Limites administratives
Dom Grenier indique la présence de deux tumuli entre Port-le-Grand et Noyelles, qui délimitaient les territoires des deux communes en 1243, dans la charte de Noyelles.
La carte de Cassini (vers 1756) figure au sud du territoire bordé par la forêt de Cantate, la présence d'une justice maison nommée "chantier du port". Au 18e siècle, le comte d´Artois était propriétaire de cet espace boisé.
L´abbaye de Saint-Valery possédait sur le territoire de Port-le-Grand un moulin à huile en 1384.
D´après les documents de la Fabrique de l´église, il semble que la paroisse de Grand-Laviers faisait partie de la commune de Port-le-Grand au 18e siècle.
En 1899, le chef-lieu, Port-le-Grand, était le centre administratif, scolaire et religieux. Des hameaux sont signalés sur le territoire communal, dans les recensements de population : le Moulin (1851, 1872, 1881, 1906), la ferme de Bonance (1851, 1872), ferme de la Creuse (1851), Le Chantier (1851, 1872, 1881, 1906), le Bois de Bonance (1872), Bonance (1881, 1906, 1911), les Tilleuls (1906, 1911), Les Sables (1906, 1911), Blanquetaque (1906, 1911).
Archéologie
L´implantation ancienne de Port-le-Grand s´explique par sa position stratégique au voisinage de la Somme et de la mer. En effet, les populations se regroupaient dès la Préhistoire le long des voies navigables, qui constituaient le principal moyen de communication et de commerce dans la Gaule romaine. Le territoire conserve quelques gisements paléolithiques ainsi que plusieurs exemplaires rares de rectangles allongés. C´est aussi le long de la basse vallée de la Somme que se dresseraient les camps de César, forteresses sans doute contemporaines aux tombes de Port. Des restes de nécropole mérovingienne ont été mis au jour dans le village.
Histoire
Au début du 6e siècle, Aymeric, l´un des premiers comtes du Ponthieu, fait sa résidence à Port-le-Grand, où naît son fils, saint Honoré, évêque d´Amiens en 554 (ou 566). Peu après sa mort (au début du 7e siècle), une abbaye de Bénédictines est élevée près du rivage de la Somme. Ce monastère, dans lequel séjourne sainte Austreberthe, se trouvait au lieu-dit « le Chantier ». Pillé et incendié au 9e siècle par les Normands, attirés dans le Ponthieu par les nombreuses abbayes fondées par les rois francs, il est transféré à Montreuil au 11e siècle.
Au 12e siècle, les terres de Bonance, sont données aux moines cisterciens de l´abbaye de Valloires par le comte Guy II de Ponthieu. Les moines défrichent ainsi une grande partie du territoire. Au fur et à mesure de la dépopulation des campagnes causée par les invasions, les épidémies et les famines, la culture des champs cesse, faute de sécurité, faute de bétail et faute de bras. La forêt reprend alors son droit sur les terres autrefois destinées à la culture. En 1820, il existe encore 560 hectares de bois sur le territoire.
D´autres religieux occupent le territoire. En effet, les chartreux de Thuison, qui possédent plusieurs fermes à Port, exploitent leurs terres ainsi que quelques vignobles. A la Révolution, ces nombreuses terres sont achetées par les habitants de la commune.
Pendant la Guerre de Cent Ans (1346), le village est fortement ravagé par les Anglais en raison de sa position stratégique. Il reste relativement miséreux jusqu´en 1713. C´est alors qu´un négociant abbevillois, Plantard, fait revivre le commerce maritime abbevillois. Port-le-Grand en profite largement puisque les navires viennent y chercher les cargaisons de bois. Avec la création du canal, dont les travaux débutent sous Napoléon Ier et s´achèvent sous Charles X, les eaux se retirent et la vallée se trouve recouverte par les limons. La construction de renclôtures empêche alors définitivement les eaux de la baie d´atteindre Port-le-Grand, mettant fin à l'activité du port.
Le cahier de délibérations du Conseil municipal indique, qu'en 1845, le maire présente les premiers plans du chemin de fer Paris/Boulogne. Les carrières de craie du territoire sont largement utilisées pour les travaux. L´arrivée du train modifie les habitudes et accélère l´exode rural. La précarité du service de la halte empêche le développement de plusieurs spécialités de la petite industrie (notamment la serrurerie). L´arrêt n´est plus assuré depuis le milieu des années 1990.
Lors de la première guerre mondiale, le front étant à moins de 100 km, des voies de chemin de fer supplémentaires sont créées à Port-le-Grand afin que le camp de munition situé à Boismont puisse alimenter sans défaillance le front (ligne entre Port et Gouy). Une batterie de canons est alors installée entre Port-le-Grand et Noyelles-sur-Mer pour le protéger.
