Enquêteur externe, chargé de l'inventaire du patrimoine du Vimeu industriel de 2014 à 2016.
Chercheur du service de l'Inventaire général du patrimoine culturel de Picardie, puis des Hauts-de-France, depuis 2002.
- inventaire topographique, Vimeu industriel
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Lefébure ThierryLefébure Thierry
Photographe du service de l'Inventaire général du patrimoine culturel, Région Hauts-de-France.
- (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
- (c) Baie de Somme - Trois Vallées
Dossier non géolocalisé
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Aires d'étudesTrois Vallées
I. Contexte institutionnel et objectifs de l'opération
L'inventaire du patrimoine du Vimeu Industriel a fait l'objet d'une première convention entre 2012 et 2013 entre la région Picardie et l'association de préfiguration du Parc naturel régional de Picardie maritime avec le soutien financier du département de la Somme. Le périmètre de l'opération comprenait trente communes, dont six communes de la vallée de la Bresle, dans lesquelles une richesse patrimoniale avait été identifiée.
L'opération d’inventaire du patrimoine du Vimeu industriel fait désormais l'objet d'une nouvelle convention entre la région Picardie et le syndicat mixte Baie de Somme 3 Vallées qui doit permettre de poursuivre cette opération.
Cette nouvelle convention a également vocation à redéfinir le périmètre d'étude, d'une part en se limitant aux communes adhérentes au futur Parc naturel régional et, d'autre part, en privilégiant l'étude du patrimoine culturel lié à le serrurerie et à la petite métallurgie. En effet, les délais définis pour l'étude surtout la topographie de la vallée de la Bresle et de l'industrie du verre nécessitent un mode opératoire prenant en compte les deux rives de la vallée.
Facteur d'identité et d'appartenance à un territoire, l'attention portée au patrimoine de l'industrie témoigne de l'attachement à un héritage local fort. Il s'agit de comprendre l'impact de l'activité industrielle dans un espace à caractère rural et son influence sur son développement. Il s'agit aussi de définir la portée du patrimoine bâti et son influence sur le territoire généré comme un espace, un lieu de sociabilité et comme un facteur d'identité géospatiale.
L'étude doit permettre de mieux connaître la qualité et la diversité du patrimoine de l'aire d'étude, d'approfondir la connaissance scientifique, de compléter et de mettre à jour les données recueillies, lors du recensement du patrimoine industriel de la Somme au milieu des années 1980.
Cette opération doit également concourir à la diffusion et au partage de la connaissance afin de favoriser la prise de conscience de cet héritage fort, en dotant les élus d'un outils de gestion et d'aménagement du territoire, en sensibilisant les propriétaires et les habitants et en mettant en valeur une identité culturelle territoriale commune.
Pour Baie de somme 3 Vallées, l'étude constitue une ressource pour la valorisation de son territoire. Elle contribue à réaffirmer le caractère atypique d'une activité industrielle sur un territoire à dominante rurale et à en souligner l'excellence par le biais d'une étude approfondie et normée sur l'ensemble du patrimoine, des usines aux boutiques artisanales en passant par les monuments civils ou religieux. A terme, elle permettra grâce aux actions de mise en valeur qui en découle l'appropriation et la prise de conscience des habitants et des propriétaires.
Ces ambitions répondent pleinement aux objectifs de la charte élaborée en vue de l'obtention du label "Parc naturel régional".
II. Descriptif de l’opération
A. Délimitation de l’aire d’étude
1. Configuration géographique du territoire, situation du site
Le périmètre de l'opération comprend désormais dix-neuf communes dans lesquelles une richesse patrimoniale a été identifiée. Cet ensemble a une cohérence géographique et une continuité territoriale au sein même du périmètre d’étude du Parc naturel régional de Picardie maritime.
Le Vimeu doit son nom au cours d'eau la Vimeuse, qui se jette dans la Bresle en aval de Gamaches. Il s'étend sur une superficie d'environ 200 km². Situé sur un plateau de craie, il est délimité au sud par la vallée de la Bresle et au nord par la baie de Somme. Ce paysage de plateau est peu boisé. Il est découpé par les vallées de la Somme, de la Bresle, de la Trie et de la Vimeuse. Le sous-sol est formé essentiellement d'argile à silex et de craie recouverts d'une épaisse couche de limon.
