Implantation du territoire
Des cercles protohistoriques ont été découverts par Roger Agache ainsi que des traces gallo-romaines sur le territoire. Lefils indique que le Crotoy est « né presque en même temps que le banc de sable sur lequel il est édifié. Dès que les alluvions s´affermirent, les pêcheurs vinrent s´y installer pour y pratiquer leur activité. Le territoire constituait de bonnes retraites contre les incursions des Romains ». Ces derniers semblent s´y être établis car la pointe que le territoire formait commandait l´entrée de la Somme ; de plus, les marécages qui le jouxtaient à l´est constituaient une parfaite défense.
Le travail de lutte contre les incursions de la mer aurait débuté à l´antiquité. En effet, Lefils s´interroge sur l´origine des digues, probablement édifiées par les Romains. D´autre digues auraient été élevées pendant la période franque : d´après lui, les abbés de Mayoc trouvaient le moyen de s´enrichir en arrachant les terres de leur territoire à la mer afin de les cultiver.
Evolution de l´économie
La charte du Crotoy indique que la ville était considérée comme étant le port du comte de Ponthieu (celui de Saint-Valery était plus spécialement celui des seigneurs de Saint-Valery). D´après Lefils, les Romains avaient établi un commerce d´échange entre le Crotoy et les îles britanniques. Un accord de 1203 signé avec les bourgeois d´Abbeville obligeait d´ailleurs les marchands possesseurs de nefs de partir du port du Crotoy et d´y aborder, indiquant ainsi l´importance du site. Au Moyen Age, les bateaux entraient dans la baie en longeant la rive nord, plus profonde. En raison des marées, ils devaient faire escale au Crotoy ou à Port-le-Grand, parfois aux deux. Le Crotoy servait alors d´entrepôt au bois de la forêt de Crécy pour l´approvisionnement d´Abbeville, de Saint Valery, du Havre et de Dieppe. Un second, destiné aux vins (importés du midi), aux laines et aux plantes tinctoriales (qui alimentaient les fabriques d´étoffes d´Abbeville, d´Amiens et de Corbie), était situé dans la cité médiévale. En effet, au 14e siècle, les marchandises débarquées au Crotoy étaient dirigées vers Rue, Saint-Riquier, Crécy et Hesdin. Le 16e siècle fut une époque d´intense commerce : les marchands portugais, espagnols, hollandais venaient s´y fixer.
Le port commercial dépérit au cours de la Guerre de Cent Ans puis, lors de la déviation de la Somme par la construction du canal reliant Saint-Valery à Abbeville (1786-1835). Le bassin, dans lequel se retranchaient les navires, fut envasé petit à petit en raison du manque d´entretien.
Les quelques années de paix que vécut le pays dès le 17e siècle permirent de mettre en culture les terres inondées qui entouraient le Crotoy (renclôture à l´ouest en 1775, dessèchement d´une grande prairie qui lui servait de marais). Ainsi, au 18e siècle, Ledieu indique qu´on y élevait de nombreux moutons et qu´on y cultivait le colza. Le territoire rassemblait alors 17 laboureurs, huit bergers, et de nombreux journaliers mais la plupart des habitants étaient matelots ou pêcheurs. Trois moulins à vent au blé occupaient les terres à la fin du 18e siècle (situés le long du canal, ils étaient neuf au milieu du 19e siècle). Ils disparurent tous en 1902.
La monographie communale précise qu´en 1899, sur les 1578 hectares de la commune, le territoire agricole comptait 979 hectares de terres labourables, 154 de pâtures, 337 de marais et de digues, 94 de verger et jardins et 14 de propriétés bâties. 560 hectares étaient cultivés en céréales (blé, avoine, etc.), 130 produisaient la betterave à sucre ; le reste était ensemencé en betteraves fourragères, pommes de terre, herbages, etc.
A cette époque, l´élevage de moutons avait cessé. La viande de boucherie était très renommée (bœufs et veaux). Le marché se tenait deux fois par semaine : les femmes de Favières, de Morlay, de Ponthoile et de Saint-Firmin venaient y écouler leur beurre, les légumes de leurs potagers, les fruits de leur jardin, les œufs et les grasses volailles, de leurs basse cour, notamment pendant la saison des bains.
Les grandes exploitations tendaient déjà à disparaître. Sur les 1150 propriétaires, 15 d´entre eux exploitaient plus de 50 hectares, les autres ne possédant qu´une petite culture de 5 à 10 hectares.
Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France.