Évolution de l´économie
D'après Delattre (1959), au 13e siècle, Port possède un certain degré commercial qui ressort d´un article de sa charte octroyée en 28 juillet 1218 : "il est interdit d´occasionner aucun trouble aux marchands qui viennent dans la banlieue".
Au cours du Haut Moyen Age, le port (dont on trouve des traces archéologiques dès l´époque gallo-romaine) retrouve son ampleur dans le cadre du cabotage de la Hanse. Abbeville et Port-le-Grand commercent alors avec l´ensemble des ports riverains des mers du Nord et de la Baltique (commerce du bois de la forêt de Crécy). De cette époque subsistent les fondations du grenier à sel et des quais (au bord de la route départementale). La toponymie entretient le souvenir de cette époque : Bonance signifierait "bonne anse". Un chemin porte encore le nom de Chemin des Pêcheurs. Les bateaux venaient à Port afin de s´abriter avant de profiter de la marée pour atteindre Abbeville.
Le « Chantier de Port », (actuel lieu-dit les Tilleuls), était un entrepôt dans lequel, jusqu´en 1833 (date jusqu'à laquelle la mer atteignait le territoire), était déposé le bois issu des forêts de Crécy, de Cantatre (partie de la forêt de Crécy, aujourd’hui défrichée), de Guelde et de Forest-Montiers. Il était ensuite transporté par bateaux jusqu´à Abbeville ou dans le Vimeu ou encore, débarqué sur la rive gauche. Les gribanes, venues de Picquigny, les navires retournant à Dieppe, au Havre ou à Rouen venaient y prendre leur chargement.
Le dépouillement de l´état civil indique la présence à Port de nombreux corps de métier (au 19e siècle), reflets de l´économie du village : charrons, laboureurs, journaliers, bergers, fermiers, tisserands, tonneliers, charpentiers, employés ou brigadiers des fermes du Roy, gardes du sel, passagers, gardes des forêts, tailleurs d´habit, pantoufliers, commis au chantier de Port, employés des douanes... L´agriculture occupait une place importante dans l´économie du village, même si l´artisanat était encore quelque peu présent au milieu du 19e siècle (en 1865, on pouvait compter encore sept serruriers et six jusqu´en 1879). Dès 1861, apparaissent des employés du chemin de fer ainsi que des vanniers. La chute de l´activité des manufactures textiles abbevilloises au 19e siècle entraîne la perte des petits artisans dans les campagnes environnantes. La vie du village tourne donc peu à peu uniquement autour de la terre. Au début du 20e siècle, certains ouvriers travaillent à l´usine de serrurerie et robinetterie de Sailly-Flibeaucourt. Beaucoup sont également ouvriers agricoles.
Évolution de l'agriculture
En 1853, plus de la moitié des terres est cultivée en céréales (seigle, blé, avoine, orge) et le tiers en plantes et racines fourragères (luzerne, trèfle, sainfoin, betteraves). En 1899 (monographie communale), sur les 1041 hectares de la commune, le territoire agricole compte 1030 hectares répartis en terres labourables (610 ha), prés (200 ha), vergers (22 ha), bois (185 ha). Les 530 parcelles du territoire appartiennent alors à 180 propriétaires et se répartissaient en 15 exploitations dont quatre supérieures à 30 ha.
En 1899, il s'agit d'élevages des chevaux (85), de bovins (160 dont 54 vaches laitières) mais aussi de moutons (900) et de porcs (75) dont le nombre reste stationnaire tout au long du 19e siècle. En 1911, le nombre de moutons a diminué en raison de l´éloignement de la baie et des bas champs dans lesquels allaient paître le bétail. L´élevage semble s´être développé ultérieurement puisque la gare la plus proche permettait l´embarquement des bestiaux. Les foires et marchés fréquents, notamment ceux d´Abbeville, offrent un débouché certain aux produits. La vie agricole ne se modifie donc que très tard, après la seconde guerre mondiale.
Une briqueterie, cuisant environ 80 000 briques par an (lieux-dits La Brique de fer et l´Argillière sur le cadastre de 1832, au nord est du village), semble avoir cessé son activité au milieu du 19e siècle. En 1882, il existe trois forges dans le village (état de section, 3P637/3).
D´après Gaudefroy, au Moyen Age, les salines étaient exploitées au lieu-dit les « Salinettes » (à l´emplacement actuel du cimetière au nord-ouest du territoire). Le sel était expédié par bateau ou par terre. L´état civil mentionne la présence de gardiens du sel et de douaniers. Le grenier à sel alimentait Abbeville et Forest-Montiers.
Il semble que le territoire ait également compté des tourbières entre Abbeville et Port-le-Grand.
Évolution de la démographie
En 1469, la population était composée de 36 feux. Le graphique, établi à partir de l´évolution de la population, permet d´observer une forte hausse entre 1772 et 1836. Le nombre de maisons stagne pourtant du 18e siècle à aujourd’hui.
Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France.