Le paysage péri-villageois est constitué de vergers et de haies brise-vent plus ou moins denses dans une région soumise à des vents importants. L'activité industrielle est accompagnée, en particulier au nord et à l'est, par une activité agricole où domine la polyculture associée à l'élevage laitier.
L'eau est rare sur le plateau vimeusien. Elle s'infiltre dans les profondeurs de la craie et impose le percement de puits profonds, couteux, qui ont longtemps contraint les habitants à se regrouper. À défaut de puits, les habitants du Vimeu ont aménagé des mares pour collecter les eaux de pluie.
La tradition proto-industrielle des villages mêlant vie agricole et ateliers a entrainé très tôt, le développement de petits pôles industriels en milieu rural tels que Friville-Escarbotin/Fressenneville/Feuquières-en-Vimeu. Cette situation explique l'absence de phénomène d’exode rural et le maintien d'un réseau de villages très dense dans le Vimeu. Au centre de l'aire d'étude, les villages n'ont plus de limites définies. Les bourgs-nébuleuses créent des conurbations industrielles englobant plusieurs communes comme pour l'ensemble Feuquières-en-Vimeu/Fressenneville.
En bordure de plateau, à proximité de la vallée de la Bresle, on observe des communes constituées en villages-rue, dits en arêtes de poissons qui se soudent et créent une continuité de rues de plusieurs kilomètres de long tel que l'ensemble Woincourt-Yzengremer-Méneslies.
Au nord et à l'est, apparait un plateau plus agricole où les bourgs sont plus isolés, où l'influence de l'industrie est moins perceptible (Aigneville, Chépy, Valines, Saint-Blimont ou encore Vaudricourt).
À l'ouest, les communes littorales de Mers-les-Bains et d'Ault (étudiées dans le cadre du patrimoine de villégiature de la Côte picarde) ont connues un développement urbain porté par l'essor de l'activité au milieu du 19e siècle.
2. Périodisations
Selon Breiz dans notice de la serrurerie en Picardie en 1857, c'est au cours du 17e siècle que la pratique artisanale s'implante dans le Vimeu. Son origine précise n'est toutefois pas clairement définie encore aujourd'hui.
L'activité serrurière se développe véritablement au cours du 18e siècle. Selon Albert Demangeon, le dynamisme démographique du Vimeu, suite aux guerres de religion, provoque un morcellement parcellaire, obligeant alors les paysans à exercer une activité secondaire susceptible de leur apporter un revenu complémentaire. Il existe sur ce territoire un savoir savoir-faire lié à la forge (il existe en 1610, à Abbeville plus de 130 ateliers d'armes). C'est donc naturellement que ceux-ci vont se tourner vers le travail du fer et de la serrurerie. À la veille de la Révolution française, Bonnot, vérificateur de serrurerie, mentionne 475 ateliers dans le Vimeu. Ceux-ci sont construits en pans de bois et torchis et éclairés par une large fenêtre à petits carreaux, les cassis. Ainsi, durant l'hiver, les habitants sont occupés à la serrurerie et délaissent leurs "boutiques" l'été lors des moissons. Cependant les registres de recensement de population montrent que l'activité textile est encore très présente jusqu'au milieu du 19e siècle.
À partir du milieu du 19e siècle, le progrès technique lié à la Révolution Industrielle (machine à vapeur, fonte) puis l'arrivée du chemin de fer (la ligne Abbeville – Le Tréport est mise en service en 1878), permet la multiplication de plus grandes unités de production. La première fonderie de cuivre est construite à Tully en 1826, une fonderie de fonte malléable ouvre à Dargnies en 1852. L'arrivée de la fonte provoque une véritable mutation des pratiques en simplifiant le processus de fabrication. Elle se substitue à la forge et permet la fabrication d'objets creux moulés. Les premières fabriques s'installent et trouvent sur place une main-d'œuvre bon marché qui possède déjà un savoir-faire. Ces usines se substituent progressivement à l'activité artisanale et agricole. En 1847, près de 5000 personnes travaillent dans l'industrie de la serrure. Toutefois, une large partie du travail reste domestique notamment pour ce qui concerne la finition des produits ; le serrurier vient alors chaque début de semaine à l'usine pour chercher les pièces à assembler et les livre à son patron une fois le travail réalisé. Cette pratique lui permet de conserver une certaine indépendance et contribue au maintien d'une population rurale. Toutefois, l'industrie va peu à peu supplanter le travail agricole ainsi que l'activité textile et devenir l'occupation principale des vimeusiens. Peu à peu, artisans et cultivateurs vont grossir les rangs ouvriers dans les grandes entreprises.
