Evolution des limites administratives et du paysage
Il est délicat de rendre compte de l'organisation territoriale de Favières et de ses environs (inclus dans le périmètre communal d´aujourd´hui), au moins jusqu'à la fin du 18e siècle puisque les limites communales de l´Ancien Régime étaient formées, nous l´avons vu, par des fiefs relevant de différentes seigneuries.
Les hameaux qui dépendaient du village n'ont pas toujours été ceux que nous connaissons aujourd´hui. Jusque dans le dernier quart du 19e siècle, la répartition n'est pas encore figée : on trouve par exemple le Poplimont et la ferme de Romiotte actuellement sur le territoire communal de Ponthoile. De même, une carte de 1744 indique sur le territoire de ‘Favier´, la présence de deux lieux-dits aujourd'hui disparus : Les Brulots (au sud) et Hemon (au sud-ouest). Une annexe, qui existait encore en 1948, a également disparu : Maisonnettes.
Quoi qu´il en soit, de grandes étendues de marais ou de zones marécageuses couvraient, au moins jusqu´au début du 20 siècle, une partie importante de ces terres, en particulier au nord et au nord-est, comme le laisse voir la carte de Cassini (1758).
Un moulin à eau était situé sur le canal de la Maye (aujourd´hui dépourvu de son mécanisme). Il existait également deux moulins à vent, détruits au début du 20e siècle (le moulin Hacquet en 1906 au sud-ouest de Favières et le moulin dit du Pêtre, situé sur la route de Romaine) dont un figure sur la carte de Cassini (1758). Sur le cadastre napoléonien, un lieu-dit donne la mention ‘Ancien Moulin´ sur la section du Hamelet, signifiant probablement la présence au début du 19e siècle d´un tel édifice.
Le territoire possédait un poste de garde côtes au 18e siècle.
Evolution de la population
Le nombre d´habitants du territoire connut une forte croissance entre la fin du 17e siècle et le début du 19e siècle (on passa de 355 habitants en 1698 à 561 en 1836). Ce chiffre augmenta de manière régulière jusqu´en 1872 (670 individus). Le recensement indique qu´entre 1876 et 1926, le nombre d´habitants varia légèrement d´une année sur l´autre pour finalement aboutir à une tendance générale relativement stable, tandis qu´à partir de l´entre-deux guerres et jusqu´en 1990, la courbe indique une décroissance régulière et ininterrompue. Delimeux, dans sa monographie communale (1911), explique les causes de cette diminution par "l'émigration des populations vers les pays miniers, vers les villes et par la faible natalité".
Le document précise également que la population agglomérée était trois à quatre fois plus importante que la population dispersée tout au long de la période étudiée (1836-1936).
Le nombre des maisons resta stable (aux alentours de 150 habitations).
Evolution de l´économie
Selon le cahier de doléances, les moines de l´abbaye de Saint-Valery ne cherchèrent pas à tirer profit des vastes marais qui couvraient une grande partie du territoire. Les habitants vécurent donc misérablement jusqu´à l´époque où la mer se retira, laissant de grandes étendues de terres vierges propres à la culture ainsi qu´aux pâtures.
D´après Delimeux, Favières se transforma ainsi au 19e siècle : le territoire s´était assaini, les routes s´étaient construites. L´ouverture de la station balnéaire du Crotoy étendit les relations et ouvrit des débouchés aux produits agricoles. Au 19e siècle, la polyculture et le commerce des bestiaux constituaient donc l´activité principale des habitants, à la tête de petites exploitations.
D´après Delimeux dans sa monographie communale (1899), sur les 1263 hectares de la commune, le territoire agricole était composé de 58% de terres à labour, de 10 % de pâtures, de 18 % de marais, de 5 % de vergers et de 8 % de laisses de mer, fossés, rivières, canal et chemins. D´après le graphique de l´évolution de la répartition des cultures, on observe une diminution de la surface cultivée entre 1837 et 1945. Favières produisait à la fin du 19e siècle principalement de l´orge d´automne et de l´orge de mars. Le blé et l´avoine avaient au cours de cette période largement perdu en surface. La betterave sucrière apparut après 1837 et atteint un pic de culture en 1929 (105 ha). La betterave fourragère était en augmentation au cours de la première moitié du 20e siècle. Les prés naturels, donnant une herbe excellente, occupèrent de plus en plus de superficie (275 ha en 1837 et 423 ha en 1945). Le rendement était généralement très bon.
Le nombre de bovins stagna entre 1899 et 1918 (315 dont 210 vaches laitières). Celui des moutons diminua fortement passant de 600 têtes à 127 (entre 1899 et 1918). Les porcs connurent, eux, une forte hausse du cheptel passant de 280 unités à 400.
Selon le graphique présentant la variation du nombre d´exploitations entre 1899 et 1945, on remarque une certaine diminution (de 120 à 88). En effet, en 1899, les 1715 parcelles du territoire appartenaient à 761 propriétaires et se répartissaient en 120 exploitations (dont 100 inférieures à 5 ha). Cette baisse toucha essentiellement les petites fermes entre 5 et 10 ha (passant de 100 à 62). Seules les exploitations moyennes (entre 10 et 20 ha) connurent une hausse, passant de 7 à 16 entre 1899 et 1929 ; elles disparurent totalement en 1945. Les exploitations de grande importance subirent le même phénomène. Jusque dans les années 1970, il y avait à Favières 40 à 50 exploitations de cinq à six hectares chacune. Elles ne sont aujourd´hui plus que quatre.
Il ne semble pas que ce soit l´arrivée du tracteur qui ait amené la disparition des petites exploitations. Ce sont, semble-t-il, les normes hygiéniques et l´introduction de la TVA qui engendrèrent, dès les années 1970, une perte de revenu ainsi qu´une concurrence accrue des exploitations de taille qui pouvaient investir dans un matériel aux normes.
Professions
Le recensement de la population indique les professions les plus souvent rencontrées. En 1836, les habitants étaient majoritairement cultivateurs, journaliers, domestiques, serruriers, horlogers, charrons ou artisans textiles (dont une vingtaine de tisserands, de fileuses, de tailleurs et d´artisans spécialisés). Ces derniers travaillaient pour deux fabricants de bas implantés à Quend et à Rue. Il est très vraisemblable que l´artisanat était alors déjà en déclin à cette date. En 1860, Favières ne disposait plus d´aucune industrie (A.D. 80 : 6 M 2407). En 1865, apparût un atelier de tissage de lin et chanvre employant quatre ouvriers. Il ferma en 1869.
Au début du 20e siècle, dans le domaine industriel, il n´y avait, pour tout le canton de Rue, que la sucrerie-distillerie et l´usine métallurgique du chef-lieu ainsi que la râperie de Vron employant 11 habitants de Favières.
Composant la classe sociale la plus représentée suite à la chute de l´artisanat (fin 19e siècle), les ouvriers agricoles connurent un recrutement important en 1872 (139) et une baisse progressive jusqu´en 1936 (93). La classe des ménagers disparut dès 1911.
En tout état de cause, la RD 940 semble avoir joué un rôle prépondérant dans le développement économique de la commune, tout comme la voie ferrée au 19e siècle.
Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France.