Bien que le culte chrétien soit attesté à Amiens dans la première moitié du 4e siècle, la première mention d´une cathédrale n´apparaît qu´en 850, date d´un document décrivant une cathédrale double, dédiée à la Vierge et à saint Firmin. Cette charte, relative à une donation aux "sacro-saintes basiliques de Sainte-Marie et de Saint-Firmin", signale la présence d'un groupe épiscopal à deux sanctuaires, qui comporte également un baptistère, dédié à Saint-Jean (R. Hubscher). Cet édifice, implanté à l´emplacement de l´actuelle cathédrale, se trouvait donc en bordure de la chaussée romaine, dans l´angle nord-est du castrum, hypothèse confirmée par la présence de sépultures des 6e et 7e siècles. Elle fut reconstruite plusieurs fois, pour la rétablir (après l´incendie de 1019) ou pour l´agrandir au début du 12e siècle, à l´initiative de l´évêque saint Geoffroy. A nouveau très endommagée dans l´incendie de la ville en 1137, elle est reconstruite et consacrée par l´archevêque de Reims, en 1152.
Le commencement de la construction de l´édifice actuel est traditionnellement daté par une inscription du labyrinthe, transcrite au 14e siècle. Les travaux débutent en 1220 sous la direction des maîtres maçons Robert de Luzarches, Thomas de Cormont et son fils Renaud, sous l´épiscopat d´Evrard de Fouilloy. Les plates-tombes exceptionnelles d´Evrard de Fouilloy et Geffroy d´Eu, conservées au bas de la nef, témoignent de l´hommage rendu à ses fondateurs. Cet ambitieux projet répondait vraisemblablement à trois principaux motifs. Tout d´abord, l´essor démographique et la forte croissance urbaine, dont témoigne la construction d´une nouvelle enceinte, qui a entraîné également la restructuration du quartier cathédral liée à la sécularisation du chapitre qui débute à la fin du 11e siècle. Ensuite, la translation solennelle des reliques en 1206 et le développement du pèlerinage, qui contribue à l´accroissement des ressources du chapitre. Enfin, l´incendie de 1218 offre l´opportunité d´une reconstruction, comme c´est également le cas à Rouen.
La chronologie de la construction, débutée par la nef, en raison de l´indisponibilité des terrains alentours à cette date (l´hôtel-Dieu sera transféré dans la ville Basse en 1236), s´appuie sur quelques repères : En 1247, l´évêque Arnould de la Pierre est inhumé dans le chœur, en 1258 un incendie endommage les chapelles rayonnantes, en 1269, la pose de la verrière de la baie axiale atteste l´achèvement du triforium et des fenêtres hautes du chœur. Le voûtement de la nef et du chœur est réalisé de 1285 à 1300, enfin le labyrinthe est posé en 1288. Les chapelles latérales de la nef, financées par plusieurs maîtres d´ouvrage, sont construites de 1292 à 1375. Le couronnement des tours de façade est achevé à autour de 1400, dans le style flamboyant. Le clocher de croisée, détruit par la foudre en 1528, est remplacé par une flèche en charpente (1529-1533) par les charpentiers Louis Cardon et Simon Taveau, sous la direction de Jean Bullant, frère du célèbre architecte de Chantilly. Des restaurations importantes ont lieu au 18e siècle, accompagnées de profondes modifications de l´aménagement intérieur, et au 19e siècle, sous la direction des architectes des monuments historiques, Auguste Cheussey (1820-1847), Viollet-le-Duc (1849-1873) et Georges Lisch (1873-1910). Ces chantiers constituent une référence particulièrement importante pour les architectes et les sculpteurs amiénois (les Duthoit et les Delefortrie) et jouent un rôle majeur dans la diffusion du style néogothique en Picardie, et plus particulièrement dans la Somme.
Chercheur du service de l'Inventaire général du patrimoine culturel de Picardie, puis des Hauts-de-France, depuis 2002.