À la fin du 19e siècle, l'activité est telle que la main-d'œuvre manque. Pour les industriels, il s'agit alors d'attirer la main-d'œuvre et de la maintenir sur place. Pour ce faire, de nombreux logements ouvriers sont construits. En plus des usines, ces nouvelles constructions ont un impact non négligeable sur l'urbanisation et le développement des villages via la construction de mairie, d'école ou d'église et notamment des logements "ouvriers". Ainsi, certaines communes, où une ou plusieurs usines sont implantées voient leur nombre de nouvelles constructions et leur population croitre de manière spectaculaire (par exemple Friville-Escarbotin). Parallèlement, on assiste à une polarisation de l'activité. L'essentiel de l'activité se concentre dans trois communes : Feuquières-en-Vimeu, Fressenneville et surtout Friville-Escarbotin. Chaque village se spécialise dans une production : les clefs à Dargnies et Woincourt, les cadenas à Fressenneville, la sureté à Feuquières-en Vimeu, le bec de-cane à Saint-Blimont.
L'arrivée de nouvelles techniques amène la diversification des activités et la spécialisation des métiers. À la serrurerie, s'ajoutent désormais la fonderie, la robinetterie. De nouveaux métiers spécialisés apparaissent. La consultation des registres de recensement montre entre 1872 et 1906 qu’aux côtés des serruriers s'ajoutent des tourneurs, polisseurs, tailleur de limes et fabricants de ressorts.
Au sortir de la Première Guerre mondiale, la Chambre Syndicale des Industries Métallurgistes du Vimeu est créée à Woincourt. Les nouvelles activités comme la robinetterie sanitaire et la quincaillerie d'ameublement se développent. De gros marchés sont passés avec l'État et la Première Reconstruction favorise la croissance de l'activité. La Seconde Guerre mondiale n'affecte pas l'outil productif du Vimeu, toutefois, à la Libération, la matière première est rare. L'élan industriel redémarre avec la Reconstruction et l'avènement de la société de consommation. Partout, il faut s'équiper selon le confort moderne. L'essor de l'automobile offre un nouveau marché.
3. Les formes du bâti
Le périmètre de l'aire d'étude comprend un bâti formant peu d’écart ou d’habitat isolé. S'ils existaient, ceux-ci ont, avec le développement industriel, depuis la seconde moitié du 19e siècle, été agglomérés par extension urbaine comme à Belloy, Escarbotin et Friville qui représentent aujourd'hui la même unité territoriale.
Les communes abritant une forte activité industrielle ont vu leur morphologie urbaine transformée. Elles ont vu s'implanter à proximité immédiate ou au sein même de leur centre ancien non seulement des sites de production à l’emprise foncière conséquente, mais également des espaces d'habitat, cités ouvrières et logis patronaux.
La terre a bien souvent fourni la base des matériaux de construction sous forme de torchis ou de pan de bois. Ce type de construction se retrouve notamment dans les dépendances de fermes (granges, étables) mais aussi dans les anciennes "boutiques" de serruriers.
La brique est quant à elle utilisée à partir du 19e siècle pour l'extrême majorité des constructions liées à l'activité industrielle (usines, logements d'ouvriers, demeures patronales). L'efficacité croissante des fours et le progrès technique améliorent les caractéristiques des briques. A la fin du 19e siècle, quelques briqueteries sont d’ailleurs implantées sur l'aire d'étude notamment les entreprises Flet à Bourseville ou Roussel à Feuquières-en-Vimeu. Les bâtiments publics sont en majeures parties construits à l'aide de ce matériau (mairie, école, églises).
À partir de la seconde moitié du 19e siècle, les couvertures en panne flamande ou en ardoise des Ardennes supplantent peu à peu les toits de chaume qui présentait l'inconvénient d'être très inflammable comme en témoigne, l'incendie de Feuquières-en-Vimeu du 7 mai 1844, où 33 maisons sont détruites ou encore celui de Vaudricourt en 1861, ravageant l'école communale et un manoir.
La croissance de la population notamment à partir du milieu du 19e siècle jusqu'au 1er quart du 20e siècle va de pair avec l’augmentation des équipements publics (mairie, école, etc.)
