(extraits du livre de M. Norbert Quint : "Un orphelin de Bapaume - souvenirs d'enfance de 1953 à 1967" - Impression du Livre.com, St-Laurent-du-Var)

Chapitre 5 - L’orphelinat :

1) Description du bâtiment début des années 1960

Au sous-sol il y a les caves à demi -enterrées, donnant sur la façade par des soupiraux qui permettent la livraison des produits de stockage. En descendant par l’escalier, on trouve sur le côté gauche le stock de charbon puis le stock de pommes de terre, une pièce fermée qui renferme les réserves alimentaires, et en bout le chauffage central avec aussi un stock de charbon. La cave a servi pour enfermer les plus turbulents.

Au rez-de-chaussée, la grande porte d’entrée [n'était ouverte que] dans les grandes occasions. Lorsque l’on sonnait de l’extérieur, on entendait crocheter la gâche et la porte s’ouvrait alors. Un escalier de marbre se présentait à nous et en son haut une religieuse nous attendait ; elle avait permis l’ouverture de la porte grâce à une poignée reliée par un fil de fer qui rejoignait la serrure et longeait la rambarde. Généralement il incombait à la sœur chargée de la lingerie d’ouvrir [...].

Sur le haut de l’escalier, à droite se trouvait le parloir [...]. Sur la gauche il y avait une petite pièce qui donnait accès au petit presbytère lui-même relié à la chapelle. A côté de cette pièce, un grand vestibule permettait l’accès aux différentes pièces du rez-de-chaussée. Dans le fond, après avoir descendu quelques marches, on accédait à la porte qui donnait sur le jardin potager. Mais avant cela juste sur la gauche se trouvait la chapelle. Simple, sobre et calme, avec ses bancs et reposoirs de bois, son autel et son confessionnal. [...] Au-dessus du confessionnal se trouvaient des fenêtres qui donnaient accès au garage du dispensaire et que l’on ouvrait pour permettre aux grands d’assister au culte lorsque la chapelle était pleine.

Du vestibule, on avait accès aux toilettes, dans le fond à droite, et à l’escalier “privé”, réservé aux sœurs, que nous n’empruntions que quelques rares fois pour nous rendre à la messe dehors. Entre cet escalier et le parloir il y avait le couloir qui permettait de se rendre dans les parties qui nous étaient attribuées tout en passant sur la gauche devant la lingerie et sur la droite devant une petite pièce généralement réservée au médecin ou à Mr le Curé. Après avoir franchi une porte, le couloir donnait sur la droite sur le grand réfectoire avec ses tables et bancs placés dans le sens de la longueur et sur deux rangées; puis devant le petit réfectoire où l’on trouvait une large table basse circulaire pour les plus petits et d’autres tables pour les moins petits. Une autre porte terminait ce couloir et donnait dans un petit vestibule qui permettait l’accès sur la droite à une petite pièce qui servait de petite salle de restaurant aux gens de passage dûment invités par les sœurs. Puis il y avait l’escalier de bois qui donnait accès aux étages avec son garde-fou en fer forgé recouvert de bois et qui nous permettait de super glissades en l’enfourchant pour descendre. En son début, après avoir descendu quelques marches,il y avait la porte d’accès à la cave et à côté la porte qui permettait de pénétrer dans l’autre bâtiment.

Sur le côté gauche de ce vestibule: la cuisine avec en son milieu les fourneaux alimentés par du charbon. Tout autour étaient rangés la cuisinière réservée au bouillage du lait, le mélangeur-broyeur de purée et fromage blanc, le petit évier pour la vaisselle des sœurs, les tables de travail pour préparer les aliments et les divers casiers et tiroirs d’ustensiles. De la cuisine on accédait à trois autres pièces. Le cellier avec ses silos à sucre, où par des trappes s’écoulait ce délicieux aliment, parfois de jolis blocs en tombaient pour notre bonheur et gourmandise. Du cellier on rejoignait le réfectoire des religieuses qui donnait aussi dans la cuisine. De cette pièce les sœurs avaient la vue sur la cour de récréation, mais des rideaux nous empêchaient de faire les curieux de l’extérieur. Enfin la troisième pièce nous était accessible car donnant sur la cour et où l’on pouvait s’y présenter pour faire la vaisselle à la main ou avec la machine qui arrivera plus tard; ou encore aider aux pommes de terre qu’une machine épluchait par un disque de pierre râpeuse. Puis il nous fallait les réceptionner dans des seaux et les laver dans les bacs.

