Dossier d’œuvre objet IM02005336 | Réalisé par
Riboulleau Christiane
Riboulleau Christiane

Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France jusqu'en 2022.

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
;
Plouvier Martine
Plouvier Martine

Historienne, Martine Plouvier a été conservateur régional de l'Inventaire général de Picardie, conservateur en chef aux Archives nationales et directrice du Centre d'études et de recherches prémontrées.

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
  • mobilier et objets religieux, la cathédrale de Soissons
Verrière figurée (verrière légendaire, verrière hagiographique) : Mort et Couronnement de la Vierge (baie 104)
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Grand Soissons Agglomération - Soissons-Sud
  • Commune Soissons
  • Adresse Cathédrale Saint-Gervais-Saint-Protais , place Cardinal-Binet
  • Emplacement dans l'édifice abside (baie 104)
  • Dénominations
    verrière
  • Titres
    • Mort et Couronnement de la Vierge
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante

En dépit des restaurations très étendues, menées vers 1864-1866, qui "modernisent" cette verrière, il est probable que le vitrail où sont représentés la Mort et le Couronnement de la Vierge date du premier quart du 13e siècle, époque d'achèvement du chœur. Rien de précis n'est connu sur l'histoire de cette verrière jusqu'au début du 19e siècle.

L'ensemble des verrières de la cathédrale souffre d'un manque d'entretien pendant la Révolution et profite d'une restauration vers 1807, à l'aide de panneaux de vitraux provenant de l'église abbatiale Saint-Jean-des-Vignes qu'on commence à détruire. Gravement endommagées par l'explosion de la poudrière du bastion Saint-Remy, le 13 octobre 1815, les verrières sont réparées en 1816 ou 1817, intégrant au besoin des panneaux ou des verres provenant cette fois de l'église abbatiale de Braine en cours de démolition partielle. Les verrières de l'abside sont alors complètement remaniées, les manques étant comblés par des scènes ou des personnages empruntés à d'autres vitraux de la cathédrale, ou aux édifices précédemment cités.

Le baron Ferdinand de Guilhermy, qui visite la cathédrale de Soissons vers le milieu du 19e siècle, décrit l'aspect de cette verrière alors que commence seulement la restauration méthodique du vitrage de l'édifice. De son propre aveu, il s'agit alors d'une verrière confuse, très endommagée et raccommodée avec des médaillons à petits sujets se rapportant à la vie et au martyre d'un saint évêque, ou à une série des mois. Des scènes originales de la verrière, il ne subsiste alors que deux saintes femmes, la Vierge assise sur un siège à dossier, la Mort de la Vierge, le Christ accueillant l'âme de sa mère, et des anges.

Dès le milieu des années 1850, le mauvais état des verrières attire l'attention des architectes chargés de la cathédrale. Celles de l'abside menacent ruine et devraient donc être entièrement remises en plomb, tandis que leurs panneaux seraient rétablis dans un ordre logique. La réalisation du projet débute vers 1864, avec la restauration de cette verrière par le peintre-verrier parisien Édouard Didron. Le vitrail, restauré et complété par de nouveaux personnages et de nouvelles scènes, est remis en place en 1866, provoquant de vives critiques de la part d'un membre du conseil de Fabrique, également président de la société historique locale, décontenancé par l'aspect de l'œuvre restaurée. Il faut en outre réclamer à l'artiste les panneaux anciens qui n'ont pas été remployés.

Le bombardement de Soissons par les Prussiens (12-15 octobre 1870) brise ou crible les verrières situées au sud du chœur, qui sont réparées dans le courant des années suivantes. La Première Guerre mondiale provoque de nouveaux dégâts. Toutefois, le tiers inférieur des cinq verrières de l'abside est démonté en 1915, puis les panneaux restants sont déposés en 1917. Les photographies réalisées par le service des Monuments historiques après la guerre témoignent que ce vitrail a été peu victime des bombardements et n'a rien subi d'irréparable.

A l'issue du conflit, le chœur, moins atteint que la nef, est rapidement restauré. La réparation de la verrière de la mort de la Vierge est confiée au peintre-verrier parisien Emmanuel Daumont-Tournel (9 rue François Bonvin), et achevée en 1923 ou au tout début de 1924. Déposé une nouvelle fois en 1939, et conservé pendant toute la Seconde Guerre mondiale au musée des Monuments français, le vitrail a été restauré par le peintre-verrier parisien Georges Bourgeot (3 rue des Gobelins) et reposé en 1946.

La verrière prend place dans une baie libre en forme de grande lancette, qui s'achève en arc brisé à sa partie supérieure. Elle est composée de douze registres superposés de trois panneaux, accueillant six scènes rectangulaires superposées. Elle est formée d'un assemblage de pièces de "verre antique" rehaussées de grisaille. Comme souvent, le verre rouge, qui est un verre doublé, présente un aspect hétérogène.

