" Généralement destinées à être louées garnies de mobilier et durant la saison des bains de mer, les 'villas' de plage, bâties dans le but d´un rapport pécuniaire, doivent contenir le maximum possible de place pour les lits de la famille et ceux à offrir aux amis du locataire. Or, le terrain situé en vue de la mer ou proche de la plage étant, de plus en plus, parcimonieusement mesuré aux amateurs en bordure sur la voie publique, et non en profondeur, -parce que la perspective maritime encore plus que le dit voisinage prime la valeur intrinsèque du fond-, il s´ensuit que les lots de terrains à bâtir sont fort étroits pour leur profondeur (presque ad libidum) prise dans les sables de la dune. C´est-à-dire qu´une largeur de 4 à 6 mètres est l´ordinaire d´un lot profond de 20 à 30 mètres.

Sur les plages à la mode, cette latitude de profondeur disparaît même, par le fait de voies publiques tracées parallèlement à la plage ; auquel cas le terrain devient rare et cher, presque autant en profondeur qu´en largeur : c´est la ville avec toutes ses restrictions.

A Mers, l´architecte prenait à charge d´employer, en construction d´un immeuble de rapport, un terrain situé non loin de la plage, et placé à l´angle obtus formé par deux rues, avec fort peu de profondeur (9,00 mètres en moyenne) pour un développement de façade approchant 22 mètres. Il s´agissait là non d´une maison à plusieurs étages contenant des appartements mais de petits hôtels séparés, bien particuliers, et contenant chacun, en deux ou trois étages, de 5 à 6 chambres à coucher, en outre des salles de réception au rez-de-chaussée et des services domestiques au sous-sol. C´était en un mot, l´immeuble de rapport divisé par tranches locatives verticales, au lieu des tranches horizontales composant nos maisons de location urbaine. L´unité de rapport est, ici, la place d´un lit. La place étant mesurée, il fallait superposer les surfaces, les étages. C´est d´ailleurs le caractère propre aux maisons du Nord de la France et de la Belgique que cette surélévation de l´habitacle particulier. Les maisons picardes ou flamandes sont comme soldats pressés dans le rang.

La dominante est la verticale. Les saillies sont indispensables, et aussi la silhouette pittoresque du couronnement ; et cela pour rompre toute monotonie pouvant résulter de tels alignements pressés, poussés en hauteur.

La variété dans l´unité - cette qualité maîtresse des oeuvres d´art bien étudiées- devait résulter d´une préoccupation évidente chez l´architecte de ce « triolet », et suscitée par le programme qu´imposait le propriétaire : accuser, à l´extérieur d´immeuble devant appartenir à un seul, l´occupation par divers locataires, dont chacun exigeant son indépendance, son absolu chez soi, et les particularités du home loué « à la saison » maritime.

La façade d´ensemble, montre, réalisée, la première partie de ce double désir chez le commettant : les travées, entières ou partielles, montrent l´originale diversité avec laquelle, partant de ce projet d´ensemble unifié, l´étude fut conduite, pour chacun des petits hôtels, en sa façade particulière. Certes, les trois hôtels, par leur devanture, appartiennent à une même famille immobilière, s´élevant visiblement sur les plans du même architecte ; mais en rompant, par l´étude, toute nouvelle de la menuiserie (ou charpente oeuvrée), avec la banalité ordinaire et rectiligne de ce genre de décor ; en faisant de 'l´art nouveau', on a singularisé chacune des façades, au point d´accuser, bien distinctement, la division de tout en trois parts, déjà différentes par l´importance et les dispositions du plan de chacune. Ces différences sont naturellement motivées par l´irrégularité du terrain donné ; et on en a su tirer une diversité d´habitation répondant à la diversité des goûts, des besoins et des demandes du public passager fréquentant les plages à la mode ; diversité fournissant donc des chances de location bien autrement probables que celles pouvant résulter d´une égalité parfaite, d´une similitude absolue entre trois hôtels à louer. En ce qui concerne l´exécution, la structure de cet immeuble -en trois temps, pourrait-on dire-, l´architecte a sagement adopté les matériaux, les usages du littoral et de la région : maçonnerie de briques avec quelques parties indispensables de pierre de taille (voir au résumé du métré) ; couverture en ardoises ; charpente en sapin pour les planchers et les combles ; menuiserie en pitch-pin pour les façades. Près de la mer, le sapin se comporte mieux que le chêne, même à l´extérieur ; et le pitch-pin a fourni les preuves, déjà anciennes, de sa supériorité sur tout autre bois, pour sa résistance à l´humidité. Le sous-sol étant ici -comme d´ailleurs vers les autres plages- presque un rez-de-chaussée, dallé, très sec, puisqu´à peine enterré dans le sable des dunes, le solivage du plancher peut être en sapin tout comme les autres. Seuls les linteaux (ou palâtres), les sablières, et les poinçons sont en chêne".