La cour [était] réservée aux récréations et lieu principal où se déroulaient nos vacances. [...] Cette cour était donc accessible par quatre puis cinq possibilités : la porte près de la chapelle ; la lingerie, accès réservé aux religieuses que nous n’empruntions que rarement ; la porte de la cuisine ; et la porte principale qui pour nous se trouvait à l’angle des deux bâtiments. Plus tard un autre accès a été rendu possible par la mise en place des toilettes au bout du bâtiment, près du presbytère, toilettes qui donnaient accès aux douches et à la petite salle [...] occupée par la buanderie et où nous allions tous les samedis nous préparer à la douche [...].

Cette cour possédait en son bout un préau dont le mur servait d’enceinte et bordait la petite route de derrière. Par temps de brouillard il arrivait parfois que le préau soit invisible des bâtiments alors que la cour faisait au grand maximum 30 mètres de longueur. En regardant vers ce préau, sur la gauche se trouvait le potager des sœurs avec en son bout un bloc de rochers apportés là pour faire une grotte où se trouvait une statue de Marie. Mais le plus important pour nous était le potager, ou encore le verger avec son cerisier, ses groseilles et ses croques -poux (groseilles à maquereaux) que nous allions marauder en franchissant les grilles pointues. Sur le côté droit de la cour, se trouvait à l’origine un autre jardin potager qui prenait comme largeur la longueur du bâtiment le plus récent où se trouvait la buanderie. En son extrémité il y avait les animaux élevés par les bonnes sœurs : quelques poules et lapins et surtout un cochon avec sa porcherie. [...] Par la suite, les animaux ont disparu, la porcherie et le poulailler ont été abattus ; le jardin -potager a été complètement retourné et même creusé [...] puis un bâtiment est sorti de terre, il fit dès lors office de salle de jeux et de garage.

Allons maintenant dans les étages pour continuer la visite.

En prenant le petit escalier de bois près de la cuisine, on arrive au premier étage où se présente face à nous un couloir qui dessert de nombreuses pièces. Tout de suite à droite commencent les chambres des sœurs avec celle de la Mère Supérieure. Le côté gauche est réservé en son début à la classe des maternelles. [...] Le couloir était fermé en son milieu par une porte, au-delà cela nous était absolument défendu de passer. On y trouvait les autres chambres des sœurs et à côté le bureau du secrétaire-comptable. La visite de l’étage se continue en revenant sur nos pas où près de l’escalier se trouvait la pièce d’accès au second bâtiment, sur les murs il y avait les portes -manteaux numérotés. [...] Dans le bâtiment neuf un couloir se présente à nous. Sur la gauche une porte légère donne accès à la classe du Cours Préparatoire et des Cours Moyens 1ére et 2éme années. Par une fenêtre située près des tableaux et au niveau du sol, on pouvait voir le couloir de l’autre bâtiment décrit plus haut. Le couloir donnait ensuite accès à une autre porte où se trouvait la classe des Cours Moyens. Ces deux classes étaient séparées par une cloison qui se repliait et permettait de former une seule pièce. Enfin le couloir permettait encore l’accès à une autre pièce qui servait de débarras à fourniture scolaire puis s’achevait par les toilettes et lavabos en son fond. On accédait aussi aux toilettes par la classe des “grands”. C’est bien plus tard qu’un escalier de secours en colimaçon fera son apparition dans cette pièce pour évacuation au-dehors.

En reprenant l’escalier on arrivait au deuxième étage.

Un immense couloir se présente à nous avec en son début deux pièces réservées à la lingerie. Puis le petit dortoir, sur la droite avec les lavabos et toilettes en son bout, était réservé aux plus jeunes. À gauche le grand dortoir, réservé aux plus grands. Au fond du couloir les casiers et armoires de rangement puis la salle de toilette dont la pièce était coupée en deux, et donnait accès au grand et aussi au moyen dortoir qui se trouvait sur la droite. En fait de lavabos nous avions une rangée d’auge comme celle que l’on voit encore dans les pâtures pour les bêtes ; des robinets sortaient d’un tuyau qui parcourait le mur. C’est plus tard que les lavabos arriveront. Dans chacun de ses dortoirs, aux deux bouts, il y avait les cellules des sœurs. Certaines étaient cloisonnées de bois mais la plupart étaient composées de rideaux pendus à des barres de fers. A l’intérieur de ces enclos privés, une armoire et un lit. Ainsi les religieuses assuraient une présence et surveillance rapprochées. Dans le fond à droite, face aux escaliers une rangée d’armoires [...].

