Implantation du territoire
Roger Agache indique la présence de grands cercles de l'Age du fer, d´un cercle isolé et de substructions gallo-romaines. D´après Florentin Lefils, on découvrit une pirogue en chêne (qui semble bien antérieure à l´occupation romaine) dans les étangs du village. Long de près de dix mètres, l´objet est aujourd'hui conservé au musée Boucher-de-Perthes à Abbeville. A cette découverte est liée la présence d´habitations isolées tirant partie de la chasse, de la pêche et des ressources de la terre.
Evolution de la population
Estréboeuf rassemblait 75 habitants en 1700. En 1856, le chiffre avait augmenté à 334 habitants. Le recensement indique en 1836 une population de 370 individus. Elle diminua petit à petit pour atteindre 220 habitants en 1936. Le nombre de maisons passa de 83 en 1906 à 73 en 1936.
Evolution de l´économie
D´après l´ouvrage intitulé « Documents pour servir à l´histoire de la Révolution française », à la fin du 18e siècle, la population comptait 23 chefs de famille dont quatre laboureurs : en raison de la cherté de leur marché, de l´ingratitude du sol et de la surcharge des impôts, ils subvenaient à grande peine aux dépenses de leur exploitation. Le creusement du canal de Saint-Valery fit également du tort à la profession puisque les ouvriers étaient recrutés parmi les employés agricoles, si bien rémunérés que l´agriculture ne trouvait plus de main d´œuvre.
Les autres chefs de maison étaient journaliers (13) ou serruriers (6) et n´avaient d´autres ressources que le travail de leur journée. L´ouvrage insiste sur la misère de la population.
Estréboeuf était essentiellement composé de fermes modestes et de deux exploitations plus imposantes. Le pays était voisin de la mer et donc très sablonneux : « les terres, médiocres, ne pouvaient produire que du seigle, mais très peu de foin et de lin ». A la fin du 19e siècle, la commune cultivait essentiellement de l´orge d´automne et de l´orge de mars. Les terres furent remembrées avant 1880 (observation du cadastre de 1880). Les produits étaient exportés par la gare canal.
En 1802, le territoire possédait pour la plus grande partie de ses biens communaux des molières ou laisses de mer (couvertes et découvertes à chaque grande marée) et quelques marais. Le territoire disposait de quelques bois (au sud-ouest et à l´est).
Une partie des molières était à la fin du 18e siècle chargée de 500 moutons. Les vaches (même proportion) paissaient dans le marais. Une loi fut votée, réduisant le nombre de bêtes par propriétaire dans les pâturages communs. En 1929, les moutons occupaient encore une part importante de l´élevage (292) alors que le nombre de vaches avait connu une forte hausse (élevées pour la consommation personnelle, elles étaient 180 en 1929). Les chevaux de travail étaient encore bien représentés (67) et on comptait une forte présence des porcs pour la consommation personnelle (80).
Deux métiers ressortent du dépouillement du recensement de population au début du 19e siècle : il s´agit de blanchisseur de toiles et tisserand. En 1800, la meilleure partie du territoire consistait en prairies à foin, en « prairies au serge de blanchiries de toille, établissement important pour la commune, une partie rivière dite d´Etamboise » (l´Amboise). Les neuf blanchisseries (dont cinq sur pré et quatre sans), qui employaient dix ouvriers en 1847, stoppèrent leur activité à la fin du 19e siècle.
Il semble, d´après Gaston Vasseur, que le métier de serrurier soit apparu dans le village dès 1664, cité dans de nombreux registres paroissiaux. Les serruriers étaient cultivateurs en pleine saison. Ils travaillaient pour l´entreprise la Perche (Friville-Escarbotin). D´autres étaient polisseurs à domicile. L´atelier flanquait l´habitation et l´établi était situé devant la fenêtre. Les pièces étaient coulées en fonderie, amenées chez les ouvriers qui les assemblaient. Quinze ouvriers travaillaient à la serrurerie en 1869. Le graphique indique une activité en dent de scie jusqu´en 1884, utilisant entre 4 et 15 ouvriers selon la demande, tout comme la tourbe (entre 2 et 25 ouvriers). Les Trente Glorieuses engendrèrent un certain essor (électricité, chauffage central) qui modifia totalement le mode de vie dans les villages, engendrant l´abandon du travail à domicile.
Le village produisait également une grande quantité de tourbe. Cinq usines étaient en activité en 1868.
Certains étangs du village furent creusés au début du 20e siècle pour les touristes qui venaient y chasser. En effet, la chasse à la hutte était une activité très prisée sur le territoire, d´où l´importance des rendez-vous de chasse de Neuville et Drancourt.
Un moulin à vent existait entre Arrest et Estréboeuf sur la butte de Cattigny.
Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France.