumental, 1923.
vol. 82 , p. 442-449 -
THIERS, Jean-Baptiste. Dissertations ecclésiastiques, sur Les Principaux Autels, La Clôture du Choeur, et les Jubés des Eglises. Paris : chez Antoine Dezallier, 1688.
p. 30
Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France jusqu'en 2022.
Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France jusqu'en 2022.