En revenant sur nos pas nous reprenons l’escalier en colimaçon et nous arrêtons en son milieu où se trouve une porte basse donnant accès aux combles du nouveau bâtiment [...].

En continuant l’escalier nous arrivons au troisième et dernier étage un peu mansardé. [...] Son accès nous en était interdit. Les anciens, qui par orgueil, savent tout mieux que tout le monde, nous disaient que l’étage avait servi de dortoir autrefois, quand le nombre d’enfants était plus important. [...] À la fin de mon séjour, vers 1965, cette zone est devenue en grande partie des salles de jeux toutes rénovées et une salle de lecture.

[...]

3) L’orphelinat

Après la Seconde Guerre Mondiale, les effectifs d’enfants vont croître : 40 en 1945, 70 en 1955, 80 en 1957 et 85 en 1973. L’institution passera d’orphelinat à Maison d’enfants.

Vers 1960, une première monitrice arrive pour s’occuper des plus jeunes. Une dizaine d’aînés vont en classe du secondaire et du Certificat d’Études à l'Institution saint Jean Baptiste. [...] En 1968, les Tout-Petits sont scolarisés à l’Institution Notre-Dame. A partir de 1969, tous les enfants sont scolarisés dans les autres écoles de Bapaume. L’enseignement n’est plus à la charge des religieuses qui en profitent pour aménager leurs locaux afin d’offrir des activités sportives et culturelles aux enfants. Les travaux commencés en 1965 se poursuivront jusqu’en 1973.

Chapitre 12 : La salle de jeux

Une ancienne carte postale de l’orphelinat montre bien les deux jardins qui jouxtent la cour de récréation. Celui qui était du côté de la rue du donjon restera en place tout le temps de mon séjour ; l’autre qui bordait la propriété de monsieur le curé allait disparaître au début des années 60. L’entreprise bapalmoise Zuliani allait défoncer le terrain pour creuser les fondations d’un bâtiment appelé salle de jeux. [...] Avec toute la curiosité des enfants de notre âge, nous vîmes s’élever de hauts murs de parpaings rapidement recouverts d’une toiture. Quelques fenêtres sur la hauteur que l’on pouvait ouvrir à l’aide d’une poignée et d’un rail où coulissait le câble. Une seule porte pour y pénétrer, en tôle et fer. Le sol était recouvert de grands carrelages couleur bordeaux.

Une autre salle jouxtait ce grand et haut bâtiment sur la largeur, elle avait fonction de servir de garage à la 2Cv de la sœur infirmière. Une autre porte de fer et de tôle permettait d’y accéder de l’extérieur et de ranger dans sa longueur la voiture. Le reste de cette petite salle servait de rangement aux tables et tapis de judo. Pour ne pas avoir à passer par la porte extérieure qui servait au garage, une petite porte avait été placée sur l’autre côté ; elle donnait dans le petit couloir qui permettait d’accéder à la porte de la salle de jeu. Pas de parpaings sur ce côté mais des cloisons qui ne montaient pas jusqu’au toit et se terminaient par des plaques de plexiglas. Ce bâtiment était haut, et assez vaste pour nous y accueillir les jours de pluie, mais il n’était pas chauffé ce qui en faisait l’hiver un endroit hostile. Humidité et froid y faisaient bon voisinage au détriment des enfants qui pestaient contre ces conditions presque inhumaines. L’été la toiture rendait la chaleur à l’intérieur ce qui obligeait à ouvrir tous les vasistas et nous incommodait quand même. La grande salle servait aussi à la pratique des punitions ; il n’était pas rare de voir les plus terribles d’entre nous tourner inlassablement contre les murs en une ronde interminable. [...] Pour la pratique du judo, c’était le top, les tapis étaient positionnés sur le sol faisant un tatami très vaste où la trentaine de judokas s’adonnait à ce sport martial. [...] C’est certainement à partir de cette époque que la cour fût bitumée.

- Aggloméré Coignet : béton aggloméré.

- Ardoise de Fumay : extraite dans les carrières de Fumay, petite ville des Ardennes françaises, à proximité de la frontière belge.