Le littoral n'étant pas très loin, certains bâtiments du Vimeu industriel vont être influencés par le patrimoine balnéaire de Mers-les-Bains ou d'Ault notamment au niveau des logements patronaux et des demeures d’industriels.
Par ailleurs, les logis de ferme ont souvent été rénovés et réhabilités tout comme les nombreuses "boutiques" transformées en en garage ou en remise.
B. Les enjeux scientifiques
1. Intérêt scientifique de l’opération
L'opération d'inventaire doit permettre une identification des richesses patrimoniales de l'aire d'étude et vise à renforcer et à compléter la connaissance du territoire. Elle permet d'aborder un secteur riche de technique ainsi que d'un savoir-faire ancien qui est aujourd'hui leader du marché de chacune des branches d’activités sur le plan national (70% de la serrurerie, 80% de la robinetterie). L'identité sur cette aire d'étude est très affirmée et liée aux savoir-faire et aux techniques.
Pour Baie de Somme Trois vallées il s'agit :
• de mettre en valeur l'identité du territoire et d’offrir les outils pour préserver, mettre en valeur le patrimoine. Cette évaluation a pour vocation de mieux connaitre le patrimoine et de définir des axes de développement via sa valorisation (développement touristique, réhabilitation de friches).
• de sensibiliser et de doter les élus d'un outil d'aide à la décision dans la gestion d'un territoire, notamment pour la réalisation de document d'urbanisme.
• en sensibilisant les propriétaires.
• en sensibilisant les habitants et en mettant en valeur une identité culturelle commune à l'ensemble de l'aire d'étude.
Pour le service régional de l'inventaire du patrimoine de Picardie il s'agit :
• d'approfondir la connaissance scientifique sur le patrimoine de l'aire d’étude, de compléter et de mettre à jour les données recueillies et les dossiers élaborés lors du recensement du patrimoine industriel de la Somme au cours des années 1985 et dont certains bâtiments ont aujourd'hui été détruits.
• d'analyser la diversité des lieux de production en examinant leur taille (des petits ateliers de serrureries aux usines), leur fonction (serrurerie, fonderie, robinetterie, etc), leur organisation (impact de l’activité industrielle sur l’organisation de la commune et son urbanisme).
• d'identifier le patrimoine lié au développement de l'industrie au cours du 19e et 20e (églises, écoles, salles des fêtes).
L'étude du patrimoine du Vimeu industriel s'inscrit également dans un contexte plus large. Le service de l'Inventaire ayant déjà engagé plusieurs études sur le patrimoine industriel notamment dans le Val de Nièvre, avec l’entreprise de tissage et de filature Saint Frères, et autour des agglomérations de Saint Quentin, Compiègne et Creil. Cette étude permettra donc d'établir une comparaison des différentes aires d'étude en particulier le Val de Nièvre.
La mutation des activités, la désaffectation des usines insérées dans le tissu urbain pour des locaux plus adaptés (par exemple dans la nouvelle zone d'activité de Feuquières-en-Vimeu) et la fermeture de quelques sites laisse un patrimoine en friche dans plusieurs communes. Cette situation soulève la question de la réaffectation, de la réhabilitation et de la reconversion de site.
2. Les problématiques scientifiques
L'étude doit permettre de comprendre comment une activité proto-industrielle puis industrielle a forgé l'identité d’un territoire et a impacté son urbanisme et ses paysages. L'opération peut donc permettre une évaluation du patrimoine bâti mais également la mise en évidence de l’influence de l’activité industrielle sur l'aire d'étude en général et sur les agglomérations en particulier.
Les axes de recherches sont donc les suivants :
• repérer sur le terrain les éléments constitutifs du patrimoine de l'industrie
• analyser les implantations et les imbrications des "appareils de production" dans le tissu urbains.
• analyser la nature et la qualité des éléments constitutifs du patrimoine de l’industrie en prenant le soin de prendre en compte également les habitats d'ouvrier, les logis patronaux mais aussi les édifices publics (marie, école, église…).
- (c) Région Hauts-de-France - Inventaire général
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Chargé de l'inventaire du patrimoine du Vimeu industriel de 2011 à 2012.
Enquêteur externe, chargé de l'inventaire du patrimoine du Vimeu industriel de 2014 à 2016.
Chercheur du service de l'Inventaire général du patrimoine culturel de Picardie, puis des Hauts-de-France, depuis 2002.
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