  • Catégories
    vitrail
  • Structures
    • baie libre, rectangulaire vertical, en arc brisé
  • Matériaux
    • verre transparent, coloré soufflé, taillé, peint, grisaille sur verre
    • plomb, réseau
  • Précision dimensions

    Mesures de la verrière : h = 998 ; la = 256. Ces mesures proviennent du mémoire des travaux de restauration effectués par Emmanuel Daumont-Tournel.

  • Précision représentations

    Le sujet illustré n'est pas emprunté à la Bible, mais à des écrits apocryphes ou légendaires (pseudo-Méliton de Sardes, etc.). Ces récits ont d'ailleurs été repris par Jacques de Voragine, dans La Légende dorée.

    - La première scène, en partant du bas, est consacrée à la seconde Annonciation, ou annonce faite à la Vierge de sa mort prochaine. Au centre, la Vierge âgée, debout et de trois-quarts, écoute l'ange qui lui apporte une palme d'un arbre du Paradis. Cet ange - qu'il s'agisse de saint Gabriel, de saint Michel ou d'un simple ange, selon les auteurs - fait un geste de bénédiction de la main droite. À droite, sont représentées deux femmes debout, deux servantes ou deux veuves amies de la Vierge. À gauche, deux apôtres (dont l'un tient un livre), assistent à l'événement.

    - La scène suivante est consacrée à la mort de la Vierge, ou plus exactement à la déploration de sa mort par les apôtres. Au premier plan, la Vierge est allongée morte et les mains jointes sur son lit. Elle est veillée par neuf apôtres, debout à l'arrière, distribués en trois groupes de trois. L'attitude et les gestes des apôtres traduisent un profond chagrin. L'un d'entre eux tient un livre. Peut-être s'agit-il de saint Paul ?

    - Dans le quadrilobe immédiatement supérieur, le Christ accueille l'âme de sa mère. Jésus, debout et de face, bénit de la main droite, tandis qu'il abrite dans un pan de son manteau l'âme de sa mère. Cette dernière est représentée, selon l'habitude de l'époque, comme un petit personnage féminin nu, les mains jointes. Le Christ est encadré par deux anges debout qui encensent.

    - Viennent ensuite les funérailles de la Vierge. Le cercueil est porté et escorté par les apôtres, dont trois tiennent des livres. Le cortège est précédé par saint Jean qui tient la palme apportée par l'ange. Au centre est représenté le miracle du Juif Jéphonias (ou Belzeray). Jéphonias, chef des prêtres, veut renverser le brancard funéraire. Un ange invisible lui tranche les mains qui restent fixées au cercueil, jusqu'à ce que l'intervention de saint Pierre lui permette de recouvrer la santé. La succession des événements est ici représentée, puisqu'on voit Jéphonias tenter de renverser le brancard, puis le même, amputé des mains et agenouillé aux pieds de saint Pierre.

    - La scène supérieure est censée représenter la glorification de la Vierge au Ciel. La Vierge, assise sur un siège à haut dossier, est encadrée par deux anges. Elle est tournée de trois-quarts vers l'un des anges et semble converser avec lui.

    Enfin, dans la pointe de l'ogive, prend place le Christ, assis de face, portant une couronne qu'il s'apprête à déposer sur la tête de sa Mère. Il est encadré par deux anges, représentés à mi-corps, de trois-quarts et en prière.

    Une frise de feuillage borde le vitrail.

    Remarques :

    Il faut ici préciser que l'iconographie actuelle du vitrail ne reproduit assurément pas la composition de la verrière d'origine. La scène des funérailles et celle où le Christ s'apprête à couronner sa mère sont des créations du 19e siècle, qui n'intègrent aucun verre médiéval. La scène de la seconde Annonciation, telle qu'elle est aujourd'hui composée, est également une invention du 19e siècle, à l'exception des deux femmes de droite (très restaurées). D'ailleurs, vers le milieu du 19e siècle, le baron de Guilhermy, dans sa description très précise de la verrière, remarque uniquement les deux saintes femmes, la Vierge assise sur un siège à dossier (qu'il appelle aussi la Vierge en gloire), la Dormition de la Vierge, le Christ recueillant l'âme de sa Mère, enfin des anges. Il est également possible, voire probable, que la Vierge assise sur un siège à dossier ait appartenu à la scène de l'annonce de sa mort, et non à une scène de couronnement. Dans cet ultime épisode de sa vie, au Moyen Âge, la Vierge est le plus souvent, soit assise à la droite du Christ sur une même banquette ou un même trône, et inclinée vers lui, soit plongée dans un profond recueillement, attendant d'être couronnée par Dieu, par le Christ ou par la Trinité. En aucun cas, elle ne se montre distraite alors qu'elle s'apprête à devenir la Reine du Ciel. En revanche, il est plus logique que la Vierge âgée, assise dans un fauteuil à dossier, se tourne vers l'ange qui vient lui annoncer sa mort prochaine, et fasse un geste des mains pour prendre la palme.