- Briques de meule et briques à four continu :

La fabrication de la brique de meule est la plus simple à mettre en œuvre : les briques crues sont empilées, entourées de bois puis recouvertes de terre. La combustion du bois cuit les briques. Ne demandant ni main-d’œuvre qualifiée ni structure industrielle, la production peut reprendre très rapidement après la guerre. Cependant, le mode de cuisson implique qu'en fonction de leur position par rapport au foyer, les briques ne sont pas identiques : plus ou moins cuites, elles présentent des différences de taille (les moins cuites sont un peu plus grandes), de couleur et d'aspect mais également de résistance. Elles sont donc plutôt utilisées pour du gros-œuvre.

Les briques cuites au four continu sont issues d'une production industrielle : les briques crues sont disposées sur un tapis roulant dont la vitesse de passage dans le four est contrôlée et constante, tout comme la température du four. Les briques produites sont donc toutes identiques. Leur production est plus coûteuse et elles sont donc utilisées principalement pour des parties de bâtiment visibles. De plus, leur production étant dépendante de la reconstruction industrielle, elle ne reprend pas tout de suite après la guerre.

- Calandrite : matériau bitumé assurant l’étanchéité d'un toit à faible pente ou d'un toit-terrasse.

- Carreaux d'Auneuil : carreaux de céramique à motifs, également appelés carreaux de ciment, produits par la fabrique Boulenger à Auneuil (Oise).

- Carreaux rouges de Beauvais : carreaux de terre cuite rouge sans décor et sans glaçure, dont la forme peut être hexagonale, carrée ou rectangulaire.

- carreaux de trottoir : carreaux aux bords biseautés.

- Crépi ou enduit tyrolien : l’enduit tyrolien est un crépi projeté avec une machine à manivelle appelée tyrolienne - nom de sa région d'origine - qui garde une fois sec un aspect granuleux.

- Granito - terrazzolith : le granito est un béton constitué d’un liant (ciment coloré) et de grains de marbre, dont le parement est poli. Il peut être utilisé comme revêtement mural ou comme sol. Il est soit coulé en place ou fabriqué en plaques. C’est un matériau très courant dans le logement social et les équipements de l’entre-deux-guerres et jusque dans les années 1950. Le nom "terrazzolith", devenu commun, correspond à une ancienne marque commerciale.

- Lincrusta : papier peint imitant un lambris bois.

- Papier de tenture : papier peint.

- Pierre bleue : calcaire dur de couleur gris-bleu extrait dans l'Avesnois et en Belgique. Elle est appelée pierre bleue de Belgique ou de Soignies.

- Pierre de Marquise : calcaire extrait d'une carrière du Boulonnais.

- Pierre fine de Saint-Maximim : calcaire dur à grain plus ou moins fin, de couleur beige à jaunâtre, extrait des carrières de Saint-Maximim (Oise).

- Pierre d'Hydrequent ou de Lunel : calcaire dur, de couleur grise, extrait de carrières dans le Boulonnais.

- Plancher pose à l'anglaise : les lames sont posées parallèlement les unes aux autres mais elles ne sont pas de la même longueur ce qui anime visuellement la surface. C'est la pose la plus facile à réaliser et la plus fréquemment utilisée.

- Plancher pose point de Hongrie : manière de poser des lattes de plancher de mêmes dimensions pour former des chevrons. Chaque lame, coupée de biais à ses extrémités, est posée de façon à former un angle de 45 à 60 degrés avec la lame de la travée voisine.

- Plancher pose à bâtons rompus : manière de poser des lattes de plancher de mêmes dimensions pour former des chevrons. A la différence du point de Hongrie, les extrémités des lames forment des angles droits. Les lames s'emboîtent extrémité contre bord long et non pas extrémité contre extrémité. 

- Sgraffito : technique qui consiste à graver un décor dans un mortier coloré appliqué en fine couche sur un enduit noir. Le tracé en creux donne au dessin une plus grande précision et convient aux décors extérieurs observés à distance.

- Silexore : peinture minérale à base de silicate de potassium mise au point en 1857 qui s'utilise sur la pierre ou les enduits de ciment et durcit en prenant l'aspect de la pierre sous l'action de l'air et des U.V, ce qui la rend presque inusable. Elle est hydrofuge. Silexore, devenu nom commun, est à l'origine la marque du fabricant.

- xylolith (ou eubolith) : mélange de ciment et de sciure de bois.