L’Ecole de natation, 1879-1972
La construction d’une école de natation (nom donné aux piscines au 19e siècle), équipement encore rare en France, est décidée par le conseil municipal de Béthune le 18 janvier 1878. L’idée nait de l’opportunité que représentent les terrains dégagés suite à la destruction des remparts. Le projet est motivé par plusieurs raisons : la nécessité d’apprendre aux enfants à nager dans un lieu sécurisé et aménagé, la volonté d’offrir aux Béthunois un lieu de rencontre et de délassement lors des chaudes journées d’été, améliorer les conditions d’hygiène de la population. On constate que la construction des piscines à cette époque est très peu liée à la demande sportive, elle répond avant tout à des préoccupations de bien-être et d’hygiène sociale, bien que les conditions sanitaires des bassins de natation de plein air sont alors loin d’être irréprochables.
Pour mener à bien leur projet, les élus visitent d’autres établissements du même genre déjà en activité dans la région, notamment l’école de natation d’Arras. Ils constatent que les parois en bois et le fond en gravier, système constructif rudimentaire, se révèlent peu pratique et coûteux à l’entretien. La piscine de Béthune est construite à un emplacement idéal, à l’angle du boulevard Thiers (actuel boulevard Jean-Moulin) et du boulevard Voltaire, entre deux bras de rivières (qui sont enterrées dans les années 1950) afin d’avoir une alimentation en eau à proximité, et une possibilité de renouvellement de l’eau aisé grâce à un système d’écluses. L’accès à la piscine se fait alors par des passerelles. Les parois sont édifiées en brique et le fond est simplement revêtu de gazon, solution tout aussi peu hygiénique qu’à Arras, l’eau devenant rapidement boueuse. Inaugurée à l’été 1879, la piscine, qui ressemble à un étang artificiel aménagé, comprend un bassin de 60 x 25 mètres divisé entre "petit bain" et un "grand bain" par une simple palissade en bois, surmontée d’une passerelle permettant une surveillance plus aisée aux maîtres-nageurs. Les bassins se terminent en arc de cercle. Quarante cabines en bois, alignées sur le long côté du bassin permettent aux baigneurs de se changer. Il s’agit d’un équipement populaire, accessible à tous (et notamment aux nombreux mineurs béthunois) : l’entrée est gratuite pour le petit bain, tandis que l’accès au grand bain est payant mais seulement en semaine. L’eau n’est pas chauffée et l’école de natation n’est ouverte que l’été.
Dans les années 1920-1930, pour s’adapter à l’engouement que connaît la natation en tant que sport de compétition, les bassins de l’école de natation sont réduits à la dimension réglementaire de 50 mètres et prennent une forme plus rectangulaire. Le grand bassin est prolongé d’une annexe rectangulaire, dans laquelle sont organisées des compétitions de water-polo et également les cours de natation (le bassin est alors équipé de l’appareil à suspension Paul Beulque, permettant l’apprentissage collectif de la natation). Des gradins sont d’ailleurs placés devant. Une fosse à plonger est creusée pour permettre l’installation d’un plongeoir à trois niveaux (le plus haut étant de six mètres). Les bassins ont sans doute été bretonnisés (mais non carrelées) lors de cette modernisation. L’eau de la rivière étant de plus en plus pollué (par les déchets ménagers et les déchets miniers), il est décidé de percer un forage et d’y installer une pompe afin d’alimenter le bassin en eau "saine" ; travaux financés par la Compagnie des mines de Bruay.
Dans les années 1950, les cabines en bois à clef, vétustes, sont remplacés par des vestiaires en dur et par un système de porte-habits, et des bains-douches sont construits à proximité de la piscine.
La piscine olympique, 1973-2002
Avec l’instauration de la cinquième République, en 1958, les pouvoirs publics prennent conscience de l’importance du retard de la France en matière d’équipements sportifs. La nécessité de rendre obligatoire l’apprentissage de la natation aux écoliers devient une des préoccupations majeures du Haut-Commissariat d’Etat à la Jeunesse et aux Sport, qui entreprend, au cours de trois lois-programmes concernant les équipements sportifs et socio-éducatifs, une série de mesures incitatives pour augmenter rapidement le nombre de bassins de natations praticables en toutes saisons en France.
A Béthune, la question d’une piscine couverte se pose dès le début des années 1960, parallèlement au projet de complexe sportif (comprenant un boulodrome, un terrain de football, une piste de vitesse, des courts de tennis, une salle de sports, des terrains de handball, de basket et de volleyball). Il faut attendre 1966 pour que le projet de piscine olympique se concrétise, avec son inscription au Ve Plan au titre des opérations régionales, permettant d’obtenir des subventions de la part de la Région et de l’Etat. L’avant-projet est confié à l’architecte béthunois André Evard, auteur de plusieurs équipements publics dans la région, dont le stade nautique municipal de Liévin (1965).
Il est initialement prévu de construire la nouvelle piscine au-dessus de l’ancienne, à côté des bains-douches ; emplacement qui sera abandonné au profit d’un terrain le long de la Lawe et devant le nouveau complexe sportif, plus facile d’accès et comportant moins de contraintes d’aménagement.
Comme le montre les plans de 1967 et 1968 conservés aux Archives Nationales, le projet initial est très ambitieux et témoigne de la volonté des élus d’ériger la nouvelle piscine en tant que symbole de la modernité et du dynamisme de la ville. Ainsi, la piscine devait comprendre, en espaces couverts : un bassin olympique de 50 x 21 mètres complété par des gradins de 800 places et 1 bassin-école de 50 x 12,5 mètres (ces dimensions inhabituelles pour un bassin d’apprentissage s’expliquant par le fait que les nouveaux bassins devaient à l’origine couvrir les anciens), un bar, une salle de musculation et deux saunas ; et à l’extérieur : une fosse à plonger et une grande plage-solarium. Le tout devait être couvert par un toit ouvrant. Cependant, ce projet au coût bien trop élevé est revu à la baisse, la subvention projetée n’étant que de 2 millions de francs. Au final, les plans de la piscine sont entièrement revus et nettement simplifiés, seul le plan de la halle des bassins reste similaire à l’avant-projet. De cette manière, la piscine répond aux objectifs principaux de départ qui étaient l’apprentissage de la natation et l’organisation de compétitions.
La piscine est inaugurée le 17 juin 1973, par le maire Paul Breynaert et le sous-préfet, puis une deuxième fois lors d’une cérémonie plus officielle, le 29 septembre 1974, en présence de Roger Poudonson, secrétaire d’Etat à la fonction publique.
Les volumes de la piscine sont imposants, mais son architecture est simple. Les bassins et les annexes s’inscrivent dans un volume rectangulaire à ossature métallique, ouvert sur deux côtés par des baies vitrées, complétées par des baies zénithales coulissantes. Les annexes (entrée, vestiaires, locaux technique, bureaux, etc.) sont réparties dans deux autres volumes, l’un, en brique, en avant-corps sur la façade nord, l’autre, de forme triangulaire, aligné le long de la Lawe.
Chercheur du service de l'Inventaire général du patrimoine culturel de Picardie, puis des Hauts-de-France, depuis 2002.