    Un vitrail consacré à la mort et à la glorification de la Vierge dans l'actuelle basilique de Saint-Quentin, contemporain ou de peu antérieur à celui-ci, peut donner une idée approximative de la composition originale de la verrière de la cathédrale de Soissons. On y voit en effet, dans six compartiments : l'ange annonçant sa mort à la Vierge, les apôtres désolés rassemblés autour du corps de la Vierge, le Christ accueillant l'âme de sa mère au Ciel, l'Assomption du corps de la Vierge, la Vierge couronnée assise à côté du Christ, enfin une cohorte d'anges en train d'encenser. En admettant qu'une iconographie différente ait été choisie pour les deux derniers compartiments, il manque assurément à Soissons la représentation de l'Assomption, qui a disparu à une époque inconnue.

  • État de conservation
    • oeuvre recomposée
    • oeuvre complétée
    • oeuvre restaurée
    • plombs de casse
  • Précision état de conservation

    S'il est probable que cette verrière a été restaurée sous l'Ancien Régime, la mention précise ne nous en est pas parvenue.

    Elle profite de réparations après la période révolutionnaire, puis surtout en 1816 ou 1817, après l'explosion de la poudrière du bastion Saint-Remy. Le devis, dressé par Louis Duroché en février 1816, signale en effet qu'un tiers du vitrail doit être refait à neuf, et le reste, restauré. Cette réparation est effectuée sans méthode, et les panneaux sont remontés dans le plus grand désordre, en intégrant des éléments provenant d'autres fenêtres de la cathédrale, et peut-être même de l'église abbatiale de Braine.

    En 1864-1866, la verrière est restaurée par le peintre-verrier parisien Édouard Didron. Les éléments étrangers à la composition d'origine sont retirés, les scènes subsistantes sont recomposées et réparées, enfin plusieurs panneaux et scènes manquants sont créés dans le style du début du 13e siècle.

    Cette verrière est relativement peu atteinte pendant la Première Guerre mondiale, et est restaurée en 1923-1924 par Emmanuel Daumont-Tournel, peintre-verrier à Paris. À nouveau déposée en 1939, alors que s'annonce un nouveau conflit, elle reprend sa en place en 1946, après une dernière réparation effectuée par le peintre-verrier parisien Georges Bourgeot.

  • Statut de la propriété
    propriété de l'Etat
  • Intérêt de l'œuvre
    À signaler
  • Protections
    classé au titre immeuble, 1862
  • Référence MH

La cathédrale ayant été classée par liste de 1862, les objets qui, comme les verrières médiévales, étaient incorporés à l'édifice à cette date, profitent de la même protection.

Documents d'archives

  • AMH (Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine). Série 81 : 81/02, carton 195. Réparations diverses (1923).

    Dossier Travaux 1923 (Mémoire des travaux de réparation de vitraux exécutés sous la direction de M. Brunet).
  • AMH (Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine). Série 81 : 81/02, carton 205. Soissons, cathédrale Saint-Gervais et Saint-Protais, dommages de guerre (1945-1950) ; travaux (1953-1979).

    Dossier 17 : travaux de 1945 à 1950 (Mémoire des travaux de pose de vitraux anciens exécutés par Monsieur Bourgeot).
  • A. Evêché Soissons. Série L (temporel) ; Sous-série 6 L : 6 L Soissons 1815-1818 (travaux de la cathédrale, à la suite de l'explosion).

    2e dossier, devis de l'architecte Duroché, daté du 8 février 1816.
  • A Évêché Soissons. Série P (paroisses) : P Soissons-Cathédrale, 1 E 6. Délibérations de la Fabrique (1846-1876).

    Séance du 1er juin 1866.
  • BnF (Cabinet des Manuscrits) : naf 6109 (collection Guilhermy, 16). Description des localités de la France (Soissons).

    folio 256 r°.

Bibliographie

  • ANCIEN, Jean. Vitraux de la cathédrale de Soissons. Réédition du livre du 24 juillet 1980. Neuilly-Saint-Front : imprimerie Lévêque, 2006.

    p. 117-125.
  • FRANCE. Corpus Vitrearum Medii Aevi. Les vitraux de Paris, de la Région parisienne, de la Picardie et du Nord-Pas-de-Calais. Recensement des vitraux anciens de la France, vol. 1. Paris : éditions du CNRS, 1978.

    p. 171.
  • GRODECKI, Louis, BRISAC, Catherine. Le vitrail gothique au XIIIe siècle. Fribourg : Office du Livre, 1984.

    p. 38.
Date(s) d'enquête : 2004; Date(s) de rédaction : 2012
(c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
Riboulleau Christiane
Riboulleau Christiane

Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France jusqu'en 2022.

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
Plouvier Martine
Plouvier Martine

Historienne, Martine Plouvier a été conservateur régional de l'Inventaire général de Picardie, conservateur en chef aux Archives nationales et directrice du Centre d'études et de recherches prémontrées.

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.